A l'occasion du 90ème anniversaire du classement d'Hossegor en qualité de « Station climatique », nous publions ce beau texte de notre ami Eric Gildard, président des "Amis du Lac" et auteur de nombreux ouvrages consacrés à cette région au riche patrimoine naturel et architectural que son association s'emploie à faire découvrir et à défendre.
Le temps mort avance. La nature immobile attend. Il fait beau. Le lac est sans ride et Rosny qui est revenu sur ses rivages trouve son fond « nomadisé ».
L’océan si proche se tait et les papillons surfistes sont absents. Les touristes dont on doit toujours se méfier, c’est pour cela que l’on installe partout des caméras de surveillances, ne sont pas les bienvenus... Sous les pins c’est le silence perturbé par un écureuil qui retrouve son « pays » - Les avenues désertes se regardent de travers depuis que l’on met sur ses côtés du bitume et du ciment... Au loin les mouettes font semblant de rire... et les poissons ne sautent plus entre les pédalos... Les pins s’inclinent et s’ils se mirent encore dans le lac c’est pour nous dire qu’hier ils étaient plus respectés... mieux aimés...
Les bérets ne sont plus aux terrasses, ni les accents aux marchés et les derniers moutons aperçus le furent sur une carte postale. Les pistes de sable, sont devenues cyclables pour aller plus vite et plus loin... comme si plus loin c’était mieux. L’auberge a fermé ses volets (ils sont clos dit le poète) et sous la charmille se cachent de blancs transats inutiles pour gens des villes fatigués... Plus au sud, là où le canal tend ses bras, un chevalet bancal se déplie sous un ciel d’orage... comme pour appeler Sourgen à la rescousse...
L’échassier qui rodait autour de l’auberge de jeunesse de Tison a disparu sans avis de recherche, seuls les « Amis du lac » avec Jean de Buros ont permis aux incrédules - chez Jean des Sables - de s’étonner que des landais puissent tenir debout sur des tiges de bois...
Si Victor Hugo était venu il aurait même ajouté : « Ce sont des sauvages » ! Mais le temps ne s’arrête pas là sur des appréciations d’un autre âge... il bouscule les mœurs des « culs nus », là où l’on chassait les « culs blancs » (ortolans) proche des pentes aux alouettes. La cabane du chasseur de palombes, sous les fougères, entre chênes et pins fait sourire les jeunes filles aux grands décolletés, comme les déculottées des joueurs de rugby dans un stade, entouré de mimosas, abandonné... Pêcheurs d’étoiles au clair de lune, sous les barques remplies de pibales et groupes de fidèles sous le porche de l’église où s’agenouille pour nous, avec ses figurines, l’artiste Suzanne Labatut, sont autant d’anecdotes qui font bailler les jeunes gens, en vacances dans de belles villas, et à qui on n’apprend pas à savoir manger gascon, ni à saluer les gens du « pays » !
Les pseudo-philosophes » du Paris (leur Café « le Flore »), ont été chassés par les bruits des marchands de fringues ! Par les mathématiciens jongleurs d’euros et acheteur de villas... et les rires évaporés des femmes bronzées sirotant - avec des cacahuètes - un « blanc limé »...
Le temps mort recule. Il a peur de partir, sous les huées des victorieux de nos Us et Coutumes... Il a peur du temps qui passe sans laisser d’espace aux masses qui fomentent l’avenir aseptisé... sous un ciel bleu où, au bord des plages, s’érigent des cabanes qui alimentent hâtivement la population en mal d’exotisme... de bronzage et de nudité.
Le temps mort, troubadour des cathares et des gascons, traumatisé par l’invasion des Visigoths, cherche les traces perdues du chemin de Saint-Jacques. Au pied de la pierre... la sculpture gravée nous parle de nos morts oubliés... Prières inutiles, signes futiles face au lac « bénitier »... Nous sommes bien en période de flottaison...
Légende : Eric Gildard et les Amis du Lac d’Hossegor