0
Manifestation
Arménie : la foi des montagnes et les racines orientales du christianisme
Arménie : la foi des montagnes et les racines orientales du christianisme
© AFP

| Alexandre de La Cerda 886 mots

Arménie : la foi des montagnes et les racines orientales du christianisme

L'association Agur Arménie, en partenariat avec la paroisse Notre-Dame du Rocher, organise une conférence de Jean-Pierre Mahé, membre de l'Institut, le samedi 25 mars à 15h30 à l'église Saint-Martin de Biarritz, sur le thème : « L'Arménie, témoin des racines orientales du christianisme ».

Car, « l’Orient fut chrétien sept siècles avant l’expansion arabe », a coutume de rappeler l’historien et universitaire Jean-Pierre Mahé De Jérusalem à Damas sans oublier l’Afrique du Nord, leur douloureuse histoire à partir des persécutions musulmanes (depuis près de 1400 ans) n’en finit pas de questionner nos consciences, en particulier au regard de leur abandon par les gouvernants d’une Europe déchristianisée (Russie exceptée).

N’évoque-t-on pas l'apôtre Thaddée, envoyé chez le pieux roi arménien Abgar « qui aurait écrit au Christ » alors que la Géorgie, solidement arrimée à la chrétienté dès le début de l'ère constantinienne, était devenue la patrie de saints telle Nino qui accomplit des miracles au Ive siècle ?

Nul mieux que Jean-Pierre Mahé, orientaliste, philologue et historien du Caucase, spécialiste des études arméniennes et membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, ne pouvait traiter de ce sujet particulièrement d’actualité. Partant de l'histoire des religions, ses recherches se sont concentrées sur l'environnement caucasien de l'arménien et du géorgien, ainsi que sur leurs liens historiques et culturels avec les grandes civilisations voisines du Moyen-Orient et de l'Asie. Parmi ses nombreuses publications, il a fait éditer les manuscrits géorgiens trouvés récemment au Sinaï et participé au déchiffrement de documents en alphabet « aghbanien », ancienne langue caucasienne disparue depuis plus d'un millénaire.

Depuis la Bible
Récemment, Jean-Pierre Mahé avait participé très activement à l'exposition de l’œuvre d’Orient consacrée à l’« Arménie, la foi des montagnes ». La foi déplaçant les montagnes (Mt 17, 20), mais en Arménie, ce sont bien les montagnes qui ont fixé la foi. Dans ce premier État chrétien du monde, l’Évangile s’est enraciné dans une antique civilisation du Proche-Orient en résistant, jusqu’au martyre et même au génocide, à tous les assauts de l’histoire.

Situé aux sources du Tigre et de l’Euphrate, qui font partie des quatre fleuves sortant de l’Éden (Gn 2, 8. 10-14), le Plateau arménien a longtemps passé pour une localisation possible du Paradis terrestre. Ce premier berceau de l’humanité aurait également accueilli l’Arche de Noé, qui échoua, après le Déluge, au sommet du Mont Ararat. En fait, la montagne de Noé était traditionnellement assimilée au Mont Sararad, au Kurdistan. Après la christianisation officielle de l’Arménie, on l’a identifiée à l’Azat Masis (Agri Dag).

Le Royaume d’Arménie s’est formé au VIe siècle avant J.-C. Tributaire des Perses, il s’en libéra en 331 avant J.-C., après la victoire d’Alexandre sur Darius III. Le plus illustre monarque arménien est Tigrane II le Grand (95-55 avant J.-C.), dont l’empire incluait toute l’Arménie, la Syrie et la Haute Mésopotamie. Vaincu par Pompée en 66 avant J.-C., il devint « ami et allié du peuple romain » sans avoir jamais été réduit à l’état de province romaine ; même après l’expansion islamique, l’Arménie n’a jamais été arabisée.

En 450, le roi de Perse Yazdgard ordonne la conversion de tous ses sujets au zoroastrisme. Les Arméniens se révoltent alors à l’instigation du prêtre Ghévond. L’armée des princes, conduite par Vardan Mamikonian, est écrasée par les éléphants de combat à la bataille d’Avaraïr, le 2 juin 451. Mais la victoire des Perses fut si coûteuse que Yazdgard renonça à appliquer son édit. L’Arménie était exsangue, mais le christianisme arménien fut sauvé.

Le Catholicos Yovsep canonisa collectivement saint Vardan et ses preux compagnons. La mémoire des « Vardanank » est ainsi célébrée chaque année jusqu’à ce jour par l’Église apostolique arménienne, comme une véritable fête nationale. Elle est associée à celle des « Ghévondiank », c’est-à-dire les prêtres compagnons de Ghévond et du Catholicos Yovsep qui avaient été martyrisés à Ctésiphon en 454. À deux autres reprises, en 482-484 et 575, les Sassanides tentèrent en vain d’éradiquer le christianisme arménien. Dominée par le Califat de 553 à 884, l’Arménie restera néanmoins un pays chrétien, recouvrant sa liberté sous les souverains Bagratouni (884 à 1045).

A signaler encore les stèles quadrangulaires surmontées de la croix et ornées d’un décor partiellement figuratif qui cèdent la place, à partir du IXe siècle, aux pierres marquées de la croix, khatchkars, représentations aniconiques de l’emblème du Christ (il y a quatre ans, une exposition leur avait été consacrée à Biarritz).

Quant à l’émigration, il s’agit d’un phénomène très ancien chez les Arméniens. Dès le VIe siècle, les empereurs byzantins les avaient envoyés combattre sur les bords du Danube, et les Sassanides en Asie Centrale. Le phénomène s’est dramatiquement amplifié au XIe siècle, et plus encore après le génocide de 1915. Il y a aujourd’hui dans le monde environ 7 700 000 Arméniens, dont quelque 2 500 000 vivent en République d’Arménie et le reste dans la diaspora : 1 250 000 aux États-Unis, 3 000 000 dans l’ex-URSS, 500 000 en France et 310 000 au Proche-Orient : il faut avoir vu la joie de la célébration de la Nativité par les Arméniens en Syrie, dans Alep libérée en décembre par les armées russe et syrienne, envers et contre la lâcheté de l’Occident (Lettre Baskulture du 22 décembre 2016). Plus que jamais, la foi chrétienne est le refuge de l’identité nationale.

« L'Arménie, témoin des racines orientales du christianisme », samedi 25 mars à 15h30 à l'église Saint-Martin de Biarritz, rue du Chanoine Manterola.

Alexandre de La Cerda

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription