1- L’Egypte chrétienne
Rien de semblable au regard de l’histoire que l’actuelle ville égyptienne de la Méditerranée et son importance historique pour notre filiation religieuse. En cette fin d’avril, le pape François rend visite aux chrétiens au Caire. La dernière visite d’un pape romain avait eu lieu en 2000 avec Jean Paul II.
Alexandrie ou « Phare du Levant » fut un havre immense de la culture de l’Antiquité.
L’origine du christianisme copte reste obscure faute de documents. La Lettre de l’Empereur Claude au premier siècle évoque la présence numérique de Juifs venus de Palestine qu’il soupçonne d’être des fauteurs de trouble et veut contenir en refusant de les accueillir. Ces Juifs seraient déjà des chrétiens exilés dits « Alexandrins ». L’évangile de Matthieu au chapitre 2 mentionne l’Egypte, pour l’histoire, mais pas Alexandrie. Cependant, dans les Actes des Apôtres, on cite les Alexandrins, de la plume de Paul l’apôtre qui laisse supposer la présence de Juifs chrétiens issus de Palestine que Paul ne visitera jamais lui-même. Il citera son disciple Apollos, Juif et helléniste cultivé, reconnu pour ce public cultivé.
On trouvera encore Barnabé, mentionné dans la littérature historique chrétienne, qui menait les discussions philosophico-religieuses avec des interlocuteurs difficiles et peu acquis à ses thèses. Il devra renoncer à obtenir gain de cause. Compagnon de Barnabé, Marc vint à son heure, qui convertira en 48 de notre ère un dénommé Annianos, sans doute à Alexandrie ?
De toute évidence une église copte chrétienne existait bien. Dans un écrit Marc mentionne la distinction qu’il fera entre « les débutants de la Foi et les initiés » et donne dès l’abord la liste de ses proches et qui deviendront les successeurs à sa fonction.
Tout cela serait-il fiable du point de vue des historiens ? En Orient, les preuves étant qualifiées selon des critères distincts, on se plaît à redire que selon la tradition orale, les choses se seraient faites ainsi ! On cite encore dans des apocryphes la venue de Jésus lui-même pour annoncer le message en Egypte. Improbable et sans consistance, mais si plaisant pour les chroniqueurs libres de leur propos imaginaires.
Evénement capital, la communauté juive sise à Alexandrie disparait de la ville en 117. Mais les Pères de l’église, Philon, Clément d’Alexandrie, Origène, ne manqueront pas de rapporter les débuts laborieux de ces chrétiens venus d’ailleurs qui implantèrent leur évangile chez les coptes.
2 – Au second siècle
Au second siècle de l’Eglise, Irénée de Lyon dans « Contre les Hérésies » cite l’Egypte. La rencontre spirituelle de la tradition première et de la philosophie grecque implantée dans la cité alexandrine va nourrir la pensée gnostique des chrétiens issus de ces échanges. Les documents gnostiques découverts à Nag Hammani (*), d’une valeur inestimable, en attestent de manière incontestable. Et les noms de leurs auteurs ne font pas défaut : Basilide, Isidore, Epiphane et Valentin, ou encore Glaukias qui fut le proche de Pierre l’apôtre.
L’Eglise de Jésus Christ est dans cette cité une mosaïque composée de juifs, de chrétiens issus du judaïsme et de gnostiques dont parlera le Livre la tradition de Matthias ou encore l’Evangile grec des Egyptiens, apocryphes sans doute, mais référencés du point de vue de la culture copte de cette terre. Ils se définissaient comme Chrétiens Gnostiques selon la Vérité, avec une doctrine, une théodicée et un langage propre à leur culture.
D’autres textes, tels « La prédication de Pierre » citée par Clément d’Alexandrie et Origène existent encore, « Loi et Logos », objets de vives polémiques intellectuelles entre les juifs et les grecs lettrés au sujet de Jésus. On doit encore citer « L’authentique Logos », « La leçon de Sylvanos », « L’hypostase des Archondes », « Les sentences de Sextus », qui recueillent les discussions vives entre ces écoles philosophiques et religieuses autour d’Alexandrie, haut lieu historique des origines chrétiennes des disputes entre les stoïciens, les platoniciens et les néo-pythagoriciens de l’Antiquité.
3 - Les chrétiens simples
Ils ressemblent au gros de la troupe. Ni gnostiques, ni lettrés, ni issus de l’agora des doctes, ils professent une foi simple de simples chrétiens. Ils provoqueront la réaction de détracteurs dans un livre sur « La Résurrection », critique des théories et croyances chrétiennes les concernant.
En conclusion simplifiée, nul doute que les Coptes d’Egypte représentèrent une communauté ecclésiale exceptionnelle : tout d’abord de judaïsants, de grecs chrétiens, de chrétiens convertis du judaïsme, avec leur Evangile selon les Hébreux, image réelle d’une diversité à l’orientale de la présence de l’Eglise dans cette corne méditerranéenne des deux premiers siècles de notre ère !
Les disputes ne manquèrent pas entre les paganos chrétiens, les judéo-chrétiens et les hellénisants, au grand bénéfice de l’Eglise elle-même, reconnue comme une réalité vivante par le fait même !
François-Xavier Esponde
(*) NDLR : en décembre 1945, près de la ville de Nag Hammadi, des paysans égyptiens déterraient fortuitement une jarre contenant treize codices de papyrus, des volumes reliés à plat comme nos livres et recouverts de cuir. Ils venaient de faire l’une des plus formidables découvertes de manuscrits anciens du XXe siècle.
Dans un état de conservation variable, les 1156 pages inscrites renferment 54 œuvres différentes, la plupart inconnues par ailleurs, dont le fameux Évangile selon Thomas, un recueil de paroles attribuées à Jésus. Il s’agit de textes religieux, généralement décrits comme gnostiques. D’abord rédigés en grec, vraisemblablement au cours des IIe et IIIe siècles, ces textes ont ensuite été traduits en copte, la langue de l’Égypte de cette époque, puis copiés vers le milieu du IVe siècle dans des codices qui ont par la suite été enfouis dans une jarre, probablement au début du Ve siècle.
Cette découverte est d’un intérêt inestimable, que ce soit pour l’histoire du livre, dont les codices de Nag Hammadi constituent les plus anciens spécimens, pour l’histoire de la langue et de la paléographie coptes, ou pour celle de la philosophie et du christianisme naissant.