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Histoire
Les secrets de Compostelle
Les secrets de Compostelle
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| François-Xavier Esponde 995 mots

Les secrets de Compostelle

Les 11 et 12 juillet derniers, trente évêques de France et d’Espagne sis sur le Chemin de Compostelle se sont réunis à Santiago de Compostela pour échanger sur l’actualité de ce chemin aujourd’hui emprunté par plus de trois millions de marcheurs et publier une Lettre Pastorale commune à cette intention (voyez notre article en rubrique « actualité ».
De mémoire d’homme, le Camino est dans les esprits de milliers de pèlerins, particulièrement l’été, qui traversent le Pays Basque (ou le Béarn) et se dirigent à pied, en voiture, à cheval ou par des moyens de transport autres jusqu’à La Corogne et la Galice, pointe nord de l’Espagne.
Jacques le Majeur l’apôtre du Christ reste pour l’Eglise et l’histoire une énigme et une curiosité récurrente.
Selon la tradition, Jacques évangélisa l’Espagne sous domination romaine. Compostelle fut considéré avec Jérusalem, Rome et Tours un lieu privilégié de la dévotion des fidèles empruntant les voies spirituelles de la chrétienté médiévale.
Le culte aux reliques de saint Jacques existe dès le IXème siècle. Elles deviendront après le XIIème siècle le lieu du pèlerinage de milliers de marcheurs.
Les guerres entre chrétiens et maures
Ce Haut Moyen Age et la période suivante connaissant l’influence maure musulmane sur les royaumes de l’Espagne occupée et sous domination étrangère, la guerre ouverte entre les chrétiens chassés de leurs terres et les envahisseurs devenus les maitres des lieux engendreront des affrontements numériques et des victimes par myriades.
Date illustre dans la mémoire chrétienne, la prise de Grenade en 1492 par Ferdinand d’Aragon et Isabelle la Catholique reste dans les mémoires de l’Hispanité. Le pape Alexandre VI déclarera le lieu saint de Saint Jacques à Compostelle la route par excellence pour les chrétiens retrouvant leur espace spirituel dévasté par les maures lors de leurs incursions espagnoles et sur la Galice.
En 1987, le Conseil de l’Europe déclare Santiago de Compostelle « premier itinéraire culturel » pour les fidèles prompts à reconnaitre l’influence de Jacques sur l’occident chrétien depuis le Moyen Age.
Mgr Duchêne, de l’Ecole Française de Rome, demeure en historien averti plus circonspect sur la véracité des cultes et des traditions portées sur la figure du saint apôtre sur le sol de la Galice espagnole, mais qu’importe. Si les historiens s’accordent à reconnaitre que Jacques l’apôtre serait mort décapité en Palestine par Hérode Agrippa, les compagnons de l’apôtre affirment que la translation du corps de Jacques avait emprunté la route maritime par Gibraltar jusqu’au port galicien de la Corogne. Saint Jérôme l’affirme encore, Augustin d’Hippone le confirme dans un texte apocryphe « Histoire du combat apostolique » contestant l’affirmation préalable de la mort de Jacques en Palestine de par sa mission en terre espagnole.
Le pape Gélase Ier condamnant encore les parutions en 492-96 de ces hagiographes primitives les jugera complaisantes…
Dès le VIème siècle ces manuscrits sont traduits en latin et se dispersent dans l’occident chrétien dans le Codex Calixtinus qui conforte dès le XII ème siècle la véracité des reliques de saint Jacques de compostelle et la présence de l’apôtre en terre espagnole !
Mais pour la première fois au XIIIème siècle la liturgie chrétienne mentionne le 25 juillet, date de célébration de la saint jacques.
On y ajoute une lettre apocryphe du pape Léon relatant la translation du corps de Jacques en espagne, jusqu’au port d’Iréna Flavia, ancien nom romain du port galicien ; vérité historique des uns, erreurs de transmission des autres, la tradition ancrée dans les mémoires ne déroge toutefois à cette vérité jusqu’à nos jours.
Le moine Pélage situé en Galice relatant dès 813 l’existence de reliques de Saint Jacques, l’ermite raconte comment, conduits par une pléiade d’étoiles, les marcheurs primitifs en quête de ces souvenirs découvrirent le tumulus de la sépulture de l’apôtre ; s’ensuivit la construction de l’édifice religieux de ses débuts, le chemin des pèlerinages, et la dévotion espagnole et galicienne à l’apôtre Jacques.
Renforcée sans doute par « la reconquista » d’un royaume espagnol libéré de l’occupation des maures, les souverains catholiques eurent à cœur de restaurer la foi chrétienne dans leur royaume.
A partir du XIIème siècle le pèlerinage devint universel. Les chanoines de Compostelle rédigeant des récits hagiographiques à la gloire du saint protecteur de l’Espagne et de la Galice, « La concordia de altealtares » de 1077 reprise est une anthologie merveilleuse du style de l’époque, fut attachée au culte des saints et des fondateurs du christianisme.
Les historiens n’ont pas oublié la tradition deJjacques – matamore, en souvenir de la bataille de Clavijo opposant en 844 les chrétiens aux maures pour des raisons qui n’étaient pas uniquement religieuses ! Jacques en cavalier sur un cheval blanc fendant ses adversaires maures est inscrit dans l’iconographie du temps.
Adéline Rucquoi, historienne de l’Espagne médiévale, nuancera ces interprétations des récits historiques, mais de toute évidence, Jacques le Majeur s’inscrivait dans la mémoire d’un soldat du Christ armé et prompt à sévir pour libérer l’Espagne de ses envahisseurs.
Le Codex Calixtinus de 1150 demeure la référence des chercheurs comme le livre d’Aimery Picaud le français, qui relate les quatre voies pèlerines empruntées depuis la France vers Ostabat et Puente la Reina en Navarre espagnole, pour se diriger vers Santiago.
Se souvenant encore que l’émir de Cordoue, rasant Compostela en 994, prit soin de ne pas toucher à la sépulture de Jacques qu’il considérait comme un marabout.
Les corsaires anglais à leur tour vinrent, eux aussi, détruire plus tard tout ce que ce lieu pouvait contenir de richesses artistiques et religieuses. Les reliques furent à nouveau dispersées, pillées et volées mais on prit soin de les remettre dans la cathédrale plusieurs fois vandalisée, reconstruite et restaurée à plusieurs reprises.
Des fouilles plus récentes ont pu dévoiler une inscription en grec du premier siècle dans la dite cathédrale rapportant le nom d’Athanase, disciple de Jacques.
L’histoire réservera encore bien des surprises. Santiago de Compostelle objet de tant d’attractions, de tourments et de retours, reste une énigme historique et spirituelle pour beaucoup de ceux qui empruntent cette route de leur vie, comme un défi pour la paix !
François-Xavier Esponde
 

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