Etat-Unis (Nouvelle Angleterre), hiver 1970, dans le prestigieux lycée privé Barton réservé aux fils de familles fortunées. L’établissement est en effervescence car les vacances scolaires de Noël approchent. Pour l’heure, les élèves de terminale sont dissipés, indisciplinés.
Leur professeur d’histoire antique, Paul Hunhman (Paul Giamatti), rend les dernières copies à une classe qui ne pense qu’aux vacances prochaines. Les notes sont épouvantables ; l’enseignant méprisant, pontifie.
Les élèves protestent, en particulier Angus Tully (Domininic Sessa) et Teddy Kountze (Brady Hepner), le fils d’un millionnaire mécène du lycée. Paul Hunham, goguenard, annonce une seconde mauvaise nouvelle : cinq élèves de la classe devront rester dans le lycée durant les vacances. Ils ne rentreront pas dans leurs foyers pour diverses raisons et seront sous sa vigilante tutelle.
Après diverses péripéties, Angus Tully se retrouve seul élève du lycée sous la surveillance de son professeur auquel vient s’agréger une cuisinière noire, Mary Lamb (Da’Vine Joy Randolph).
Paul Hunham, professeur célibataire acariâtre, Angus Tully, élève rebelle et Mary Lamb, chef de cuisine endeuillée, forment un trio disparate dont chaque membre cèle un secret. Ils cohabitent de force, au gré des évènements durant l’intermède des vacances de fin d’année.
En cet hiver de Nouvelle Angleterre, il fait très froid, la neige est abondante …
Alexander Payne (62 ans) avec Winter Break réalise le 8ème long métrage de sa carrière. Son scénario est au demeurant, classique : un petit groupe humain confronté à des situations en rupture avec leur statut social : un professeur pédant, un élève transgressif, une cuisinière pleine de bon sens. Leurs réflexes aux situations qu’ils subissent sans linéarité, désordonnées, génèrent des réactions caractérielles immédiates, attendues, mais dont la conclusion est inattendue.
C’est tout le charme de ce film américain indépendant hors de la production des studios hollywoodiens (Disney, Warner, Paramount, etc.). Pour la structure de son histoire (scénario de David Hemingson), Alexander Payne avoue s’être inspiré du film français méconnu de Marcel Pagnol (1895/1974) : Merlusse (1935), surnom du professeur Blanchard au mauvais caractère, donneur impulsif de retenues.
A l’évidence, Winter Break plonge, sans lourdeur, dans les affres sociétales des États-Unis de 1970 : la guerre du Vietnam (1965/1975), le problème racial (intégration de la population noire), la crise économique (inflation). Les trois personnages à leur manière, par leurs échanges, sont révélateurs de cette période tourmentée des États-Unis (elle demeure actuelle !).
Toutefois, le metteur en scène s’interdit tous effets voyants, même pour agrémenter une histoire rebattue avec plus ou moins de bonheur : le film est ainsi doté d’un charme supplémentaire.
Winter Break, un rien nostalgique, est filmé avec un « grain image » des années 70 mais avec une captation numérique et non argentiques (pellicule 35 mmm) de cette époque. Ce cinéma indépendant américain échappe, fort heureusement, aux fatigants super-héros qui envahissent les écrans du monde. Il perdure, malgré les difficultés (scénario, financement) un véritable courant pour ce type cinématographique, dans la veine du réalisateur américain Hal Ashby (1928/1988) qui est porté par des réalisateurs de talent tels que : James Gray (2022, Armageddon Time), Paul Thomas Anderson (2022, Licorice Time), Wes Anderson (2021, The French Dispach), etc. Ces cinéastes cinquantenaires narrent avec acuité la société américaine d’aujourd’hui avec des histoires du passé. Ils ont retenu les leçons du renouveau du cinéma américain « le Nouvel Hollywood » (1970/1980) avec des œuvres ambitieuses, des budgets modestes, à l’aune du cinéma américain (blockbusters franchisés entre 100 et 200 millions de $ !).
Winter Break bénéficie d’un casting éblouissant à commencer par le personnage central incarné avec conviction par Paul Giamatti (Paul Hundman). Tous les autres comédiens sont à l’unisson : Dominic Sessa (Angus) au physique longiligne, Da’Vine Joy Randolph (Mary) énorme femme noire pétrie d’humanité.
Ce long métrage sonne juste parce qu’il a été tourné en totalité en décors naturels tant intérieurs qu’extérieurs, aussi les comédiens se déplacent-ils dans un environnement réel et non factice comme dans de trop nombreux films. Tous les éléments de fabrication de Winter Break mis en « mille feuilles » (le scénario, les acteurs, l’image, les décors, les costumes, etc.) déclenchent chez le spectateur des sentiments d’authenticité, de complicité, rares dans la production cinématographique actuelle.
Malgré l’éloignement dans le temps (plus de 50 ans) et dans une société en partie ignorée, celle des États-Unis, nous vivons un phénomène d’identification aux personnages. Ils sont proches de nous car nous les avons côtoyés de près ou de loin dans notre existence.
Winter Break est un film sensible, délicat : c’est un cadeau pour Noël !