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Histoire
Reprise des mascarades souletines : c’est au tour des jeunes Mauletar
Reprise des mascarades souletines : c’est au tour des jeunes Mauletar

| Alexandre de La Cerda 1907 mots

Reprise des mascarades souletines : c’est au tour des jeunes Mauletar

Cette année, ce sont les jeunes de Mauléon qui joueront la mascarade : quinze représentations au total de janvier à avril, la dernière le 22 avril étant interprétée dans la capitale souletine. 

Ils présenteront leur mascarade pour la première fois ce dimanche 15 janvier à partir de 15h30 sur la place de Licharre. Les barricades débuteront à 9h au bar Le drop, à 9h30 à la Haute Ville, à 10h à la maison de retraite, à 10h30 à la mairie, à 11h au kiosque, à 11h30 au petit fronton de Mauléon, à 12h à la boulangerie Lasserre, à 12h30 à la place de Licharre. 
Ils poursuivront leur tour de Soule à Tardets le dimanche 22 janvier, à Pagolle le dimanche 29 janvier, à Menditte le dimanche 5 février, à Camou le samedi 11 février, à Arrast-Larrebieu le dimanche 19 février, à Aussurucq le samedi 25 février, à Musculdy le samedi 4 mars, à Idaux-Mendy le samedi 11 mars, à Sauguis le dimanche 19 mars, à Ordiarp le dimanche 26 mars, à Larrau le dimanche 2 avril, à Barcus le dimanche 9 avril, à Chéraute (Hoqui) le dimanche 16 avril et termineront à Mauléon le 22 avril. 
Si des Mauletar souhaitent accueillir des acteurs de la mascarade le dimanche 15 janvier pour le repas de midi, ils peuvent appeler Beñat (tél. 06 79 33 47 93). 

Exposition à la médiathèque et ouvrage sur les pastorales

A l’occasion des premières mascarades par les jeunes de la ville, la médiathèque de Mauléon recevra l’exposition de Beñat Laborde du 17 janvier au 11 février. 

Par ailleurs, l’association Jakintza vient de publier un livret grand format de 68 pages, « Les pastorales souletines de 2001 à 2021 » d’Arnaud Aguergaray, au prix de 15 €. Il s’agit d’une rétrospective qui, après une présentation de la pastorale, consacre une page à chacune des pastorales depuis celles qui ont été jouées en 2001 à Chéraute («Xiberoko makia »), à Trois-Villes et Sauguis («Etxahun Iruri ») jusqu’à la dernière présentée à Arrast-Larrebieu en 2021. 

Une passion très ancienne

Une très belle tradition revivifiée par des jeunes générations qui s'accrochent à leur terre, à leur culture et à leur langue : un exemple en ces temps de "soupe mondialisée" ! Les tenants, les aboutissants… Et les origines de ce magnifique et authentique "spectacle vivant" :
- survivance d’un vieux fonds européen, la Mascarade souletine constitue un véritable théâtre populaire. Les cortèges qui parcourent ainsi ces villages sont divisés en deux bandes :
- les « Gorriak » (Rouges) aux costumes à dominante rouge chargés de galons et décorations comprennent le « Txerrero » qui « ouvre la danse avec son balai de crin », suivi anciennement (d’après Chaho) du berger armé d’une grande hache et conduisant ses troupeaux, « derrière lesquels trottait l’ours »… Au défilé participe également le Zamalzain, homme-cheval issu peut-être d'anciennes légendes, la « Kantiniersa » à l'habit inspiré de l'époque napoléonienne, le « gatuzain » en costume d'arlequin bariolé, l'« Enseinan » (porte-drapeau d'apparition plus récente) et les « Kukulleruak » ; les « Manixalak » ou maréchaux-ferrants et les « Kestuak » ou hongreurs, qui essaient respectivement de ferrer et de châtrer le Zamalzaiñ. Et les fileurs de lin dont les indispensables draps servaient à ensevelir les morts. Fermant la marche, « Jauna » affublé d’une redingote noire galonnée d'or et d’un haut-de-forme, accompagné de sa femme Anderia, de blanc vêtue.
- Les « Beltzak » ou « Beltzeria », littéralement les « mal habillés de noir », véritable Cour des Miracles ambulante et gesticulante, comprenant les « Buhamiak » aux costumes « taillés dans de vieux rideaux de lit à pompons » et nantis de grands sabres de bois, les Kauterak ou Chaudronniers traînant des chaudrons bosselés et percés, ainsi que « Barbera », le médecin prêt à la saignée, et « Apotikaria », le pharmacien bonimenteur… mais parfois également, pêle-mêle, notaire, ramoneur, mendiants…

Le compositeur Maurice Ravel fut sans doute sensible lors d’une excursion à Mauléon aux couleurs et aux rythmes de ce véritable « rituel » du pays de Soule, au point d’en intégrer quelque 
« réminiscence » dans l’une de ses œuvres majeures : remarquablement perceptible dans l’enregistrement historique de 1932 lorsqu’il dirigeait l’orchestre avec Marguerite Long au piano, n’est-ce pas le coup du balai de crin du « Txerrero » qui ouvre son « Concerto en sol » sur ce rythme aigu, vif et précis que le compositeur saisissait – et admirait – dans la danse basque ?

A propos du Txerrero, « sa ceinture garnie de sonnailles l’apparente bien à son homologue labourdin, le Kotilun gorri, ainsi qu’aux célèbres Joaldunak d’Ituren et de Zubieta », explique le grand spécialiste en la matière, Thierry Truffaut. Auteur de plusieurs ouvrages sur la question, l’ethnologue qui a couru tout le Pays Basque afin de voir les fêtes en direct, les étudier, les comprendre et mieux les faire connaître, précise encore : « à Alsasua, on a coutume, le jour des Rois, d’élire un « roi des cloches » qui porte une ceinture munie de douze clochettes… Les cloches et sonnailles utilisées étaient censées repousser les dangers et amener le bonheur sur l’enfant, et la langue de la cloche devait même le prémunir du bégaiement ». D’ailleurs, remarque Thierry Truffaut, « Velazquez n’avait-il pas lui-même peint des petits infants royaux dans des costumes chargés de grelots ? Le musée de San Telmo à Saint-Sébastien conserve encore des clochettes-amulettes destinées à être cousues dans les vêtements ».

Des barricades contre les invasions

La mascarade commence le matin par les barricades, obstacles dressés sur le chemin d’accès au village où se produit la mascarade. Jadis constituées de charrettes, de cordes en travers de la route, les barricades sont aujourd’hui symboliques : « Dans le village choisi, le passe-rue s’arrête devant les maisons où des tables ont été préparées (avec boissons et victuailles) : elles symbolisent, tout en étant plus conviviales, les barricades à l’entrée du village que la mascarade devait prendre d’assaut ». Leur franchissement est réglé par la succession des danses des Rouges, suivi par les Noirs qui crient et se battent. Ainsi, il est d'usage d'arrêter le cortège devant sa maison pour faire exécuter aux danseurs des sauts et des pas traditionnels, en échange d'un verre de vin ou d'un casse-croûte. Le moment solennel correspond au Godalet-danza, lorsque le zamalzain exécute une série d’entrechats autour et sur un verre rempli de vin et posé par terre, sans le renverser, un résumé de l’agilité séculaire des danseurs basques !

Après plusieurs haltes arrosées, le passe-rue finit sur la place du village où, après déjeuner, le spectacle pourra commencer avec ses « prêches » consacrés à l’occasion aux problèmes de la vallée (crise économique, disparition des traditions, désertion de la montagne) en fonction d’une critique plus ou moins poussée de la société : « Tout le charme et la finesse de l’esprit souletin sont contenus dans ces moqueries ou histoires de voisinage, véritables « coups de pieds » en vers et en musique assénés entre quartiers parfois rivaux », sourie le luthier Didier Queheille devant son tour en train de fabriquer une xirula ou txülüla, la petite flûte à trois trous qui entraîne les danseurs. « Des instruments au quart et au demi-ton parfois insolites mais qui s’adaptent au chant comme à l’accent du parler souletin ».

Il serait d’ailleurs inexact, comme le prétendraient superficiellement certaines analyses « très tendance », de réduire à une « lutte des classes » - les manants contre les seigneurs ou les villageois contre les châtelains - cette réjouissance populaire dont les masques et les gestes remontent à une véritable mythologie ancestrale. 
J.-D.-J. Sallaberry, peu suspect de conservatisme, remarquait déjà (il y a près d’un siècle et demi) que « cette hypothèse se heurtait à un fait acquis : la féodalité n’a jamais existé au Pays Basque, surtout en Soule, pays de franc-alleu dont les antiques fors et coutumes affirmaient dans leur premier article que tous les naturels et habitants de ce pays sont, de toute ancienneté, francs et de franche condition (c’est-à-dire libres, NDLR) sans tache de servitude » ! 

Tout au plus pourrait-on y déceler, selon Bernard Duhourcau, « une lutte des tenants de l’ordre naturel fondamental incarnés par les rouges (l’ancienne acception de gorri comportait en basque la notion de beauté, NDLR) contre les noirs, symbolisant les révoltes et l’invasion ». Et l’auteur du « Guide des Pyrénées mystérieuses » d’observer à propos des Beltzak : « pour les Basques, c’est le type même de l’étranger instable et bruyant, possédant tous les défauts, honni en société, mais par ses excès même, déchaînant le rire »… Une notion d’« étranger » qui s’appliquait parfois à de proches voisins comme en témoignent les luttes incessantes pendant des siècles « des habitants des marais contre ceux des sables », autrement dit Luziens contre Ziburutars, nécessitant l’intervention du cardinal Mazarin en personne pour séparer les combattants en leur envoyant les fameux moines Récollets !

Un syndrome « victimiste »

C’est dans l’air du temps ! Le renouveau des mascarades qui mettent en branle les villages de Soule sur l’air gai de la txülüla à l’acidité si consonante au ton facétieux et manichéiste du genre, suscite désormais sa part obligée de contrition sur l’air connu des communautés opprimées : « La mascarade a été à une période une manière raciste pour les jeunes souletins de se moquer d’une population d’exclus, dont ils avaient peur. Il s’agit d’une mise en scène comique et grossière de fiançailles, de mariage ou de baptême tziganes dans les rues et sur la place de nos villages, que nous répétons depuis des générations croyant qu’elle a un tout autre sens ». L’auteur de cette affirmation lancée il y a quelques années - et reprises parfois depuis lors - s’appuyait sur « une histoire des tsiganes citant une grande rafle contre des bohémiens effectuée en Pays Basque en 1802 ». Et d’« enrôler » dans la cause tzigane les « kautere » (chaudronniers), l’ours, le violon, et jusqu’à l’origine même de nos mascarades. C’est aller un peu vite en besogne. Outre l’indubitable ancienneté de ces traditions aux origines mêlées et souvent obscures, le violon n’est pas d’exclusivité tzigane. Les hongreurs et les marchands ambulants pouvaient être Béarnais, et les chaudronniers venir du Cantal !

Quant à Francisque Michel qui leur a consacré tout un chapitre dans son « Pays Basque » (d’après ses observations depuis les années 1840) réédité chez Elkar, il ne considérait pas les « Bohémiens du Pays Basque » comme des angelots ; le fameux acte du 1er frimaire An XI (1802) auquel il est fait allusion débute ainsi : « Vu les diverses plaintes déposées (…) relativement aux assassinats, vols et désordres de toute espèce dont se rendent coupables les vagabonds connus sous le nom de Bohémiens (…) Considérant que la plupart des criminels condamnés à mort ou aux fers dans l’étendue du département appartiennent à cette horde dangereuse ou ont été entraînés par leurs liaisons avec elles »… Certes, les communautés villageoises étaient promptes à suspecter des populations marginales, avec qui l’on traitait volontiers (remèdes médicinaux, trafic de tout genre, etc.), mais que dans l’adversité on accusait de tous les maux (épidémies, tempêtes, sécheresse). Les procès en sorcellerie en témoignent. Cependant, les délibérations des Etats de Navarre démontrent à l’envi que la population n’était pas si « raciste » (sentiment ne prévalant guère à l’époque) : « Les Bohêmes faisans des maux infinis partout où on les souffre, il a esté pris divers réglementz ez années 1538 à 1665 pour les chasser, sans qu’on ai jamais pu venir à bout, à cause du peu d’application de la noblesse, des magistraz et du peuple mesmes »

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