Après Noël, la célébration du Nouvel-An redoublait de vigueur en Pays Basque et en Gascogne. En effet, à Noël, fête éminemment religieuse précédée du jeûne de l'Avent succédaient les amusements et les ripailles de l’An Neuf qui ouvraient la période de la pelère ou « pèleporc » que la malice paysanne proclamait irrévérencieusement la plus grande fête de l'année ! Et la période des réjouissances carnavalesques personnifiées par San Pantzar, dont la figure était déjà évoquée dans les écrits de Rabelais : « à tous survint au corps une enflure très horrible au ventre, qui leur devenait bossu comme une grosse tonne... Lesquelz furent tous gens de bien et bons raillars, et de cette race naquit Sainct Pansard et Mardy Gras ».
L’époque également où se tient le Salon de l’Agriculture à Paris : la 55e édition débute ce samedi 24 février sur le thème « l’agriculture, une aventure collective » et comptera de nombreux éleveurs qui participeront aux différentes compétitions, dont le Concours général agricole. Si France Musique y installera son studio (samedi 3 mars de 11h à 12h30) avec Benoît Duteurtre qui aura pour invité Périco Légasse, car « les animaux de la ferme sont au cœur de notre culture musicale, comme en témoigne le « Duo des dindons et des moutons » de l'opérette « La Mascotte », et les vaches dans certains élevages se laissent inspirer par Mozart qui leur fait produire du bon lait », c’est une autre musique que les agriculteurs risquent de faire entendre au Chef de l’Etat lorsqu’il viendra inaugurer le Salon ce samedi 24 février ! En cause, après l’embargo russe sur les produits alimentaires qui répond aux sanctions imbéciles de l’Europe contre Moscou et la réforme de la carte des zones défavorisées, le futur accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur : les éleveurs français craignent l’importation massive de viande bovine venant d’Amérique du Sud, avec une inégalité de normes à la clef.
Or, « dans ce marasme général », comme me le disait un jour le chroniqueur gastronomique Périco Légasse, « l’agriculture basque, du fait de ses structures encore restées majoritairement « familiales » comme le montrent maintes exploitations dans nos villages, et de « circuits courts » de distribution à l’instar d’Idoki, prend valeur d’exemple en étant synonyme de qualité… Et si les Basques sont les seuls qui s’en sortent peu ou prou dans ces conditions difficiles, c’est parce qu’ils sont bosseurs et témoignent d’une solidarité paysanne en ayant gardé une structure familiale ».
Et le meilleur exemple en est l’éleveur Pierre Oteiza, artisan salaisonnier de la vallée des Aldudes qui a sauvé l’antique race porcine basque, fidèle du Salon de l’Agriculture qui diffuse sur son stand toute sa joie de vivre ; bonheur décuplé par la présentation cette année de l’AOP Kintoa en viande fraîche obtenue au niveau européen, après l’AOC française, et en attente de l’appellation européenne pour le jambon sec qui doit suivre l’AOC déjà active ! Il estime que le Salon est « un rendez-vous important pour les professionnels – plusieurs éleveurs du Pays Basques se relaient tous les deux jours sur son stand sur son stand -, les politiques, les clients, les consommateurs… Venez nous rejoindre au Salon International de l'Agriculture », ajoute-t-il, « pour partager ensemble la bonne humeur et la convivialité du Pays Basque. Cette année, nous serons présents au Hall 1 de l’élevage (Allée D - Stand 96), à côté de la hutte de fougère des Porcs Basques bien-sûr... Nous vous attendons de pied ferme pour entonner ensemble une petite chanson basque et partager de délicieux On Egin » !
Où les bovins ne sont pas de reste…
Un peu à l’exemple d’Oteiza pour les porcs autochtones basques, un récent reportage de Perrine Durandeau sur France 3 Aquitaine annonçait le « retour » au Pays Basque de la vache « Pirenaika » avec ses belles cornes en forme de lyre : menacée d'extinction dans les années 70, elle amorce aujourd'hui une véritable renaissance grâce à l'action d'une dizaine d'éleveurs et l’aide de Laborantza Ganbara (la chambre d’agriculture basque).
Précisément, cette période hivernale était également l’occasion du défilé des bœufs gras, tradition longtemps perpétuée à Bayonne par Denis Brillant qui a pris sa retraite de la boucherie-charcuterie de l’avenue Foch à Bayonne. Il y a quelques années, l’exposition d’une quinzaine de blondes d'Aquitaine au Carreau des Halles avait même pris une curieuse tournure quand l'une d'elles, profitant d’une barrière renversée, s’était engagée dans un « parcours » mémorable des rues de la cité.
Mais heureusement, la tradition perdure au quartier Saint-Léon, à deux pas du stade Jean Dauger où devant la boucherie Codega, cette année encore, le samedi 3 mars au matin, 5 à 6 vaches, génisses et veaux sous la mère, issus de l’élevage de Sauveur Etcheverry, seront présentés. Désormais, c’est Jean-Pierre Codega, qui a pris la relève de son père Jean (à l’époque, jeune boucher originaire d’Alçay, en Soule ayant débuté aux Halles de Bayonne) pour continuer la coutume des bœufs gras, que Dax a perdue, alors qu’elle s’est conservée dans le Bordelais, à Bazas et environs.
Ni les anathèmes, ni les ordonnances de la calviniste Jeanne d'Albret, encore moins les interdits d'une révolution de 1789 peu encline au divertissement (à Dax, en 1794, le carnaval fut interdit comme servant à alimenter le fanatisme, les bœufs gras confisqués et les bouchers punis ! ) n’avaient pu limiter les débordements joyeux d'une société qui, ayant reconstitué ses forces matérielles à Carnaval, retrouvait une vigueur nouvelle pour les travaux des champs.
- Pierre Oteiza à la sortie du joli village des Aldudes, sur la route d'Urepel, tél. 05 59 37 94 64
- Boucherie-charcuterie Codega - 12, Chemin d'Arans (Quartier Saint-Léon) à Bayonne, tél. 05 59 63 36 13
Alexandre de La Cerda