Un peu en retrait, on ne peut cependant pas passer sans la voir. Toute blanche, l’église Sainte-Marie d’Anglet est l’œuvre des architectes biarrots Pierre Fonterme (1895-1985) qui en a dessiné les plans et de Charles Hébrard (1895-1941) qui en a conduit le chantier.
Commencée en 1930 sous l’épiscopat de Mgr François-Marie Gieure, elle fut dédiée à Sainte Marie par le même évêque le 11 septembre 1932.
Elle est construite en béton armé. Son caractère avant-gardiste, sa qualité architecturale ainsi que sa décoration intérieure lui ont valu d’être classée Monument Historique par arrêté ministériel du 21 septembre 2015. Elle devient ainsi le 1er monument classé de la ville d’Anglet.
Un clergé exigeant l’a fait construire dans le quartier Anglet/Plage Chambre d’Amour pour remplacer une chapelle datant du Second Empire, devenue trop petite et détruite par la suite pour élargir la route.
L’environnement de l’église était un peu différent de celui que nous connaissons : les frères Gelos avaient conçu des jardins qui l’entouraient dont il ne reste plus que le parterre à l’entrée et le jardin du presbytère.
C’est en 1933 qu’un fronton a été construit à l’est de l’église pour favoriser par le jeu de la pelote le rapprochement entre les prêtres et les jeunes de la paroisse.
Une œuvre d'art
Né en France et en Belgique, l’Art Déco culmine en cette période de l’Entre-Deux-Guerres.
Mais à l’église Sainte-Marie l’alliance harmonieuse du style ancien labourdin, rassurant, et du moderne, audacieux, fait de ce bâtiment une véritable création.
C’est une œuvre d’art en ce sens que l’architecture et le programme décoratif intérieur sont conçus pour être cohérents et se mettre en valeur réciproquement. Dans leur domaine respectif, les architectes, artistes et artisans du Pays basque travaillent ici au renouveau de l’art sacré.
Extérieur :
Le style est épuré. On retrouve quelques éléments identitaires de la province du Labourd :
- l’église est construite en hauteur (plus de 40m d’altitude)
- le clocher est un clocher-mur avec pignon arrondi
- la blancheur immaculée des murs, de tradition séculaire
- le porche, (de style roman très simplifié) couvert, avec escaliers aménagés permettant l’accès aux tribunes du 1er étage.
Intérieur :
- Quand on entre dans la lumière claire et cependant chaude de la nef unique, un mouvement ascendant créé par une volée de marches attire irrésistiblement le regard sur la Vierge Marie en majesté portant l’Enfant-Dieu. Ils sont entourés de onze anges très joyeux qui forment autour d’eux une auréole, sorte de mandorle du XXème siècle.
C’est une peinture monumentale, inaugurée en 1936, peinte sur le mur du chœur derrière l’autel. Elle est de Berthe Grimard, fille du peintre bayonnais André Grimard, et bien dans l’esprit de l’époque où l’art mural remplace le retable habituel.
Marie nous présente son fils Jésus et le tient de ses mains sous les aisselles et le corps de l’Enfant pend tout droit. Ses bras sont tendus à l’horizontale.
Et l’on ne peut s’empêcher de voir se profiler dans l’attitude du corps de l’Enfant la croix qui sera plus tard l’instrument de son sacrifice et de notre rédemption.
- Le maître-autel, important en bois clair exotique, chef-d’œuvre de menuiserie locale, se trouve devant cette peinture. Ainsi Marie préside à chaque Eucharistie.
Une fois passé l’éblouissement causé par ce chef-d’œuvre, nous pouvons nous attarder sur les autres merveilles concentrées dans le chœur et dans le transept.
- Dans le chœur :
+ Six vitraux de Mauméjean illuminent le chœur.
Les Mauméjean représentent une dynastie de trois générations de maîtres-verriers et céramistes dont on peut voir les œuvres dans le monde entier. Beaucoup d’églises d’Aquitaine sont ornées de leurs vitraux. Leurs ateliers étaient organisés comme une usine moderne et se trouvaient à Pau, Biarritz, Hendaye, Paris, Madrid, Saint-Sébastien, Barcelone etc…
Charles Mauméjean tenait beaucoup à l’harmonie entre le travail de l’architecte et la décoration : « Les arts décoratifs devraient soutenir les nobles conceptions de l’architecte. »
Côté Evangile, 2 vitraux géminés ne représentent en réalité qu’une seule scène : l’étoile de Bethléem conduit les Mages à la crèche où ils adorent Jésus.
Côté Epître, 2 vitraux géminés symétriques décrivent avec une grande intensité dramatique une seule scène : la Crucifixion. On sait qu’au moment de la mort du Christ, le ciel s’est obscurci, la terre a tremblé et on peut observer avec quel art et exactitude ces bouleversements se traduisent dans le ciel tourmenté, zébré d’éclairs que nous peint ce vitrail.
Deux vitraux plus petits, toujours de Mauméjean, (ateliers Paris-Hendaye) représentent Saint-Pierre et Saint-Paul. Les vitraux se font face et ne sont pas visibles de la nef. Réalisés d’un trait vigoureux et ferme, ils rendent un hommage authentique à ces deux Saints, piliers de notre Eglise.
+ Le mobilier liturgique du chœur, Art Déco, est à ce titre inscrit M.H. (Monument Historique) : il s’agit du maître-autel, déjà cité, et de ses chandeliers de bois, du chandelier pascal en bois, d’un ensemble composé d’un fauteuil et de 6 chaises, enfin de 8 stalles – 4 de chaque côté – adossées au mur du chœur.
- Dans le transept
Deux immenses mosaïques, aux tons chauds, de Mauméjean (1938) : celle de gauche représente le Sacré-Cœur et celle de droite Saint-Joseph debout, tandis que Marie et l’Enfant se reposent, scène de la Fuite en Egypte.
Deux très grands vitraux rectangulaires de Mauméjean, datés de 1940, éclairent les extrémités du transept ; ils ne sont pas du tout de la même facture que ceux du chœur.
A gauche, la mort de Sainte-Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face au Carmel de Lisieux et à droite Sainte-Jeanne d’Arc, jeune bergère, qui reçoit de Saint-Michel la mission de sauver la France. (Guerre de Cent Ans). Elle est un modèle en cette année 1940 où la France connaît de nouveau la guerre. « Fille au grand cœur, il le faut. Va ! »
Restent à admirer dans la partie gauche du transept un petit vitrail de Mauméjean représentant le Baptême du Christ et un tableau Renaissance de 1959 qui peint avec tendresse Sainte-Anne, Sainte-Marie et Jésus dans les bras de sa mère. Ces deux œuvres ne se voient pas de la nef et sont inscrites M.H.
- Dans la nef :
La nef est très sobre. Elle est séparée du chœur et du transept par la table de communion Art Déco et à ce titre inscrite M.H.
Ses murs ne sont ornés que des 14 stations du Chemin de Croix : 7 de chaque côté. Il est inscrit M.H.
L’église, on le sait, est construite en béton. L’utilisation de ce matériau nouveau au début du XXe siècle est due aux frères Perret qui ont révolutionné l’architecture en l’utilisant d’une façon inédite pour la construction d’édifices de prestige dont plusieurs monuments très célèbres à Paris et dans ses environs.
Le sol est en béton, revêtu en 1933 de carreaux de grès cérame. Le plafond, en béton armé, introduit cependant une architecture fidèle au style basque qui évoque une charpente massive en bois avec ses poutres et solives.
Du plafond de la nef pend la maquette/ex-voto du morutier « Jeune Française St-Pierre-et-Miquelon 1906 » offerte par l’armateur de ce bateau de pêche en hommage au marin péri en mer au retour de cet archipel boréal. Ce dernier était le père du chanoine Maurice Sabès, le curé-bâtisseur de Sainte-Marie. Cet objet est inscrit M.H.
Deux rangées de tribunes en bois de chaque côté et en contre-façade rappellent les tribunes labourdines qui pendant des siècles n’ont accueilli que les hommes tandis que femmes et enfants s’asseyaient en bas.
Au premier étage une chaire discrète est insérée dans la tribune de gauche ; à cet étage les murs sont éclairés de vitraux qui représentent des blasons et des symboles des Béatitudes.
Au second étage, au fond de la nef, est installé l’orgue construit en 1917 par la maison du facteur parisien Charles Mutin, successeur de Cavaillé-Coll, une référence ! D’abord destiné au Grand Séminaire de Bayonne, plusieurs fois restauré et agrandi, l’orgue fut transféré ici en 1975. Il serait trop long de décrire les 11 vitraux qui animent cet étage. Retenons simplement celui du Saint basque François-Xavier et celui de Saint-Maurice, patron du chanoine Maurice Sabès.
« Tous vous êtes des fils de la lumière, des fils du jour. Nous ne sommes pas de la nuit, des Ténèbres. »1Th 5,5
A la fin de cette visite, grâce soit rendue à tous ceux, célèbres ou anonymes, qui ont travaillé dans cette église de Sainte-Marie, la lumineuse, et ont pu nous transmettre par la beauté de leur œuvre cette lumière exceptionnelle et salvatrice qui vient de Jésus-Christ.