Le Pays Basque d'Aquitaine (Soule, Basse-Navarre et Labourd) bénéficie d'un réseau serré de six établissements d'apprentissage ou d'enseignement agricole et rural qui jouent un rôle important dans sa vie économique et sociale. Commençons par distinguer le rural de l'agricole, car ils sont souvent confondus à tort : le monde rural comprend évidemment l'agriculture, mais il la déborde largement pour embrasser tout ce qui n'est pas la ville, et il s'introduit même au cœur de celle-ci par les métiers de l'arboriculture, de la jardinerie et des espèces verts notamment, qui entretiennent la nature jusque dans le milieu urbain. Dans le cadre confiné de cet article, il ne peut être question de décrire en détail les diverses formations proposées par ces six établissements, mais seulement d'y faire goûter à partir de leur genèse.
L'aîné de ces établissements, aujourd'hui disparu, fut l'Institut agricole basque de Garro, sis dans la commune de Mendionde voisine de Hasparren. Le château historique de Garro et son domaine agricole de 35 hectares furent achetés entre les deux guerres mondiales par M. Jacques-Hyppolite Lesca, un Basque de Guéthary qui avait fait fortune en Amérique. Le 30 octobre 1930 il en fit don à la ville de Bayonne pour servir à la formation des jeunes Basques, futurs exploitants agricoles. Il voulut d'abord les donner au Pays Basque de France, mais celui-ci n'existant pas juridiquement, M. Lesca se tourna vers cette ville de Lapurdum considérée comme notre capitale.
L'école devait assurer un enseignement de deux ans à des promotions annuelles de vingt garçons de 14 à 16 ans. Elle ouvrit effectivement en novembre 1931. Le coût annuel de la formation en internat était de 2.800 francs, dont 1.200 payés par la famille. Le 29 mai 1933 le conseil d'administration de l'Institut écrivait aux maires basques : « L'Etat et le département nous aident généreusement, mais le Pays Basque lui-même, pour qui cependant est fait Garro, ne l'aide que de façon insuffisante. » Sur les 160 communes considérées à l'époque comme basques, 40 contribuèrent la première année, 15 la deuxième.
L'école et le domaine étaient gérés par un conseil d'administration de onze membres nommés au départ par M. Lesca, puis se renouvelant par cooptation. Il comprenait notamment un représentant de la ville de Bayonne, un autre du clergé basque, un de chaque province basque d'Aquitaine (Soule, Basse-Navarre et Labourd), un autre du syndicalisme agricole, le directeur du Musée Basque de Bayonne, etc...
Conformément aux statuts établis par M. Lesca, l'ensemble devait être dirigé par un prêtre : longtemps ce fut un abbé Noblia, et sur le tard, vers 1960, ce fut le plus jeune des deux abbés Gosterratxu. A ce moment là l'école de Garro était passée au modèle des Maisons Familiales, avec une formation en alternance s'étendant sur trois hivers au sens large, soit six mois par an, à raison d'une semaine par mois en formation scolaire et trois semaines sur l'exploitation familiale.
A partir de 1960, l'école de Garro fut absorbée progressivement par le lycée agricole qui démarrait à Hasparren sous le nom d'Ecole secondaire d'agriculture du Pays Basque. Il en subsiste le château et le domaine agricole, qui appartiennent depuis 1997 à la commune de Mendionde. Le château est l'héritier d'une longue histoire : ses seigneurs jouèrent un rôle important en Navarre, puis au Labourd ; l'un d'eux participa même à une croisade. La restauration ou même le simple entretien d'un tel bâtiment pose évidemment des probèmes insolubles au budget limité d'une petite commune rurale.
Quant au domaine agricole, 9 hectares sont aujourd'hui exploités par une SCIC (Société coopérative d'intérêt collectif) en maraîchage biologique, avec production de légumes en plein champ et sous serres non chauffées. Suivant la vocation première de Garro, elle peut servir d'exemple à des personnes qui voudraient s'installer en productions légumières biologiques.
Après la seconde guerre mondiale, des communautés de religieuses ouvrirent dans les chefs-lieux de cantons des écoles ménagères pour les jeunes filles de 14 à 17ans. L'apprentissage en alternance suivant la formule saisonnière des Maisons Familiales devait former de futures maîtresses de maisons. Elle comportait une certaine ouverture sur les sciences et techniques agronomiques. Lorsque l'enseignement agricole devint mixte comme tous les autres, la plupart des écoles ménagères fermèrent leurs portes ou fusionnèrent avec des établissements jusque là masculins. Elles avaient quand même précédé ces derniers et leur avaient ouvert la voie.
En 1950 le clergé créait des centres d'apprentissage agricole pour les garçons sur le même modèle saisonnier des Maisons Familiales à Mauléon (dans l'Institution Saint-François d'Assise), à Saint-Palais (Garikoitzenea) et à Saint-Jean-Pied de Port (Frantsesenea). Ils furent animés respectivement par les abbés Riouspeyrous, Challet et Emile Larre. Plus tard celui de Mauléon sera transféré à Berrogain-Laruns et deviendra le Lycée agricole privédeSoule. Frantsesenea accédera aussi au statut de Lycée agricole, et Garikoitzenea sera englobé par l'Institut Jean Errécart.
En 1960 le Lycée agricole de Hasparren était ouvert par l'abbé Pierre Charritton sous le nom d'Ecole secondaire d'agriculture du Pays Basque. Cette appellation évoluera avec le temps. Aujourd'hui l'établissement porte le titre de Lycée Armand David, du nom de ce naturaliste originaire d'Espelette qui, missionnaire catholique en Chine au XIXème siècle, découvrit notamment le Panda. Jumelé au Lycée technique Saint-Joseph, il a été longtemps éclipsé par le prestige de son grand frère. Initialement prévu pour les garçons, il est devenu mixte avec le temps, mais sans internat de jeunes filles, et ce handicap a longemps pesé sur son recrutement.
En même temps s'ouvrait à Saint-Palais l'Institut Jean Errécart, également Lycée catholique ; destiné d'abord aux jeunes filles, naturellement il deviendra mixte. Bien situé dans un bassin agricole assez étendu et fertile, entre la Basse-Soule, la partie non montagneuse de la Basse-Navarre et le Béarn occidental, il surclassera dans l'agriculture classique les établissements périphériques. Pour ne pas être marginalisés ceux-ci devront se spécialiser, et c'est finalement heureux pour l'ensemble du réseau : Hasparren s'orientera principalement vers l'horticulture paysagère grâce à un élève du cru devenu enseignant puis directeur, Gabriel Durruty, Frantsesenea et Berrogain soigneront particulièrement l'élevage ovin laitier, Saint Pée sur Nivelle l'aquaculture, la pisciculture, la gestion et la protection de la nature.
Ce dernier établissement, Lycée Saint-Christophe, fut ouvert dans les années 1960 par des parents catholiques du sud du Labourd. Né modestement comme ceux de Berrogain et de Saint Jean Pied de Port, il n' a cessé de progresser, et il ne le cède en rien à ses aînés.
Ces trois établissements ont accédé par étapes successives du niveau CAP (qui n'a pas toujours disparu pour autant) à celui des baccalauréats professionnels. Hasparren et Saint-Palais sont passés directement du BTA ou Brevet de Technicien Agicole (niveau bac.) aux bac. techno. Saint-Palais a aussi un bac. général depuis 1969.
De plus Hasparren a un BTS (bac. + 2), Saint-Pée 2 BTS, Saint Palais 5 BTS. Je n'entrerai pas dans les détails, les personnes intéressées les trouveront très facilement sur internet. Je rappelle cependant les noms et emplacements des cinq établissements privés d'enseignement agricole de nos trois provinces basques, en allant de la côte vers l'intérieur :
- Lycée Agricole Saint Christophe, à Saint-Pée-sur-Nivelle
- Lycée Armand David, à Hasparrena
- Lycée Agricole Frantsesenia, à Saint Jean Pied de Port
- Institut Jean Errécart, à Saint Palais
- Lycée Agricole et Rural Privé de Soule, à Berrogain-Laruns, près de Mauléon-Licharre.
Il existe aussi à Hasparren un CFA Agricole public, Centre de Formation d'Apprentis Agricoles. Créé en 1974, il fait partie du CFAA départemental des Pyrénées-Atlantiques qui comprend quatre sites : Oloron, Orthez, Pau-Montardon, et donc Hasparren. Le CFA est spécialisé dans la formation continue d'adultes par l'apprentissage alternant des périodes d'études au centre et de travail en entreprise. Au départ il y a un contrat d'apprentissage qui prévoit une rémunération de l'apprenti(e).
Le CFAA de Hasparren assure les préparations suivantes à partir du niveau bac, avec ou sans ce diplôme : 2 BTS, 2 Brevets Professionnels, 3 CAP et un CS (Certificat de Spécialisation).
Ce réseau de formation très ouvert est un atout précieux pour notre petite région, surtout dans une phase de transition rapide où la gestion intelligente du vivant est la base incontournable d'un monde en paix.
Jean-Louis Davant
Une vie d’enseignement agricole.
Né à Arrast Larrebieu, Jean-Louis Davant fait partie des derniers pionniers de l’enseignement agricole dans le département basco-béarnais.
A l’occasion des années 60-50 de cette aventure professionnelle, l’ingénieur agronome formé par les Jésuites endossa le service à Garoa à Mendionde, puis à Hasparren en fondant avec Pierre Charitton l’école d’agriculture de la ville.
Académicien basque, Jean-Louis Davant est l’auteur d’une dizaine de Pastorales souletines dont la dernière qui devait être jouée cet été mais pour les raisons sanitaires actuelles, est renvoyée à l’année suivante.
Professionnel du monde agricole, dans une région essentiellement agricole, l’auteur donne un témoignage de l’évolution du projet de la terre, en constante évolution, depuis l’élevage, les cultures, les enjeux de l’eau et de l’environnement, la protection des sols et des paysages. La gestion intégrale d’un pays et de ses identités naturelles.
Une parole documentée qui s’enracine dans la terre de ses racines (F.-X. Esponde)
Légende : L’Institut agricole basque de Garro © Lehen Euskal Herria