0
Cinéma
War Pony (115’) - Film américano-britannique de Riley Keough et Gina Gammell
War Pony (115’) - Film américano-britannique de Riley Keough et Gina Gammell

| Jean-Louis Requena 786 mots

War Pony (115’) - Film américano-britannique de Riley Keough et Gina Gammell

zEquipe du film - War Pony - Festival de Cannes.jpg
L'équipe du film - War Pony au Festival de Cannes ©
zEquipe du film - War Pony - Festival de Cannes.jpg

Etats-Unis, Dakota du Sud. Dans la réserve indienne de Pine Ridge, survivent tant bien que mal les descendants de la tribu Oglala du peuple Lakotas, plus communément dénommé les Sioux. Cette communauté de 20.000 personnes végète dans un état de dénuement effrayant. La réserve, créee en 1899, au terme des « guerres indiennes » (1778/1890), et de la répression qui s’en suivit, est la plus pauvre des États-Unis. 
Du fait des problèmes de santé, conséquence de la malnutrition (diabète), de l’alcoolisme, de la toxicomanie l’espérance de vie y est la plus faible des États-Unis : 47 ans pour les hommes, 52 ans pour les femmes.

Malgré les anciens qui tentent de perpétuer les us et coutumes de la tribu Lakotas, de leur fierté passée de natifs américains, de jeunes désœuvrés sillonnent la réserve à la recherche de petites combines. 
Bill (Jojo Bapteise Witing) 23 ans, père de deux enfants, de deux compagnes différentes, cherche à joindre les deux bouts en s’efforçant, naïvement, d’accéder au « rêve américain » : devenir fortuné grâce à ses idées. Pour l’heure, il s’investit dans l’élevage de caniches, dont il espère tirer beaucoup de dollars en vendant les portées de la femelle enceinte qu’il a recueillie.

Matho (LaDainian Crazy Thunder) 12 ans, est un petit garçon débrouillard, chef de bande parcourant la réserve en tout sens avec ses jeunes amis à la recherche de quelques bévues à faire. Comme Bill, solitaire, non scolarisé, il fume, boit des boissons fortes avec ses camarades de maraude. Son père, sans travail, vivant chichement de petites combines, est un trafiquant (dealer) d’une drogue locale.

Bill et Matho, deux natifs américains, de la tribu Oglala, marginaux aux États-Unis dont les administrations successives ont renié tous les traités de paix conclus avec les nations autochtones (plus de 500 !). En échange de la cession de leurs terres, le gouvernement américain garantissait aux tribus l’éducation et les soins pour leur concitoyens … à perpétuité.

Pine Ridge est un village délaissé, déglingué, abandonné, au milieu de nulle part …

War Pony est un long métrage hors du commun : une fiction documentée, genre hybride. En effet, il a été réalisé par deux actrices, l’une anglaise Gina Gammel (34 ans), et la seconde américaine Riley Keough (35 ans), petite fille d’Elvis Presley (1935/1977) ! Toutes deux sont amies depuis longtemps. 
Elles ont rencontré lors du tournage d’American Honey d’Andrea Arnold, en 2015, deux figurants qui racontaient sans cesse avec verve, des anecdotes, des histoires sur leur communauté paupérisée de la réserve de Pine Ridge (Dakota du Sud). 
De part leur culture orale, c’étaient des conteurs hors pair capables de discourir durant des heures sur les croyances, les mythes et légendes de leur peuple. Les deux discoureurs deviendront après un long travail, coscénaristes avec le concours des deux réalisatrices, femmes blanches « européennes », fascinées par la culture Lakotas et en particulier celle de la tribu des Oglala de Pine Ridge.

War Pony mise en image sur les lieux de la réserve est le récit épique des parcours parallèles du jeune adulte Bill et du garçonnet Matho. Les réalisatrices affirment du scénario définitif rédigé conjointement avec Bill Reddy et Franklin Sioux Bob : « nous n’avons rien noirci, ni enjolivé, nous sommes restées fidèles à ce qu’ils ont écrit ». Ainsi, la narration centrée sur les deux protagonistes malgré sa noirceur a des échappées oniriques telle que la vision récurrente d’un bison immobile, lequel symbolise pour les ancêtres, la force, la résilience du peuple Lakota. C’est un animal totémique chargé d’une signification spirituelle, culturelle, principale source de nourriture des indiens des « Grandes Plaines », que les « hommes blancs » colonisateurs ont détruit en quelques décennies au XIX ème siècle. L’image mentale du bison perdure dans l’esprit des Lakotas malgré sa quasi extinction.

Bill (Jojo Bapteise Whiting) et Matho (Ladainian Crazy Thunder) ainsi que tous les autres personnages, Dusty, Steven, Mama, Jen, Mason, sont des acteurs non professionnels choisis après un long casting dans la réserve indienne. D’où un sentiment d’authenticité, de véracité, ressenti lors de la projection du film d’autant plus que tous les décors (intérieurs, extérieurs) sont réels. La photographie de David Gallego sur écran large, est absolument remarquable : c’est l’ouest américain avec sa lumière si particulière. 
Toutefois, War Pony n’est pas western au sens hollywoodien, mais une sorte d’anti-western en ce début du XXI ème siècle avec ses voitures cabossées, ses télévisions débilitantes, ses téléphones portables, sans oublier sa nourriture industrielle (trop salée, trop sucrée).

War Pony détonne par son sujet, son traitement cinématographique (montage parallèle, inserts fantastiques, oniriques) loin des conventions du genre. Présenté au Festival de Cannes 2022, dans la section Un certain regard, le film a obtenu La Caméra d’or, récompense qui ouvre les portes de la sélection officielle. War Pony est une œuvre dérangeante, poignante, à visionner (exclusivement) sur grand écran.

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription