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Cinéma
Bergman Island (112’) - Film français de Mia Hansen-Love
Bergman Island (112’) - Film français de Mia Hansen-Love

| Jean-Louis Requena 831 mots

Bergman Island (112’) - Film français de Mia Hansen-Love

zCinéma1 BAS 2 La cinéaste Mia Hansen-Love (à droite) et l'équipe du film Bergman Island à Cannes © AFP.jpg
La cinéaste Mia Hansen-Love (à droite) et l'équipe du film Bergman Island à Cannes © AFP ©
zCinéma1 BAS 2 La cinéaste Mia Hansen-Love (à droite) et l'équipe du film Bergman Island à Cannes © AFP.jpg
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Bergman Island ©
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Ingmar Bergman (1918/2007) et l’île de Fårö

En 1961, Ingmar Bergman arrive sur l’île de Fårö située sur la mer Baltique à l’est des côtes suédoises. Le réalisateur, déjà mondialement célèbre, vient pour y tourner son 23 ème film : A travers le miroir. Tombé amoureux de l’île, il reviendra plusieurs étés pour y réaliser quelques longs métrages emblématiques de sa longue filmographie : Persona (1966), L’Heure du loup (1968), La Honte (1968), Une passion (1969) et Scènes de la vie conjugale (1972). Avec sa cinquième et dernière épouse, Ingrid Von Rosen (1930/1995), il s’installe définitivement sur l’île de Fårö au lieu-dit Hammars, en bord de mer, où les nouveaux îliens retrouvent « un foyer, une retraite et un lieu de travail privilégié, dont la quiétude et l’intégrité sont sans égal ». Dès 1973, dans une lettre au préfet de Gotland (l’île principale) le couple prévoit, à leur disparition, que les lieux qu’ils habitent ou ont créés (maison principale, cinéma, maison d’accueil, etc.) deviennent une fondation pour artistes. 

Ingmar Bergman poursuit sa prolifique carrière de dramaturge, scénariste, réalisateur et metteur en scène de théâtre : 44 longs métrages (de 1946 à 2004), 18 téléfilms pour la télévision suédoise (de 1957 à 2003), et d’innombrable pièces de théâtre montées principalement au Théâtre dramatique de Stockholm (de 1951 à 2002). Il s’éteint en 2007, à l’âge de 89 ans, dans sa maison de l’île de Fårö où il est inhumé.

Ingmar Bergman a été marié cinq fois et a eu neuf enfants de six femmes. La création d’une fondation souhaitée avec sa dernière épouse est irréalisable face à la complexité de la succession. Tout sera donc dispersé lors d’une mise en vente aux enchères. Un livre est édité qui recense les constructions et les objets à vendre (mobiliers, livres, disques, cassettes, etc.) Fort heureusement, l’héritage compliqué d’Ingmar Bergman n’a pas été dispersé : un homme d’affaires norvégien a racheté la totalité des lots. Avec Linn Ullmann (la fille de Bergman et de Liv Ullmann, son dernier enfant né en 1966), il a créé une fondation selon le souhait de Bergman : The Bergman Estate.

Bergman Island (112’)

En 2019, un couple de cinéastes Tony (Tim Roth) et Chris (Vicky Krieps) débarquent sur l’île de Fårö pour y travailler leurs propres scénarios, le temps d’un été. Ils sont accueillis par une dame accorte dans une grande maison, près d’un moulin, habitats de la fondation pour artistes léguée par Ingmar Bergman dont ils sont, par ailleurs, de fervents admirateurs. En montrant leur chambre à coucher la réceptionniste affirme d’un ton péremptoire : « c’est ici qu’a été tourné Scènes de la vie conjugale, film qui fit divorcer des millions de gens ». Tony et Chris s’amusent de cette saillie.

Après quelques jours d’adaptation, Tony travaille dans une petite pièce de la maison tandis que Chris, en proie à l’angoisse de la page blanche, choisit de se retirer dans le moulin pour tenter de rédiger son scénario. Tony, réalisateur reconnu, sollicité par de nombreux appels, rédige sans peine ; Chris isolée dans son moulin peine sur ses écrits.

Malgré de longues randonnées à vélo, des visionnages de films, des discussions avec les insulaires qui ont connu le cinéaste suédois, un malaise s’installe dans le couple. La force tellurique des lieux, la rudesse de la côte aux rochers inquiétants, sorte de monolithes sculptés par les embruns (stacks), semblent s’immiscer dans le couple autrefois fusionnel …

Dans ce décor dépouillé, d’une réalité omniprésente, Chris commence à raconter à Tony un peu distrait, par bribes, un synopsis à deux protagonistes : les amours contrariés d’Amy (Mia Wasikowka) une jolie touriste blonde et de Joseph (Anders Danielsen Lie) un beau garçon de Fårö. Chris tente de développer son histoire en explicitant à Tony, de plus en plus absent, les rebondissements possibles … 

Deux narrations, non sans humour, s’emmêlent : celle du couple réel et celle du couple fictif en un effet de « miroir bergmanien ». Chris par glissement narratif s’identifie à Amy…

Bergman Island est le septième long métrage de la jeune réalisatrice française Mia Hansen-Love (40 ans). Dans son dernier opus elle reprend le thème qui lui est cher : celui du couple à la fois fusionnel culturellement (Tony et Chris adorent Ingmar Bergman) mais sournoisement érodé par l’accoutumance. Le malaise nait de cette contradiction : à la fois unis et séparés dans le quotidien. La réalisatrice, également scénariste (on ressent dans cette histoire une part à tout coup autobiographique), « installe » sa caméra entre les deux plans du récit (le couple réel et le couple fictif) et décrit l’univers complexe qui en éclot : pour lui le concret, pour elle l’imaginaire mâtiné de douloureux souvenirs. 

Qui sortira vainqueur (il y en a-t-il un ?), de ce prosaïque combat ? Bergman Island par la grâce d’une mise en scène maitrisée des personnages réels/fictifs est tout dans ce balancement.

Bergman Island a été présenté en sélection officielle au Festival de Cannes 2021.

P.S : Linn Ullmann (54 ans), écrivaine norvégienne reconnue a publié un ouvrage sur son célèbre père dans son île : Le Registre de l’inquiétude (2018) chez l’éditeur Actes Sud.

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