Une « Journée nationale de commémoration de l’esclavage » fixée au 10 mai a été instituée en France depuis 2005 et donne lieu à diverses manifestations, en particulier dans les écoles. Or, on ignore généralement que cette plaie de l’humanité, présente depuis la plus haute antiquité, ne se limite pas à la traite négrière évoquée le plus couramment, et ne s’est pas, non plus, achevée avec Victor Schoelcher et l’abolition définitive de l’esclavage en 1848 dans les colonies françaises : il fallut attendre 1962 pour le voir aboli en Arabie saoudite, 1980 en Mauritanie (où il continue sous une forme larvée) et il existe encore au Soudan !
Sait-on seulement que l’esclavage toucha même notre région ? Il est vrai que dès le 3 juillet 1315, un édit de Louis Ier roi de Navarre - qui régna plus tard comme Louis X le Hutin en France - avait interdit l'esclavage...
Or, on trouve encore à Biarritz et à Capbreton des traces de ces sombres épisodes et des rançons payées aux pirates maghrébins pour libérer nos marins réduits en esclavage après leur capture.
Monique Rousseau indique dans son livre sur l’église et le cimetière Saint-Martin à Biarritz :
« la communauté de Biarritz accorde 200 livres à la femme de Pétriquo pour régler une partie de la rançon de son mari captif en Barbarie » (Afrique du Nord, ndlr).
Egalement, divers prêts et le produit de la deuxième quête aux offices contribuèrent au rachat de Pierre de Burgaronne et d’autres Biarrots. En 1787, « la veuve de Barthélemy de Gramont lègue 30 livres pour la libération des prisonniers ».
D’ailleurs, l’ordre religieux des Trinitaires qui récoltait des aumônes pour le rachat des esclaves européens et se rendait en Afrique du Nord pour s’assurer de leur libération était présent à Biarritz. Tout comme l’œuvre créée par le landais Saint Vincent de Paul (lui-même retenu plusieurs années comme esclave à Tunis) s’efforçait d’adoucir leur sort et de rétablir un lien avec leurs familles. Au cours des seuls XVIème et XVIIème siècles, un million d'Européens sont ainsi enlevés, dont l’écrivain Cervantès, auteur de Don Quichotte, esclave des Barbaresques entre 1571 et 1580.
Et sous le porche d’entrée de l’église de Capbreton, des plaques rappellent le sort tragique d’un marin « mort esclave à Tripoli », d’un moussaillon prisonnier au Maroc et mort à l’âge de 13 ans, et de pas mal d’autres.
Leur sort était particulièrement peu enviable : avant d’être attelés à des tâches très dures aux galères ou à l’extraction de pierres, ils subissaient des coups de cordes à nœuds et des humiliations telle que l’obligation de se dénuder et de défiler devant leurs nouveaux maîtres pour être mieux soumis. Dans les oasis, ils creusaient les puits et les canaux d'irrigation, travaillant du coucher au lever du soleil et recevaient en échange un plat de couscous. Encore à la fin du XVIIIème siècle, la moitié des esclaves chrétiens d’Alger étaient captifs dans des bagnes publics, y subissant des conditions extrêmement dures dans un climat de violence, notamment sexuelle. Malek Chebel estime à plus de 20 millions le « volume total de l’esclavage en terres arabes et musulmanes », chiffre incluant les captifs de guerre slaves, concubines et domestiques circassiennes, domestiques noirs achetés à des négriers ou razziés dans les villages du Sahel et les marins chrétiens capturés par les pirates barbaresques (dans « Le Sujet et le Mamelouk. Esclavage, pouvoir et religion dans le monde arabe », éd. Mille et une nuits, 368 pages, 16 euros).