(notre photo de couverture : Mgr Mathieu avec le lehendakari (président du gouvernement basque) Aguirre
Clément Mathieu pour les diocésains de Bayonne naquit à Hasparren le 18 mars 1882 et décéda à Dax le 25 mars 1963.
Une vie d’étude et de scolarité dans son diocèse d’origine dans les conditions ubuesques de l’époque, fermeture des séminaires, déplacements des séminaristes, et prêtre ordonné en 1906 à l'église Saint-Martin de Biarritz.
Le jeune vicaire fit ses débuts à Biarritz avant de dispenser ses enseignements au séminaire de Bayonne, puis devenir supérieur du petit séminaire d’Ustaritz. On en oublierait que le jeune prêtre avait été envoyé à Louvain à la célèbre Université catholique belge pour un doctorat en théologie avant de retourner sur ses terres basques.
Pour peu de temps semble-t-il ! Les Landais l’attendent, et les volontés du ciel inspirées par Mgr Gieure pour son diocèse d’origine nourrissent de la bienveillance pour Clément Mathieu pour rejoindre Aire et Dax comme évêque.
Tout d’abord sacré évêque - disait-on en langage ecclésiastique - à la cathédrale de Bayonne le 28 octobre 1931 par Mgr Gieure, précisément, Clément Mathieu commença à transférer le siège épiscopal d’Aire à Dax dès 1933, le jeune évêque doté d’une réputation d’intelligence et d’initiative soutenue, prit les décisions difficiles dès son arrivée.
On n’imagine pas que toute l’institution était acquise à la réforme, mais ce fut ainsi !
Mais la suite qui viendra donnera le tempo dans les délais courts de l’esprit de ce nouveau pasteur landais.
L’Action Catholique, Mouvement pour la promotion de la jeunesse agricole dans un diocèse agricole de forêts, de cultures, d’élevage, intéresse le jeune évêque et inspira La Lettre Pastorale de Mgr Mathieu sur l’action catholique dans un territoire immense où les intérêts des gens de la terre divisaient entre eux les propriétaires de vastes domaines et la noria des métayers non organisés et en conflit avec les possédants.
Aire et Dax étaient deux diocèses réunis au sein de la même entité, et la réputation portée sur eux est celle “d’un espace déshérité et déchristianisé !”
Les propriétaires des fermes landais habitaient à Bordeaux ou Paris, les métayers dirigés par des régisseurs décidaient de leur destin.
“Dans des zones incultes, la forestation avait été initiée au XIXème siècle dans des territoires immenses par d’anciens militaires et des repris de justice”, dans des conditions tendues avec la population locale, en marge de toute entreprise de l’église locale où, disent les chroniqueurs, l’évêque précédant la venue de Clément Gieure, de 1911 à 1931 a peu d’influence sur les propriétaires, les métayers et les régisseurs aux prises entre eux en des affrontements parfois difficiles.”
Clément Mathieu arrive dans le diocèse dans ce contexte compliqué, et toute initiative de sa part est surveillée et suivie avec intérêt, la présence auprès de ces agriculteurs, jeunes actifs de la forêt et des cultures agraires, le préoccupe.
Le lancement de la JAC, action catholique en faveur des paysans landais concentrera l’essentiel de cette mission, de ses lettres de carême annuels, et de sa conviction missionnaire.
La réunion des diocèses primitifs d’Aire et de Dax a concentré les anciennes paroisses depuis 1900 à 30, le diocèse connut la crise religieuse latente de la plupart des églises en France : baisse des vocations, de la pratique dominicale, de la demande des sacrements, des pèlerinages, y sont sensibles, il faut pour le jeune et impétueux clément Mathieu agir vite et sans attendre !
Si les documents qui témoignent des actions de ces premières années de l’évêque en son diocèse manquent ou se sont dispersés, peu de sources aux archives diocésaines mais chez des particuliers landais et dans les ressources de l’évêque lui même qui annote, comptabilise, et garde mémoire de son travail sur le terrain lors de ses visites pastorales, y sont précieuses.
Elles furent le nerf de la guerre ou pour le moins le ressort qui remit le contact en direct avec l’évêque et le monde paysan, par sa jeunesse.
Les campagnes anticléricales faisaient florès comme ailleurs chez les gens de la terre ; l’utilité du clergé est remise en doute par ses détracteurs, à quoi bon nourrir les bouches inutiles de ces gens dont on pourrait se passer sans problème ?
Sachant d’expérience ce qui s’était passé dans le diocèse voisin de Bayonne, sa perspicacité resta en éveil.
1920 dans les mémoires landaises, la révolte des métayers contre les propriétaires, laissa des traces profondes chez les gens de la terre.
Les médiateurs de l’époque tentèrent “des conventions professionnelles” pour restaurer la confiance, mais les déchirures resteront profondes.
Le sujet des paysans n’est pas un sujet exclusivement social, il concerne bien l’Eglise, et les autorités ecclésiastiques qui tentent des échanges mais ils se font
attendre !
Clément Mathieu sera l’homme de cette situation larvée de divisions latentes auxquelles il fallait suppléer avec des rencontres inédites entre gens de la terre.
“La boite à outils” de l’époque fut l’action catholique de la JAC jeunesse agricole catholique largement diffusée dans la vie paroissiale par Clément Mathieu, qui ne manque de sillonner son diocèse et participer à des réunions publiques ininterrompues : réunions locales, cantonales, départementales, congrès diocésains où l’évêque était partout, omniprésent et déterminé.
Jac, journées rurales, retraites des Ligues féminines agricoles, Jacf, il faut braver les atermoiements, et pratiquer la méthode directe du contact et du dialogue avec les jeunes paysans landais.
Dès avant guerre, au cours des années 1936-37, l’évêque avait déjà visité en une année 19 paroisses, son vicaire général l’abbé Bordes une vingtaine, et le travail mené en tandem fit florès, les deux hommes se comprenaient, s’appréciaient et furent complémentaires.
L’abbé Bordes, vénéré par les Landais, connaîtra le destin de la guerre car, résistant à l’occupant, membre du réseau landais, il sera déporté en Allemagne en 1944.
Les évêques français observaient de leur diocèse le travail accompli par Clément Mathieu, leur confrère intellectuel d’une vie première, homme de terrain dans la seconde, que la population croisait dans les réunions publiques, jusque dans les villages les moins connus des Landes, le Basque d’Hasparren dans les immensités landaises, bien chez lui.
Les observateurs landais de cette église observaient les statistiques retenues selon les régions du vaste département, celles accessibles à une évolution en faveur de l’action catholique, et de la présence effective de l’église, et celles moins perméables de longue date peu ou prou évangélisée dans le passé où l’on comptabilisera en langage d’époque, les pascalisants, les pascatins, les messalisants, car tout travail méritant son salaire, la vue des chiffres de recrues aux rencontres dominicales rassénère les efforts accomplis par l’action catholique auprès des jeunes paysans landais.
Le renouveau d’une église locale sembla contenter l’évêque qui observait des chiffres statistiques de baptêmes, de mariages, de vocations, de fêtes de la foi, de pèlerinages à Buglose en hausse sensible, nuancées selon les zones landaises toutefois.
La presse locale devient la vitrine de l’information de ces réunions publiques, et les documentalistes d’hier à nos jours consultent ces éléments d’informations nourries par les correspondants locaux des gazettes landaises.
On envisagea même un temps des Semaines Sociales à Buglose sur ces sujets sociaux et sociétaux landais, mais l’entreprise ne fut guère menée à son terme, car le vieux sujet des métayers ancré dans l’esprit en profondeur demeurait patent d’une fracture sensible et de retour.
Dans le langage emprunté de l’époque de la guerre, “les bataillons de pratiquants militants sociaux étaient au rendez-vous de Clément Mathieu et comme en toute organisation, le mouvement disposait de ses Jeunes forces rurales et du bulletin Promesses pour les sympathisants, de militants et militantes pour les adhérents, Construire et en équipes pour les dirigeants, un panel varié de brochures polycopiées à la disposition de chaque catégorie des praticiens de la JAC.
Parmi d’autres visages reconnus à Clément Mathieu, celui d’avoir cru en l’action catholique agricole fut incontestablement le signe dominant de ce paysan d’Hasparren devenu forestier dans les Landes, et semeur de paix sociale dans l’immensité territoriale d’un des plus vastes départements français !
La complicité entre FX Gieure et Clément Mathieu transparait entre ces deux hommes, qu’une génération sépare et qu’une fougue basco-landaise réunit pour l’histoire religieuse de deux diocèses limitrophes et proches !
Clément Adoumié en délivra des chapitres documentés sur l’homme, son histoire et son engagement dans une thèse soutenue à Bordeaux.