Il y a trois ans, Baskulture avait publié en exclusivité un texte inédit de Dominique Hiribarren, historien et ancien proviseur du Lycée Largenté sur le livre relatant le centenaire du retour à Bayonne des Sœurs Ursulines qui revenaient d'Espagne, après leur exil forcé (par la IIIème république et les iniques lois de confiscations religieuses) au début du XXème siècle : https://www.baskulture.com/article/dominique-hiribarren-le-centenaire-de-largent-1920-2020-3148
A l'occasion du centenaire du prestigieux établissement bayonnais, une sculpture pour "marquer un centenaire dans la pierre", en grès de la Rhune, a été commandée au plasticien Régis Pochelu.
L’idée d’un triptyque s’est révélée rapidement en fonction des trois espaces qui composent l’ensemble scolaire, mais pas trois sculptures différentes : une même œuvre de trois tailles, à trois stades de développement de l’enfant. L’idée de la dimension « gigogne » rappelle qu’il s’agit du même individu qui passe de l’enfance à l’âge adulte.
L'œuvre est actuellement en cours de création. La sculpture intermédiaire est déjà réalisée et actuellement exposée à l'accueil de Largenté. Après une résidence de l'artiste au printemps à Largenté en vue de réaliser la plus grande sculpture et le vernissage est envisagée pour la fin mai 2023.
Le projet avait débuté par des interventions auprès des classes durant lesquelles le travail des élèves et les échanges avec l'artiste avaient pu nourrir son inspiration. Ces interventions et la résidence de l’artiste bénéficient d’un financement de la Communauté d’agglomération dans le cadre du programme « Berpiztu » et d'un mécénat artistique auprès d’entreprises et de particuliers via https://jaidemonecole.org/ destinés à financer l'ensemble de la réalisation et son installation.
Régis Pochelu avait déjà reproduit - il y a quatre ans - une pierre sculptée sur le modèle de celle découverte en 1660 sous le maître-autel de l'église d’Hasparren et datant du troisième siècle, qui rappelle la naissance de la Novempopulanie, ou région des neuf peuples vascons, avec Eauze comme capitale.
L’inscription latine sur cette dalle signifie : "Prêtre ainsi que magistrat, questeur et chef du pagus, Verus, s’étant acquitté de la mission qui lui fut confiée, obtint pour les neuf peuples, la séparation d’avec le peuple gaulois".
Et l'année dernière, sur une commande de la municipalité d'Hasparren, le sculpteur basque en avait reproduit le texte original sur 60 mètres linéaires autour de la nouvelle place des Tilleuls...
Pour en revenir à Largenté, son nom fait référence au tilleul argenté, essence d’arbre bien présente à cette époque et encore aujourd’hui dans le parc de l’établissement. C’est ce même tilleul qui figure sur le logo de l’établissement.
En 1920, alors qu’elles étaient exilées depuis quinze ans à Zarautz, et grâce à l’aide financière de familles d’anciennes élèves, une communauté d’Ursulines originaire de Saint-Sever dans les Landes fit l’acquisition de la villa Largenté et du domaine attenant pour y ouvrir alors un pensionnat pour jeunes filles devenu à présent ce grand lycée bayonnais accueillant environ 600 lycéens qui, après une seconde générale et technologique, peuvent se préparer au Baccalauréat Général ou Technologique, avec un taux de réussite au bac de 99% et 73% de mentions !
La mise en place de la pierre à Largenté s'est avérée délicate et difficile : Régis Pochelu avait fait appel à Romain Pébarthe afin de retourner la pierre de la Rhune à l'aide d'un "manitou", de sorte que sa face brute s’offre aux outils du sculpteur : "Un travail de romain, qui rappelle aussi les irréductibles gaulois porteurs de menhirs" !
Quant à l'adjoint à la Culture bayonnais, Yves Ugalde, il a commenté récemment sur son compte Facebook " sa visite à l'artiste : "La pierre de la Rhune n'a aucun secret pour l'artiste. Il la connaît, l'aime et en partage les vibrations les plus secrètes. Et au sens le plus géologique du terme. Celui des sourciers dont il ne se moque jamais. Ils détiennent, selon lui, et à eux seuls, une part de la vérité de notre environnement. Ce bloc, il l'avait repéré il y a quatre ans, au fond de sa carrière fétiche (...) Pour Régis Pochelu, le rapport sensoriel à la pierre ne supporte pas le tutoiement de la caresse qui, elle, se doit de rester de l'ordre du sensuel. Une autre dimension encore du rapport à la pierre. Elle nous est si supérieure, si antérieure aussi.
Pensez ! 250 000 ans...
L'œuvre, percée par le burin, laissera le vent et la lumière donner plus de vie encore aux rotondités et spirales qui, elles, se chargent de son intériorité. En contraste total avec ces mouvements concentriques, une boule de pierre tout à la fois perle et graine. "Ale", en langue basque, me dit Pochelu. Trop heureux que ce mot à double sens parle autant de préciosité que d'éclosion".
Et l'artiste hazpandar d'évoquer "l'orientation à la lumière du jour très précise qu'il veillera à faire respecter au moment de l'installation, à quelques mètres de là. Ensuite, ce sont le soleil et la pluie qui feront parler la pièce et pour longtemps. La pierre, selon le sculpteur basque, n'a jamais vraiment dit son dernier mot...
Ils sont rares en définitive, les anniversaires qui parlent autant d'avenir, et à cette échelle de temps. C'est même à inscrire d'une pierre blanche..."
A propos de Régis Pochelu et de son exposition de sculptures à la Crypte Sainte-Eugénie de Biarritz, nous rappelions l'année dernière : https://www.baskulture.com/article/lunivers-mythologique-du-sculpteur-rgis-pochelu-4750
Originaire d’Hasparren, Pierre Régis Pochelu sculpte dans son atelier adossé aux contreforts du château de Garroa à Mendionde. Rasé au XIIIème siècle par les troupes anglaises, la demeure sera reconstruite au XIVème siècle, puis érigée en baronnie par Salvat d'Alzate d'Urtubie en 1654.
Dans cette propriété de la mairie depuis une quinzaine d’ années, le sculpteur y taille et façonne avec personnalité des sculptures et des stèles discoïdales à la symbolique basque en pierre de grès blanc-gris de la Rhune.
Parmi ses références, le livre « le langage de la Déesse » de l’archéologue préhistorienne Marija Gimbutas, explique la mythologie de la période néolithique des peuples de la « Vieille Europe » (7000 – 3500 av. notre ère).
A la lecture de l'ouvrage, Régis Pochelu s'inspire d'un glossaire de signes. Sous son burin, naissent alors des oeuvres comme celui du cadran solaire "Gnomon" aux armoiries de la commune d'Arraute-Charritte. Symbole de vie d’une hauteur de 4,44 m de haut, la sculpture fut installée en 2019 par les élèves de l'école sur la place du village .
Régis Pochelu enseigne également son savoir faire à l’occasion de stages de 4 personnes organisés dans son atelier au château de Garro.
Au départ, il y a une vingtaine d'années, rien ne prédestinait cet ancien travailleur social à devenir sculpteur confirmé !