Il paraît que le ministre espagnol des Affaires étrangères, Alfonso Dastis, « veut faire un geste au bénéfice des ambassadeurs arabes accrédités en Espagne en les invitant à une réunion de travail à Cordoue le lundi 27 février prochain », selon une source diplomatique consultée par le site « The Diplomat ». A ces ambassadeurs arabes - dont le doyen est le représentant de l'Autorité nationale palestinienne en Espagne, Musa Amer Odeh - le chef de la diplomatie espagnole projette de faire visiter la « Casa Árabe » de Cordoue avant de les faire déjeuner au restaurant « Noor » dirigé par le chef Paco Morales, connu pour sa cuisine de « fusion des saveurs andalouses et arabe ».
Espérons que ces louables efforts se borneront à de la diplomatie culturelle sans jeter de l’huile sur un feu qui ne demande qu’à embraser des polémiques excitées par quelques groupes de pression islamistes en veine de reconquête d’Al Andalus…
Des islamistes embusqués…
Ainsi, depuis quelques années, certains activistes, parmi lesquels Kamel Mejelef, président de l’association des musulmans de Cordoue, souhaiteraient-ils renommer la cathédrale de Cordoue en mosquée-cathédrale, voire même de la partager avec les musulmans, comme la demande en fut faite — heureusement en vain — en 2010 à l’évêque de Cordoue, propriétaire de l’édifice. En 2004, la Commission islamique d'Espagne, soutenue par le parti socialiste espagnol, avait déjà réclamé officiellement au Vatican le droit pour les musulmans de prier, suivie de la Ligue Arabe auprès de l'OSCE et même d’une action sur place des Jeunesses musulmanes d'Autriche ( ! ) perçue comme une « provocation » en pleine semaine sainte ! Le Saint-Siège a toujours opposé un refus catégorique. Quant au diocèse, sa réponse ne s’était pas faite attendre : « L’Église a géré [la cathédrale] pendant huit siècles en prenant soin de son architecture alors que les musulmans avaient, eux, détruit la basilique originale ».
De fait, c’est une histoire tumultueuse qu’a connue cet édifice qui reçoit près de deux millions de visiteurs par an : en 572, les Wisigoths devenus maîtres de la ville de Cordoue décident d’y bâtir une église, dédiée à Saint Vincent, qui devint rapidement la plus importante de la ville, son siège épiscopal puis un monastère. Puis, au VIIIe siècle les mahométans prirent la ville et décidèrent d’ériger une mosquée, d’abord sur la moitié de l’église, puis enfin sur sa totalité, en détruisant l’ancienne construction. En 1236, la ville fut reprise aux occupants musulmans par les Espagnols et la mosquée redevint une église, puis une cathédrale, au prix de quelques modifications architecturales. Au XVe, une nef gothique fut construite, puis agrandie et transformée au XVIe siècle.
En outre, il convient de rappeler que des chrétiens ont participé à la construction de la mosquée, et que la partie mosquée du monument n’est donc pas le seul fruit du travail des musulmans de l’époque. Ainsi, le chroniqueur arabe Ibn Idhari rapporte par exemple (Histoire de l’Afrique et de l’Espagne, intitulée Al-Bayano’l-Mogrib, trad. E. Fagnan, 1904, tome II) : « En-Nâçir leur payait chaque pièce de marbre trois dinars, chaque colonne huit dinars sidjilmassi ; or la construction absorba 4313 colonnes, dont 1013 provenant d’Ifrikiyya, et 140 envoyées par le roi des chrétiens (melik er-roûm), le reste fut tiré de l’Espagne même. Quant au magnifique bassin sculpté et orné d’images dorées, dont la valeur est inestimable, il fut amené de Constantinople par l’évêque Rebi’W, qui le traîna d’un lieu à un autre jusqu’au bord de la mer. En-Nâçir le plaça dans la chambre de repos du salon oriental connu sous le nom de Mou’nes. » [page 382] (…) « En djomâda II (juin 965) fut achevée la coupole dominant le mihrâb, travail qui faisait partie des agrandissements de la mosquée. On commença les incrustations de mosaïque de cet édifice. El-Hakam avait écrit au roi des Roûm (chrétiens, ndlr.) à ce sujet et lui avait ordonné (sic) de lui expédier un ouvrier capable, à l’imitation de ce qu’avait fait El-Welîd ben Abdel-Melik lors de la construction de la mosquée de Damas. Les envoyés du khalife lui ramenèrent le mosaïste, ainsi que trois cent vingt quintaux de cubes de mosaïque que le roi des Roûm lui envoyait à titre de présent. Le prince hébergea et traita largement le mosaïste, auprès de qui il plaça plusieurs de ses mamlouks en qualité d’apprentis, et ces esclaves travaillant avec lui acquirent un talent d’invention qui leur fit dépasser leur maître ; ils restèrent ensuite à travailler seuls quand le maître mosaïste, de qui l’on pouvait dorénavant se passer, eut quitté le pays, non d’ailleurs sans avoir reçu du prince de riches cadeaux et des vêtements. Les ouvriers habiles venaient à l’envi et de toutes parts travailler au monument » [page 392].
Par ailleurs, il n’est pas inutile de rappeler – à propos de Cordoue - que le nom même de Saint-Palais (Donaphaleu, en basque), capitale du Pays de Mixe en Basse-Navarre, vient de Pelagius, Pelayo ou Pelay, que le calife musulman de Cordoue Abd el Rahman III avait fait martyriser le 26 juin 925. Il s’agissait d’un adolescent fait prisonnier avec les évêques de Salamanque et de Tuy, ainsi que de nombreux chrétiens, à la suite de la bataille de Valdejunquera (25 km au sud de Pampelune) où Abd al-Rahman défit, le 26 juillet 920, les troupes coalisées du roi navarrais Sancho Garcés Ier et d'Ordoño II de León. Pelayo était resté à Cordoue comme otage aux mains d’Abd al-Rahman contre la libération de son oncle évêque…
… Et des laïcistes à l’affût !
De manière aussi absurde qu’intempestive, une pétition a été lancée sur Internet voici quelques années par des laïcistes espagnols pour exiger l’expropriation de l’Église, la « nationalisation » de l’édifice et sa laïcisation. Cette pétition semble avoir été reçue favorablement par la Junta de Andalucía (l’exécutif de la communauté autonome d’Andalousie) dont la déléguée à Cordoue, Isabel Ambrosio, s’était dépêchée de « demander une étude juridique pour savoir si l’exécutif de la Junta de Andalucía est fondé à réclamer que ce bien devienne propriété publique ». Cette même Isabel Ambrosio, membre du PSOE, avait d’ailleurs signé « à titre personnel » la pétition… La réaction catholique ne s’est pas fait attendre et une deuxième pétition est en ligne exigeant que la Junta de Andalucía s’occupe en priorité des vrais problèmes des Andalous et des Cordouans, respecte la propriété du diocèse et fiche la paix aux catholiques…
Une pétition a été mise en ligne sur le site Hatzeoir.org afin de protester contre les pressions de l’UNESCO, du parti socialiste ouvrier espagnol et de la gauche unie et les attaques des islamistes contre la cathédrale.
ALC