Rome, Etat du Vatican. Le cardinal Thomas Lawrence (Ralph Fiennes), doyen du collège des cardinaux, est appelé de toute urgence auprès du Saint Père. Ce dernier vient de mourir, brutalement, d’une crise cardiaque. Après la mise en bière, le corps du défunt est retiré de la chambre papale où des scellés sont posés. Dès cet instant, sans attendre les funérailles, le cardinal Lawrence convoque et supervise, en sa qualité de doyen du collège des cardinaux, un conclave : il se tiendra après l’enterrement du Pape. Porté par la rumeur vaticane comme « papabile », Il confie ses doutes sur sa personnalité, sur l’énormité de la charge, à son ami le cardinal Bellini (Stanley Tucci). Les cardinaux désignés pour participer à l’élection du nouveau Pape affluent dans la cité du Vatican, originaires de tous les continents (religion catholique : 1,4 milliard de fidèles dans le monde).
Le conclave est limité à 120 cardinaux (âgés de moins de 80 ans) qui sont, après leur installation à la résidence Sainte-Marthe, réunis en huis clos par le cardinal Lawrence dans la Chapelle Sixtine, lieu du déroulement du scrutin. Le nouveau pontife doit être élu avec deux tiers des voix de cette assemblée. Des courants s’opposent : le libéral, avec les cardinaux Lawrence, Bellini et Tremblay (John Lithgow) un canadien à l’éthique discutable ; le conservateur, avec comme chef de file un italien, Tedesco (Sergio Castellito), prônant le retour à l’église d’avant Vatican II ; le tiers-mondiste guidé par un africain, Adeyemi (Lucian Msamati), lequel apparaît comme favori malgré les insultes, fort peu œcuméniques, de l’italien.
Avant le premier tour de scrutin, à la stupéfaction du cardinal Lawrence, organisateur de l’évènement, un inconnu se présente : le cardinal Benitez (Carlos Diehz), un mexicain taiseux représentant de l’archidiocèse de Kaboul (Afghanistan) et que le pape décédé, comme il en avait le droit (souvent pour protéger l’ecclésiastique), aurait désigné cardinal in pectore (en latin : « dans la poitrine » au sens de « dans le cœur »). Après vérification de ses documents, le nouveau venu est intégré dans le conclave.
Entre la Chapelle Sixtine où se déroulent les votes, le réfectoire et la résidence Sainte-Marthe où ils se reposent, c’est dans ce strict huis clos général, que « les princes de l’Eglise » procèdent au premier tour de scrutin …
Après le triomphe planétaire en 2022 d’A l’Ouest rien de nouveau (4 récompenses à la 95ème cérémonie des Oscars) précédant long métrage du réalisateur allemand Edward Berger (54 ans), ce dernier avait les mains libres pour réaliser un nouveau film ambitieux : Conclave (2024) adaptation par son compatriote Volker Bertelmann du roman éponyme de Robert Harris paru en 2016 (éditeur Plon). Nombre de romans de cet écrivain anglais prolifique ont été adaptés pour la télévision avec succès, et à deux reprises, au cinéma, notamment par Roman Polanski : The Ghost Writer (2021) sur un « nègre » rédacteur des mémoires d’un important homme politique menacé (L’Homme de l’ombre – Plon 2017) ; J’Accuse (2019) sur l’affaire Dreyfus narrée du point de vue du lieutenant-colonel Marie-Georges Picquart (D – Plon 2013).
Conclave est du genre cinématographique thriller, suspense sans violence autre que verbale dans un cadre confiné et précis : le conclave ne prendra fin que lorsqu’un nouveau Pape sera élu et que celui-ci acceptera la charge de guide spirituel de l’église catholique. « Les princes de l’Eglise » doivent choisir le meilleur d’entre eux ou du moins celui qui fera consensus. Dès lors « la guerre feutrée » est ouverte. Conclave décrit les transactions, les manœuvres, les coups bas, pour tenter d’accéder au trône de Saint Pierre, ou pour empêcher un « quidam » d’y réussir. Toutes les basses manœuvres, renversements d’alliance, sont tolérés, dans un langage œcuménique et… sans pitié.
La forme picturale classique choisie par le metteur en scène et son chef opérateur français (!) Stéphane Fontaine (ancien assistant du chef-opérateur Éric Gautier), est rigoureuse, géométrique : Les images en format scope, faiblement éclairées dans une sorte de pénombre propice au complotisme, sont striées de verticales, d’horizontales (Chapelle Sixtine, le cloître), et de perspectives (les couloirs du Vatican, la résidence Sainte-Marthe). Les plans d’ensemble magnifiques de la Chapelle Sixtine (reconstituée en studio à Cinecittà !), ponctuent par leur atmosphère faussement apaisante, le scrutin secret des cardinaux, soumis à un rituel fastidieux.
Conclave est une œuvre ambitieuse, captivante, sur un cérémonial somme toute démocratique à enjeu spirituel planétaire mais aussi politique. En effet dans la longue histoire du pontificat depuis Adrien VI (1522/1523), tous les Papes ont été italiens, souvent natifs des États Pontificaux (754/1870), et ce, jusqu'à l’élection de Jean-Paul II (1978/2005) un polonais, suivi de Benoit XVI (2005/2013) un allemand et enfin de François (2013) un argentin, premier jésuite accédant au trône de Saint-Pierre. Le centre de gravité de la chrétienté, pour de multiples raisons, s’est déplacé vers des populations hors d’Europe.
Conclave, thriller électoral en huis clos, relate en sous texte, ce phénomène inéluctable et la course papale qui en résulte : réformateurs (politicante) contre conservateurs (zelante). Le récit nous tient en haleine nonobstant une conclusion extravagante… too much !
Conclave servi par des acteurs impeccables de justesse dans leurs rôles respectifs, est une proposition agréable, instructive, sur un univers peu connu, complexe, d’une communauté restreinte, d’élites, en charge de la propagation des paroles du Christ dans le monde. Le bilan est humain, trop humain !