0
Patrimoine
Revaloriser le patrimoine des cimetières ?
Revaloriser le patrimoine des cimetières ?

| François-Xavier Esponde 1342 mots

Revaloriser le patrimoine des cimetières ?

zPatrimoine2 Louhossoa stèles discoïdales anciennes.jpg
Louhossoa : stèles discoïdales anciennes. ©
zPatrimoine2 Louhossoa stèles discoïdales anciennes.jpg
zPatrimoine2 buste de Chaho cimetière Bye.jpg
Buste de Chaho au cimetière de Bayonne ©
zPatrimoine2 buste de Chaho cimetière Bye.jpg
zPatrimoine2 Mém et cult Russie tombe Théodore Nikolaï.jpg
Urrugne : Nikolaï Singier-Kurzawa de Mémoire & Culture de Russie restaure la tombe du Pce Théodore ©
zPatrimoine2 Mém et cult Russie tombe Théodore Nikolaï.jpg

1 – Un espace  méconnu.

Une proposition totalement insolite par les temps que nous traversons. Le lieu est fréquenté lors des mises en terre, et des temps mémoriels de l’année, à Toussaint ou lors des anniversaires célébrés de la disparition de quelques proches.

Le cimetière est le réceptacle ou le conservatoire d’un riche patrimoine de ferronnerie, de caveaux, de pierres d’origines multiples, de monuments qui au fil du temps ont suivi l’évolution des us et coutumes des populations, de la terre jusqu’à l’érection des monuments funéraires de facture encore récente.
On y découvre des travaux réalisés par des compagnons du devoir, des chapelles encore debout des vitraux et des fresques peintes et bien souvent exposées au triste destin de la pluie et du vent, des pierres tombales usées par les intempéries, devenues sombres, sales, et peu entretenues.

On s’y penche avec nostalgie, en imaginant que ces monuments avaient l’âme d’un créateur disparu au fil du temps, et laissé à leur sort attristé et vieilli par les érosions.
On se met à rêver de les revoir un jour rafraîchis en cure de jouvence, par des opérateurs et des professionnels de la pierre, réhabilités comme leurs chefs d’oeuvre, par des promesses et des ambitions publiques de restaurateurs.

Un travail de restauration considérable fut fait en nos pays pour rafraîchir les lieux de culte, leurs propriétaires - les communes - en furent les promoteurs actifs... Laissant parfois à leur sort les cimetières en attente d’un relookage évident (NDLR : exception faite au Pays Basque, la magnifique restauration en Basse-Navarre de celui de Béguios par son maire Didier Irigoin en est la preuve éclatante / voyez notre photo de couverture /, avec quelques autres).

Cependant, quelques lieux de mémoire alentour y ont connu le vieillissement et l’oubli, au fur et à mesure que des générations plus anciennes laissaient leur place aux suivantes.
Monsieur le Maire, souvent sollicité par les décisions les plus urgentes, des salles communales, des écoles et des cantines, des centres de loisirs, des maisons de la vie citoyenne, des maisons de retraite, répond à juste titre que de tels projets sont trop coûteux pour la plupart des budgets des communes, et les perspectives de telles ambitions utopiques, voire irréalisables.
Les charges y sont trop lourdes, les disponibilités financières limitées.

2 - Pourtant, l’âme d’une commune est en partie dans le bâti habitable des vivants, et de celui des gisants de ces endroits historiques.

La visite commentée de ces espaces mémoriels quasiment inhabituelle laisse à prévoir la richesse incalculable de ce que l’on peut y découvrir, lorsque par delà les préventions premières de tout un chacun, on accède à la connaissance de la finesse et de l’intelligence livrée dans ces lieux par la main de l’homme, qui n’a cessé de réviser ses habitudes funéraires et n’a fait qu’ajouter à l’existant plus ancien les projets originaux de l’art et du métier des artisans.

Aucun modèle n’étant en la matière perpétuel, sinon des règlementations administratives qui complexifient parfois leur entretien, on y découvre des singularités parfaites d’une oeuvre d’art voulue par son auteur, qui se différencie “d’un voisin d’éternité”, et  ajoute ce détail au monument initial, le rendant original et différent des autres alentour.

Le matériau des pierres empruntées aux carrières du pays, bien avant qu’on introduise des provenances étrangères, parlent aux métiers des tailleurs de pierre, aux maçons et aux marbriers.
L’esthète au fil de ses imaginaires perçoit que le langage emprunté par les artisans épouse les évolutions sociétales de chaque époque de l’histoire des hommes qui ne conçoit le temps de l’après-mort selon un modèle unique, ni répété sans caractère.
Peu nombreux sont les adeptes de la terre aux vivants, et d’un cimetière qu’il faut laisser à son destin et à sa propre disparition à terme !
Ceux qui se livrent à ces commentaires à géométrie variable selon les époques, viennent à se prendre à leur propre destinée, et lorsque viennent  pour eux et leurs plus proches les heures difficiles du passage vers l’ailleurs, corrigent par eux mêmes ces révulsions naturelles face à la mort, et à l’histoire de leur propre sur-vie.

 Un jour viendra peut-être que ces espaces mémoriels puissent se visiter, commenter et connaître sans appréhension ni fausse pudeur, comme autant de témoignages patrimoniaux de réalités antérieures disparus de nos regards, mais demeurés encore prégnants à notre évolution.
Il y faudra du temps, de la préparation psychologique, mais ne dites jamais que ce ne puisse être le cas un jour, lorsque la perception même de la raison sur l’émotion, des sentiments légitimes et de la réflexion lors des peurs de chaque époque de l’histoire passée, seront dépassées et contenues par les contemporains de cette mémoire.

Covid n’a pu qu’accentuer de telles craintes, elles demanderont du temps pour être surmontées.
La désolation d’une terre en friche, d’une forêt abandonnée, d’un sous-bois revivifié, inspirent des vocations régulières, la réhabilitation d’un pont en souffrance, d’une maison en déshérence, réveillent des acteurs de la mise en conformité patrimoniale, que ne serait ce possible pour de telles richesses patrimoniales conjointes à celles de nos habitats qui pourraient en bénéficier un jour pour assurer du mieux l’équilibre parfait de leur unité et de leur harmonie architecturale.

3 – Bref historique de l’espace chrétien des cimetières.

On les imaginerait d’éternité dans leur fondation et leur développement. Mais chacun d’eux a connu le déroulé historique modifié au fil du temps par les goûts de ses populations.
Jusqu’au XVIIIème siècle inclus, l’espace monumental du cimetière est riche de son architecture, de caveaux, de stèles, de cénotaphe, de chapelles, d’enclos, de colonne brisées, d’obélisque, d’acrotère, de pinacle et de cippes.
De la profusion en nombre et en variété esthétique due à leurs auteurs bien souvent artisans de leurs propres lieux de mémoire.

La croix de cimetière pour les chrétiens s’introduit dès le XVème siècle, et parmi les signes symboliques visuels présents, on observe l’œil de Dieu, les visages des saints, les rocailles du Golgotha, les objets sacrés des cultes des églises attenantes au cimetière, des représentations de la passion du christ, du sacré cœur très présent au fil des deux siècles passés, des attributs des vertus théologales comprenez le signe de l’ancre, du Livre sacré, des étoiles du ciel, de l’auréole de la source lumineuse, des nuages de la fin de vie, du drapé et voilé de l’existence, les épitaphes très en grâce en ces temps passés,  des statuaires et de quelques pleureuses de l’Antiquité toujours sises à l’heure de la mort, de mains scellées de l’amour infini, de couronnes d’éternité, du berceau oriental de l’olivier, et de palmiers funéraires.

 Les animaux y trouvent aussi leur place chez ces hommes de la terre, l’agneau immortel, la colombe de vie, le coq magnifique, l’ouroboros, des objets tels la balance, les flambeaux retournés de tous les usages de vie, le sablier ailé qui décompte le temps qui va, le pot à feu domestique, et les urnes funéraires de plus fraîche date.

 Les Romains observaient la Loi des Douze Tables qui interdisaient la cohabitation et des morts et des vivants dans l’enceinte des cités. Les chrétiens adopteront à l’inverse la mixité de ces temps de la vie autour de l’église communale, ou des cathédrales plus majestueuses des villes.

 Un sujet controversé au cours de l’histoire pour des raisons de salubrité qui fit selon le droit napoléonien quitter le cœur des villes aux gisants déplacés aux périphéries dans ces cimetières aujourd’hui à l’étroit, auréolés d’habitations récentes auxquelles on prédit à nouveau un déplacement imminent pour les raisons de confort moderne d’une extension d’espace habitable pour les populations.

 Si le XVIIIème siècle fut le siècle de la création monumentale au cœur des cimetières par des œuvres patrimoniales originales, le XXème siècle uniformisera le modèle des sépultures bien trop à l’identique, qui perdit de son authenticité pour un clonage esthétique des monuments qui n’ont d’égal que leur semblable.

 Le goût du minéral uniforme paralysa le soin de l’emprunt végétal à la nature de ses essences esthétiques au bénéfice de ce que d’aucuns aujourd’hui cherchent à nouveau à corriger en introduisant des végétations vivantes dans un univers en constante évolution.

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription