Le cinéma basque existe-t-il ? La question est ancienne, et rejoint celle, par exemple, de la musique classique basque... Et d'ailleurs, le monde moderne, si médiatisé, permet-il à un peuple, à une ethnie, à une culture, non dotés d'organisme étatique, d'exprimer son identité dans le concert des nations ?
Malgré toutes ses imperfections, certes l'institution d'une administration autonome dans les provinces basques péninsulaires a puissamment aidé à surgir un jeune cinéma basque qui a déjà acquis quelques lauriers.
En commençant d'abord par conserver l'acquis des générations antérieures, en créant en 1978 la Filmoteca Vasca, archives destinées à préserver les quelques productions sauvées de la guerre civile et de la hargne des vainqueurs contre tout ce qui rappelait "Euzkadi".
Il nous reste encore heureusement le "Mayorazgo de Basterretxe", adaption libre de "Mirentxu" de Pierre Lhande, un film muet tourné en 1928 malgré les entraves du gouvernement de Primo de Rivera qui interdit l'emploi de l'ikurrina (drapeau basque) lors d'une danse folklorique…
A partir d'une idée de Pierre Lhande, jésuite souletin - également prédicateur à la radio, écrivain en français et en basque, et un des fondateurs en 1919 de l’Académie de la langue basque Euskaltzaindia - le scénario avait été écrit par les deux frères Mauro et Víctor Azkona, qui étaient en même temps les producteurs. Victor était également responsable de la photographie.
Le film décrit la famille Basterretxe qui vit heureuse dans sa maison du village imaginaire d'Aizgorri. Maritxu, la fille (Margarita Arregi), est amoureuse de Txomin (Orlando Villafranca / Francisco Veintemillas). Josetxu, le fils (Eduardo Morata), est attiré par la mer. Cette passion du fils profite à D. Timoteo, l'usurier (Víctor Barguillo), qui, à travers lui, veut prendre possession du hameau de Basterretxe.
Le 19 décembre 1928, ce film fut projeté au Théâtre Principe de Saint-Sébastien, mais l’arrivée du cinéma parlant à la même époque le priva d’un succès mérité.
Comment ne pas égrener des souvenirs personnels, lorsque la Fédération des artistes, intellectuels et animateurs culturels basques « Ereileak » – dont j’étais le vice-président – avait organisé à Villefranque, sous l’autorité de Philippe Oyhamburu, une mémorable semaine culturelle avec de passionnantes projections de films inédits : je me vois encore « passer » en 1979, depuis Donosti jusqu’en Iparralde, toutes ces pellicules que m’avait prêtées la jeune Filmothèque basque, accompagnées de l'appareil de projection 16 mm adéquat ; je m'occupais alors de la section cinéma de la semaine culturelle de Villefranque créée par Philippe Oyhamburu. Et je me souviens de la brillante soirée de clôture au château de Larraldia, avec l’argenterie d’origine… Et des « xamarras » de soirée cousues par Sabine Oyhamburu !
Pour en revenir aux débuts de ce cinéma au Pays Basque, bien que contemporains de l'arrivée du cinématographe dans les grandes capitales européennes (à Bilbao, Vitoria, Saint-Sébastien et Pampelune, les premières projections suivirent celle de Biarritz, en août 1896) ne firent pas d'étincelles, si ce n'est quelques initiatives privées très limitées.
"Alma Vasca", tourné en 1933 à Fontarabie et comportant, sans doute pour la première fois, des dialogues en langue basque, fut détruit (sans doute, pendant la guerre civile), mais il nous reste de cette période l'intéressant "Guernika" de 1937.
Si en zone française, à Ilbarritz, la société "Eusko Film" créée en 1947 par Paul Dutournier et Pierre Apesteguy tourna en particulier "Au Pays Basque avec Luis Mariano", elle n'eut hélas pas de suite, et il fallut attendre 1968 et le remarquable "Ama-Lur" de Nestor Basterretxea et de Fernando Larruquert pour voir une œuvre de qualité produite par le cinéma basque, ainsi que les documentaires thématiques "Ikuskas".