Sur la Côte Basque, le musée Bonnat étant fermé depuis bientôt 11 ans, les amateurs d'art et d'histoire sont obligés de s'échapper dans les environs pour voir des expositions enrichissantes. La semaine dernière, la directrice du musée des Beaux Arts de Pau, Aurore Méchain, et la commissaire Maria Toral - en présence du maire François Bayrou et des personnalités locales - ont inauguré une importante l’exposition "Goya, témoin de son temps", dévoilant le visage atypique et controversé d'une des personnalités artistiques espagnoles les plus connues. Issues de prêts du musée Goya de Saragosse avec le soutien de la fondation Santa Maria et de collectionneurs privés, une dizaine de peintures et 200 gravures ont été ainsi rassemblées pour cette rétrospective.
Né en 1746 dans le village aragonais de Fuendetodos, non loin du Pays Basque ibérique d’où étaient originaires ses grands-parents guipuzcoans venus chercher du travail en Aragon, Goya était doué pour le dessin. Admis à l'Académie de Dessin de José Luzàn à Saragosse, il débuta une brillante carrière de peintre à Madrid.
Malgré son côté libéral, nommé premier peintre de la cour par les rois d'Espagne Charles III et Charles IV, Goya, cet « afrancesado » imprégnié des idées des Lumières, publia quatre séries de gravures vindicatives à l'humour caustique reflétant l'esprit de certains de nos reporteurs-journalistes actuels.
La première série, "Les Caprices" (1797-1799) se compose de 80 estampes reliées, réalisées à l'eau-forte et à l’aquatinte, puis retouchées au burin et à la pointe-sèche. Goya y met en scène un monde intérieur peuplé de sorcières, d'êtres étranges et surnaturels, satire humaine et sociale contre l'Inquisition et l'Eglise.
Suivirent la série "Les désastres de la guerre" (1810-1820).
En 1808, Napoléon chassait Ferdinand VII pour y mettre à la place son frère aîné Joseph Bonaparte. A Saragosse, témoin de ces atrocités, Goya en constatait les conséquences marquant et gravant cruellement à l'aide de son burin les corps des blessés de la guerre 1808-1814.
Passionné par le thème de la "Tauromachie" (1815-1816), il continua ce périple sanglant en soulignant le courage de prestigieux toreros dans une nouvelle série d'estampes de 40 gravures.
A l'aube de ses soixante-dix ans et fortement diminué par la maladie, Goya exécuta la série publiée de son vivant "Los Disparates" ou proverbes (« Sottises » ou « Folies ») (1815-1823), à la signification énigmatique. Cette série goyesque mêlant en écho à sa maladie une forme de méningite, la satire à l'horreur, regroupe 22 estampes à l'eau-forte et à l'aquatinte parfois retouchées à la pointe sèche.
A la fin du XVIIIème siècle, après la déroute des armées napoléoniennes et l'expulsion de Joseph Bonaparte, Ferdinand VII récupéra son trône d'Espagne. Cependant, de retour d’exil, le monarque contredit tous les espoirs de monarchie libérale au désespoir de Goya, peintre officiel des rois Charles III et IV.
Déçu par la politique de son pays qui ne l’abandonna pas et dont il reçut cependant un salaire en tant que Premier Peintre de la Chambre, Goya s’installa en 1824 - sous le règne de Charles X - à Bordeaux, où s’étaient réfugiés de nombreux libéraux espagnols.
Gravement malade, sourd et à moitié paralysé, la vie de Goya s'acheva en 1828 à Bordeaux.
Jusqu’au 30 janvier 2022, l'exposition "Goya, témoin de son temps" est visible au Musée des Beaux-Arts de Pau, Du mardi au dimanche, de 11 h à 18 h. Tél. 05 59 27 33 02.
Légende couverture : Les enfants se battant avec des châtaignes © Musée des Beaux Arts de Pau