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Exposition
Musée Basque : Pablo Tillac « D’une guerre à l’autre »
Musée Basque : Pablo Tillac « D’une guerre à l’autre »
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| Anne de Miller-La Cerda 816 mots

Musée Basque : Pablo Tillac « D’une guerre à l’autre »

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A partir du samedi 22 décembre, le conservateur du Musée Basque Olivier Ribeton proposera l’exposition « D’une guerre à l’autre » (dont il est le commissaire) qui rassemble plus de 300 portraits de militaires esquissés avec le talent par Jean-Paul (dit « Pablo ») Tillac. Une collection sur l’art militaire qui provient principalement du musée des Beaux-Arts de Reims ou de collections publiques et privées venues de Cambo, dont celle du Palois Pierre Minvielle.
Dessinateur prolifique, peintre-graveur, illustrateur et sculpteur, Jean-Paul Tillac (1880 Angoulême-1969 Cambo) a connu trois guerres, celles de 14-18 et de 39-45) en France, puis la guerre civile d’Espagne (1936-1939), dont les répercussions ont été fortes dans le Pays Basque de France.

Issu d’un milieu de la bourgeoisie provinciale, son père agrégé enseigna avec rigueur le latin et le grec à Niort où Jean-Paul Tillac passa son enfance. Plus fantasque que son père, l’artiste s’enticha d’art antique et de  préhistoire  sous le trait précis de ses maîtres Jean-Louis Gérôme,  le graveur Charles Walter, pour la mise en page Charles Fouqueray… et découvrit l’art animalier avec Emmanuel Frémiet et Gustave Jacquet pendant ses études aux Beaux-Arts à  Paris où il avait reçu une bourse.

Jusqu’en 1910, il séjourna régulièrement à Washington, à New York, à la Nouvelle-Orléans et enseigna le dessin au Texas, puis partit pour l’Angleterre. De retour en 1911, il maîtrisait couramment l’anglais..
Réformé pour des raisons de santé dès le début de la guerre, Jean-Paul Tillac utilisera ses talents d’interprète en anglais tout en se lançant dans l’art pictural du portrait militaire. Son expérience américaine d’avant-guerre l’incita à faire figurrer dans ses dessins des soldats américains débarqués fin 17 en Gironde.
Dans le Sud-Ouest, les bases de Pauillac-Trompeloup et du Cap-Ferret avaient accueilli une escadrille d’hydravions qui assuraient le  montage, l’entretien et les réparations de l’ensemble des appareils utilisés par les Etats-Unis en Europe.
170 dessins de Tillac furent  ainsi regroupés dans une collection du musée des Beaux-Arts de Reims par l’ingénieur Julien Lemétais qui avait  acquis 3000 œuvres de 150 artistes. Parmi les nombreux témoignages picturaux, ceux de Tillac rappellent l’arrivée de l’armée américaine en France entre 1917 et 1918. Des dessins où se dévoile l’art de vivre à l’américaine : la pratique du base-ball, de a boxe, du football, mais aussi des amourettes et le goût des cigares !
Cependant, entre les feuilles de croquis cernés au crayon ou au fusain de Tillac, émerge de temps à autre la silhouette d’un soldat de l’armée russe alliée. (N’oublions pas que grâce aux Russes entrés en Prusse Orientale dès le début des hostilités, les allemands furent détournés du front occidental, ce qui les empêcha d’entrer dans Paris et permis le « miracle » de la Marne). C’est au camp d’hivernage près de La Teste, au Courneau, qu’il les représenta. Il y croqua également des tirailleurs sénégalais et d’autres colonies africaines . 

Dans cette première partie de la Guerre de 14-18, la souffrance semble absente de ses dessins. Un premier témoignage en totale opposition avec  celui de la seconde guerre de 39-45 où l’artiste anthropologue dévoile avec causticité la cruauté des tortures et des assassinats dans les camps de concentration nazis.

L’Entre-deux-guerres et la découverte du Pays Basque traditionnel rural et maritime, loin des mondanités des stations balnéaires, constitue pour celui qui signe « Pablo Tillac » un enchantement. En 1919, l’artiste rendit visite à son frère Henri malade à Cambo et décida de s’y établir définitivement, atteint lui-même d’une affection aux bronches. Il fit partie de la « Société des sciences, lettres et arts de Bayonne » et de la « Société d'études basques ».Loin des mondanités, misanthrope, l’artiste préférait croquer la vie rurale basque, décrivant la vie des paysans ou des pêcheurs.

Parallèlement aux deux guerres mondiales, Jean-Paul Tillac découvrit le Pays Basque Sud. Entiché d’art ibérique, il ajoutera le prénom de « Pablo » dans ses croquis d’avant-guerre. Le dessinateur aura aussi côtoyé la guerre civile d’Espagne (1936-1939). A l’aide de son fusain, il décrivit avec véhémence les manifestations communistes et anarchistes qui piétinaient le Christ et incendiaient les églises.
Ambigu dans ces mêmes années, Pablo Tillac rendit hommage à Federico García Lorca (1898-1936), poète et dramaturge, exécuté en août 1936 entre Viznar et Alfacar par des milices franquistes.

Le biologiste et naturaliste Claude Dendaletche, spécialiste de l’œuvre de Pablo Tillac,  témoigne à son sujet : « Tillac haïssait la guerre, l’impérialisme des idéaux imposés, le fanatisme des nationalismes excessifs ». Sa violence, l’artiste l’exultait dans ses œuvres. Au-delà du regard d'un ethnologue, Pablo Tillac dévoile avec brio l’architecture de l’âme humaine.

A partir du 22 décembre l’exposition « D’une guerre à l’autre » de Jean-Paul Tillac sera visible jusqu’au 26 mai 2019 au Musée Basque et de l’Histoire de Bayonne. Entrée gratuite jusqu’au 31 décembre. Ouvert tous les jours de 10h30 à 18h. Le musée sera fermé le 25 décembre.
Dans le cadre de l’exposition :
* mercredi 23 janvier, 18h Conférence Pablo Tillac et la Grande Guerre par Olivier Ribeton, conservateur en chef du musée. Salle Argitu, entrée libre

Têtes de tirailleurs algériens par Tillac
Têtes de tirailleurs algériens par Tillac © DR
Têtes de tirailleurs algériens par Tillac
Guerre civile espagnole par Pablo Tillac
Guerre civile espagnole par Pablo Tillac © DR
Guerre civile espagnole par Pablo Tillac

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