La prochaine conférence de l'Université du Temps Libre de Bayonne aura lieu ce vendredi 13 janvier à 15h au Centre municipal de réunions (près entrée du parking couvert de la gare dont la 1ère heure est gratuite), 10 rue Sainte-Ursule, à Saint-Esprit.
Norbert Soulié, secrétaire-général de France-Louisiane, évoquera « La présence française et basque en Louisiane de 1682 à 1882 - Histoire générale et familiale 1745-1870 ».
Cette conférence abordera de nombreux thèmes historiques, géographiques, ethnologiques, et rappellera la présence française à travers quelques gros plans sur des personnages ou familles qui ont façonné la Louisiane. Elle constitue également le résultat d’ une recherche personnelle depuis environ trente ans qui ont conduit le conférencier à comprendre l’histoire et la vie de ses ancêtres de Louisiane, jusqu’à une esclave, vendue à l’âge de douze ans au marché aux esclaves de Opelousas vers 1745.
Entre autres, les origines, jusqu’à la création de la Nouvelle Orléans (1718) - Les présences française (1718-1768) et espagnole (1768-1803) - L’impact des Acadiens et de Haiti sur l’histoire de la Louisiane - La vente du territoire et la suite sous gouvernance des Etats-Unis(1803-1830) - La vie en Louisiane dans l’ antebellum - L’ expédition de Lewis et Clark, le « Missouri compromise » et la « Civil War » - Le code noir de Colbert et ses évolutions - Les 3 strates principales (blanc, noir, FPC) et l’évolution du concept créole et les mélanges - La vie dans les plantations, les maison des maîtres, le bal des quarteronnes, et Congo Square - Le développement des quartiers de la Nouvelle- Orléans - Les différentes migrations et langues - La vie quotidienne à la Nouvelle Orleans entre 1820 et 1870, ainsi que des personnages d’origine basque : Jean Lafitte et ses frère, le flibustier de Barataria, les frères Sauvinet et le fils, sheriff, Alexandre de Lesseps (Bayonne) et sa réussite dans les briqueteries, Drouillard et Lamaignère (Bayonne), et le bois d’ébène, ainsi queGalatoire, le restaurateur originaire du Béarn.
Il sera également question des trois frères Soulié, promoteurs immobiliers à la Nouvelle Orleans.
(Entrée 6 € pour les non-adhérents UTLB).
Trois frères basques, fondateurs de Baton Rouge, capitale de l’Etat de Louisiane
On peut supposer qu'au cours de sa conférence, Norbert Soulié évoquera les frères d’Artaguiette et leur participation à l'histoire de la Louisiane et de ses capitales successives, Une passionnante histoire relatée pour Baskulture par Arnaud Batsale.
La ville de New Orleans en Louisiane avait fêté en 2018 le tricentenaire de sa création par le franco-canadien Le Moyne de Bienville et des colons français.
Elle fut nommée ainsi en hommage au régent Philippe d’Orléans et devint capitale de la Louisiane en 1722 avant d'être remplacée en 1846 par Baton Rouge.
Ces deux villes, aujourd’hui les plus importantes de la Louisiane, ont des agglomérations dont la population avoisine ou dépasse le million d’habitants.
Si la date de la création de New Orleans est connue avec précision, il n’en est pas tout à fait de même pour Baton Rouge qui eut des débuts plus chaotiques et un développement plus tardif.
Le Moyne d’Iberville, son frère Bienville, le futur créateur de New Orleans et quelques compagnons, découvrirent un site au cours d’une exploration, en 1699. Ils le nommèrent Baton Rouge en raison de la présence sur place d’un poteau rouge surmonté de têtes de poissons et d’ours qui devait servir aux Amérindiens autant pour des offrandes que pour délimiter un territoire de chasse entre tribus. Il fallut cependant attendre une vingtaine d’années, pour qu’une première implantation vît le jour sur le site, en 1719 ou 1720.
Sur les bords du Mississipi, dans la ville même de Baton Rouge, se trouve l’emplacement de la concession accordée aux frères d’Artaguiette. Sur une plaque est écrit en anglais : « Les frères d’Artaguiette, Jean Baptiste Martin, Commissaire de la Marine puis Directeur de La Compagnie des Indes, Bernard Diron, Inspecteur General puis Commandant à La Mobile et le Capitaine Pierre d’Ithouralde, Gouverneur de l’Illinois tué en 1736 dans la guerre contre les Chickasaws, ont servi tous les trois dans la Louisiane française de l’époque coloniale entre 1708 et 1742. Bernard et Pierre avec l’aide de Martin en 1720 ont établi à partir d’une concession une implantation appelée Baton Rouge qui durera plusieurs années. L’implantation disparut après 1730 mais le site conserva le nom de Baton Rouge. Les frères d’Artaguiette sont considérés comme les fondateurs de Baton Rouge ».
Trois fils d’un Syndic Général du Pays de Labourd, tous natifs du village de Mendionde (*), arrivèrent en Louisiane en 1708. Jean Baptiste Martin d’Artaguiette, chargé d’une mission d’enquête sur la gestion de la colonie, avait alors vingt-cinq ans et son frère Bernard douze. La présence, avec eux, du troisième frère, Pierre, n’est pas formellement établie. Les historiens, notamment américains, ont des avis divergents en raison de l’âge de l’intéressé. Il avait alors neuf ans. Sa première venue aurait été plus tardive, probablement en 1717.
La Compagnie des Indes reprit en 1717 le monopole du commerce pour la Louisiane et le conserva jusqu’en 1731 ; par l’attribution de concessions, elle fut à l’origine d’un vaste mouvement de colonisation qui se traduisit entre 1718 et 1720, par une immigration importante et une mise en valeur rapide du territoire.
Avant d’être bénéficiaire de la concession Baton Rouge, l’aîné des frères d’Artaguiette, Jean Baptiste Martin, visita le site accompagné du Gouverneur de Bienville avec qui il travailla étroitement de 1708 à 1711. La Compagnie des Indes, dont Jean Baptiste fut un des Directeurs, accorda la concession Baton Rouge aux frères d’Artaguiette en 1717. L’année suivante, Bernard et Pierre se rendirent sur place pour superviser les premiers travaux. Cette implantation, qui ne démarra véritablement qu’en 1720, fut de courte durée.
Jean Baptiste Martin obtint également en 1720 une autre concession, aux Cannes Brûlées, à proximité de la Nouvelle Orléans, future capitale.
La concession Baton Rouge est mentionnée dans un récit de 1722. Il y est décrit une implantation en partie déjà cultivée et comptant une cinquantaine d’habitants. Le site présentait alors tous les signes d’un développement prometteur. L’entente avec la tribu locale était également très bonne. Malheureusement, en 1727, le récit d’un visiteur montre une exploitation laissée à l’abandon. La présence d’animaux sauvages et une épidémie, qui aurait décimé une partie des habitants et contraint l’autre à partir, auraient été à l’origine de l’arrêt de l’exploitation.
Il n’y eut plus par la suite d’activité humaine sur la concession Baton Rouge. Le site ne fut même plus mentionné sur les cartes et servit de simple point de repère pour les voyageurs. Cette situation resta la même jusqu’en 1763, date à laquelle les Français furent contraints de céder aux Anglais une partie de la Louisiane.
Les Anglais, qui ne restèrent sur cette partie de la Louisiane qu’une quinzaine d’années, construisirent sur le site de Baton Rouge un entrepôt servant pour la contrebande avec le reste de la Louisiane, alors cédée à L’Espagne. Les Espagnols prirent Baton Rouge aux Anglais, en 1779. Le site ne comptait alors qu’un petit fort et quelques cabanes dispersées çà et là. C‘est pendant la présence espagnole (1779-1810) que la ville de Baton Rouge, dont les commandants furent souvent d’origine française, connut un début de développement.
Bernard d’Artaguiette quitta la Louisiane en 1738 pour Saint Domingue où il mourut quatre ans plus tard. Durant les trente années qu’il passa dans la colonie, il fut Inspecteur Général des Troupes puis Commandant de fort. Bernard d’Artaguiette fut plus occasionnellement cartographe ainsi que l’auteur d’un journal de voyage qui fait aujourd’hui encore référence.
Avec son départ, ce fut la fin des Artaguiette en Louisiane.
Le frère aîné, Jean Baptiste-Martin, était reparti en France dès 1711. Ses compétences et sa connaissance de la Louisiane en firent très tôt un Directeur de la Compagnie des Indes. Il ne revint jamais en Louisiane et devint en France un riche financier.
Pierre le plus jeune fut Gouverneur de l’Illinois. Selon un historien américain, il était si pauvre que sa santé, déjà fragile, se dégrada car ne pouvant acheter du vin, il en était réduit à boire de l’eau non potable. Fait prisonnier par les Chickasaws en 1736, il fut torturé puis brûlé vif.
Pour les historiens américains, les Artaguiette étaient une famille française puissante et influente qui a marqué de son empreinte le destin de la Louisiane pendant près de trente ans.
De ce côté-ci de l’Atlantique, et notamment dans leur région natale, le Pays Basque, les frères d’Artaguiette sont sortis lentement de l’anonymat ces dernières années. Chateaubriand en avait fait pourtant des personnages de son roman « Les Natchez ».
Le fabuleux destin d’un site, qu’ils ont choisi et obtenu comme concession, devenu métropole importante et capitale de la Louisiane, justifie qu’aujourd’hui on puisse les redécouvrir.
(*) La famille d'Artaguiette de Mendionde dont est issu (par sa mère) notre collaborateur le Père François-Xavier Esponde.