La chapelle d’Artzaindeia - qui signifie en basque « l’appel du berger » -, connue comme « la chapelle aux icônes » au cœur de Cambo, avait accueilli samedi 8 mai - dernier dernier jour de la Semaine pascale chez les chrétiens orthodoxes - la liturgie célébrée à l’intention des paroissiens habituels de l’église russe de Biarritz par le Père Nicolas Rehbinder, avec le choeur de la paroisse biarrote, également transplanté à Cambo. Rappelons que cet édifice religieux avait été généreusement prêté aux orthodoxes par le Centre Arditeya qui le gère - voyez l’article d’Anne de La Cerda en rubrique « patrimoine » :
https://baskulture.com/article/cambo-la-chapelle-aux-icnes-daprs-albert-proux-3744
car la grande majorité des paroissiens avec le choeur avaient dû hélas quitter leur église russe de Biarritz dont s'était « emparée » une petite fraction/faction séparée de l'Archevêché des églises de tradition russe groupé autour de la cathédrale de la rue Daru à Paris.
Le Père Nicolas Rehbinder reviendra célébrer une liturgie en fin mai. Entre-temps, les fidèles de Biarritz - transplantés à Cambo - s'organisent...
Rappelons qu’à Biarritz, face à l’Hôtel du Palais, l’église russe fut construite en 1892 par les Moscovites et les Péterbourgeois. Aujourd’hui, l’édifice en très mauvais état devrait être restauré. Cependant, l'été dernier, à la suite d’un vote faussé par la présence d’Ukrainiens venus en surnombre d’Espagne, avait été acté le rattachement de l’église russe de Biarritz à un « vicariat » constitué de toutes pièces et en urgence auprès du métropolite grec représentant le patriarcat de Constantinople à Paris. Lequel, évidemment, n’a pas les moyens de restaurer, ni d’entretenir l’édifice soumis aux « humeurs océaniques » !
Les témoignages sont nombreux parmi les paroissiens de Biarritz concernant ce vote : "on" a fait venir de nombreux Ukrainiens qui travaillent en Espagne, qui n'étaient pas inscrits à la paroisse et qu'on n'y avait jamais vus auparavant : avant l'assemblée générale, ils ont payé une cotisation pour être membres de l'association et ils ont voté "comme un seul homme" pour Constantinople, quant aux paroissiens authentiques, on leur a même refusé la parole avant le vote, car les Ukrainiens "étaient pressés de rentrer chez eux" après cette "manip", un procédé très habituel pour renverser les votes dans les assemblées paroissiales. Importer à la va-vite des gens qui ne furent jamais paroissiens et auxquels on fait payer l'équivalent de deux ans ou plus de cotisations.
Un épisode malheureux qui rappelle également les tentatives du patriarche Bartholomée de Constantinople (Istanbul) - sur l'injonction de ses "amis du gouvernement américain" monnayant ainsi sa protection face aux assauts islamistes du gouvernement turc - de constituer en Ukraine une église schismatique, non reconnue par la majorité des églises orthodoxes canoniques à travers le monde. N'ayant pas réussi à ébranler l'immense majorité des paroisses ukrainiennes restées fidèles à l'Eglise canonique de ce pays, en union avec le Patriarcat de Moscou, ces clercs dissidents prennent de nombreuses "libertés" avec la doctrine et la tradition, allant jusqu'à traiter de "légende" la descente du Feu sacré au Saint-Sépulcre de Jérusalem, l'assimilant même, dans leur délire blasphématoire, à la tragédie d'Odessa du 2 mai 2014, au cours de laquelle, selon les chiffres officiels, 42 personnes avaient été brûlées vives dans la Maison des syndicats lors de l'incendie allumé par les ultra-nationalistes ukrainiens, partisans du coup d'Etat du "Maïdan" à Kiev.
L'occasion d'effectuer pour nos lecteurs un rappel historique... Nous avions évoqué la cérémonie du Feu sacré dans un récent article :
https://baskulture.com/article/pques-chez-les-chrtiens-orthodoxes-le-triomphe-de-la-lumire-3889
Selon une tradition remontant à la période patristique, le Samedi Saint précédant la Pâque orthodoxe et l’obscurité ayant été faite dans le Saint-Sépulcre, un feu venu du ciel - symbole de la Résurrection - illumine miraculeusement une lampe suspendue au dessus du tombeau du Christ, pour être ensuite transmis de cierge en cierge aux pèlerins affluant en nombre.
Cette année encore, ce Feu sacré - à partir duquel les prêtres avaient allumé des paquets de 33 bougies, leur nombre étant égal au nombre d'années terrestres de Jésus-Christ - avait surgi dans l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem devant 2.500 fidèles, témoins du miracle qui a lieu chaque année. En raison des précautions sanitaires, le nombre de participants à la cérémonie avait été réduit.
Le patriarche Théophile III de Jérusalem a pu ainsi transmettre la flamme sacrée aux ministres de l'Église grecque et aux représentants des autres autres confessions en poste à l'Église du Saint-Sépulcre. Egalement aux représentants des onze pays qui avaient envoyé leur avion en Israël : Russie, Chypre, Bulgarie, Biélorussie, Moldavie, Ukraine, Roumanie, Grèce, Géorgie, Pologne et Kazakhstan.
En Russie, le Feu sacré de Jérusalem est traditionnellement porté à la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou (depuis une vingtaine d’années par vol spécial de la Fondation Saint André) pour être ensuite partagé dans quinze églises de la capitale russe et les sanctuaires de 25 autres villes russes.
Le récit du patriarche Diodore sur la descente du feu sacré
Le patriarche de Jérusalem Diodore Ier (patriarche de la ville sainte de Jérusalem et de toute la Palestine, de la Syrie, de l'Arabie, au-delà du Jourdain, de Cana de Galilée et de la Sainte Sion, 1923-2000) avait relaté la descente du feu sacré dans l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem : « J'entre dans le sépulcre et avec respectueuse appréhension, je m'agenouille devant l'endroit où le Christ était étendu après sa mort et où Il est ressuscité », indiquait le patriarche.
« La prière au Saint-Sépulcre est en soi toujours un moment très sacré pour moi dans un lieu très saint. C'est d'ici qu'Il a été ressuscité avec gloire, et c'est de là qu'Il a porté Sa lumière dans le monde.
Je me fraye un chemin à travers les ténèbres vers l'espace intérieur, et je tombe à genoux pour offrir les prières qui nous sont parvenues à travers les siècles et, après les avoir lues, j'attends. Parfois, j'attends quelques minutes, mais généralement le miracle se produit dès que je dis les prières. Du milieu de la pierre même sur laquelle Jésus gisait, une lumière indescriptible se répand. Il est généralement de couleur bleue, mais la couleur peut changer et prendre de nombreuses nuances différentes. Il est impossible de le décrire avec des mots humains », selon le patriarche Diodore qui ajoutait que la lumière montait de la pierre tout comme le brouillard monte d'un lac - on dirait presque que la pierre est recouverte d'un nuage humide, mais c'est de la lumière. Cette lumière se comporte différemment chaque année. Parfois, elle ne recouvre que la pierre, et parfois elle remplit toute la « Cuvuklia » (chapelle du Saint-Sépulcre), donc si les gens debout à l'extérieur regardaient à l'intérieur, ils la verraient remplie de lumière.
Et de préciser encore : « La lumière ne brûle pas - je n'ai jamais brûlé ma barbe au cours des seize années que j'ai été le patriarche de Jérusalem et que j'ai reçu le Feu sacré, une lumière d'une consistance différente de celle d'un feu ordinaire brûlant dans une lampe à huile », rappelait le chef de l'Église de Jérusalem, aujourd'hui décédé. Il avait remarqué qu'à certains moments, la lumière s’élevait sous forme d'une colonne dans laquelle le feu semblait d'une nature différente, de sorte qu'il pouvait déjà y allumer des bougies afin de transférer le feu à l’assistance.
Le patriarche croyait qu’il n’y avait aucun hasard à l’apparition du Feu sacré en cet endroit : « Dans Matt. 28.3, il est dit que lorsque le Christ est ressuscité, un ange est apparu, tout habillé d'une lumière inspirante de la peur. Je crois que la lumière étonnante dans laquelle l'Ange a été revêtu à la Résurrection du Seigneur est la même lumière qui apparaît miraculeusement chaque Samedi Saint. Le Christ veut nous rappeler que sa Résurrection est une réalité, pas seulement un mythe ; Il est vraiment venu au monde pour faire le sacrifice nécessaire par S mort et Sa Résurrection, afin que l'homme puisse se réunir avec son Créateur », concluait le patriarche Diodore.
Voyez ce reportage de la télévision grecque le samedi 1er mai dernier sur YouTube :
https://www.youtube.com/watch?v=mNkbkWttMTU
Témoignage de pèlerins et croisés d’Occident
Parmi les premiers témoignages historiques parvenus jusqu’à nous, celui du moine Bernard : « Le samedi saint, la veille de Pâques, au service religieux du matin dans l'église du Saint-Sépulcre, pendant le chant « Kyrie, eleison » (Seigneur, aie pitié!) -l'ange descend et allume les lampes suspendues sur le Saint-Sépulcre. Le patriarche transfère ce Feu à l'évêque et enfin à tout le peuple, afin que chacun puisse allumer ce Feu chez lui. Le patriarche actuel s'appelle Théodose (863-879); il y fut appelé pour sa piété » (Itinerarium Bernardi, monachi franci, 867).
Dans « Mélanges de l’Ecole française de Rome », selon l’universitaire Camille Rouxpetel, spécialiste de l’histoire médiévale, l’illumination miraculeuse du tombeau avait été mentionnée pour la première fois chez les Grecs au IVème siècle par Grégoire de Nysse dans la cinquième homélie pascale, « Sur la résurrection de notre Seigneur Jésus Christ » : « Devant ce spectacle, Pierre et ses compagnons ont cru, après avoir vu non pas simplement, mais avec un esprit assuré et apostolique. En effet, le tombeau était empli de lumière et, ainsi, alors qu’il faisait encore nuit, ils ont vu l’intérieur de deux manières, avec leurs yeux et avec l’esprit » (Grégoire de Nysse, Le Christ pascal, p. 87-88). Au VIIIème siècle, dans les chants liturgiques, Jean Damascène rapporte également le témoignage de Pierre voyant le tombeau illuminé. Chez les Latins, la première mention de la liturgie liée à l’illumination miraculeuse du tombeau du Christ revient à Bernard le Moine, dans le récit de sa Peregrinatio, composé en 867 : De hoc sepulcro non est necesse plura scribere, cum dicat Beda in historia sua inde sufficientiam. Hoc tamen dicendum est, quod sabbato sancto, quod est vigilia Pasche, mane officium incipiatur in hac ecclesia, et post peractum officium Kyrie eleison canitur, donec, veniente angelo, lumen in lampadibus accendatur, que pendent super predictum sepulcrum, de quo dat patriarcha episcopis et reliquo populo, ut illuminet sibi unusquisque in suis locis (Itinera hierosolymitana) : « Il n’est pas nécessaire d’en écrire davantage au sujet de ce sépulcre, car ce qu’en dit Bède dans son histoire est suffisant. Il convient cependant de dire que, le samedi saint, la veille de Pâques, au matin, l’office est entamé dans cette église et, après qu’il a été accompli, l’on chante le Kyrie eleison, l'ange descend et allume les lampes suspendues sur le Saint-Sépulcre. Le patriarche transfère ce Feu à l'évêque et enfin à tout le peuple, afin que chacun puisse allumer ce Feu chez soi. Le patriarche actuel s'appelle Théodose (863-879); il y fut appelé pour sa piété » (Itinerarium Bernardi, monachi franci, 867).
Or, en 1101, dans les premières années du royaume latin de Jérusalem, le miracle du feu sacré, miracle annoncé et attendu, ne survient pas et se fait attendre. De cet épisode il existe plusieurs narrations occidentales, dont trois émanant de mémorialistes de la première croisade, Foucher de Chartres, Bartolf de Nangis et Guibert de Nogent.
Retard de l’apparition du feu sacré au Saint-Sépulcre lors des célébrations pascales de 1101
Le récit de Foucher de Chartres (1058-1127), participant à la première croisade auprès d’Étienne, comte de Blois, puis chapelain de Baudouin Ier et enfin chanoine du Saint-Sépulcre, constitue la source principale.
Après avoir dressé le cadre de son récit – la basilique du Saint-Sépulcre, la veille de Pâques, emplie de la foule des fidèles et résonnant de leurs prières et des lectures et des chants des officiants – Foucher de Chartres décrit l’attente de la foule, parmi laquelle il dit se trouver : lumen almum alicubi in ecclesia iam accendi speravimus. sed cum sursum ac deorsum, hac et illac humillimo corde intueremur, quia nondum venerit, id vidimus expectantes sanctum ignem.
À l’espoir succède bientôt le désespoir des chrétiens, désespoir conduisant à une modification de l’attitude et de la parole, visant à expliquer l’absence du miracle d’une part et à provoquer son apparition d’autre part. Alternent le silence des uns, les prières, les cris, les gestes ou les larmes des autres, les explications, les déplacements processionnels, les conflits et les réconciliations, jusqu’à l’annonce de la descente du feu sacré, venu allumer les lampes du tombeau du Christ.
Car jusqu’à nos jours, les fidèles croient que la non-apparition du Feu sacré pourrait marquer le début de la fin des temps.
Vers la rupture entre chrétiens d’Orient et d’Occident
Deux groupes se distinguent alors, chrétiens d’Occident et chrétiens d’Orient, tantôt semblables dans l’affliction ou la joie, tantôt dissemblables dans les manifestations de celles-ci, le rôle et la place qui leur sont attribués, dans le corps du texte comme dans les différents espaces de la cité sainte.
Le récit de l’épisode de la descente du feu sacré en l’an 1101, en posant la question des raisons de l’absence du miracle, met en scène les relations entre Croisés conquérants venus d’Occident et chrétiens d’Orient ainsi que les modalités de l’articulation entre unité de l’Église et de la foi et diversité des nations chrétiennes, à un moment où l’Église romaine affirme de plus en plus sa prétention à l’universalité et développe des actions en vue de l’unification de la chrétienté sous son obédience, dans le prolongement de la réforme grégorienne.
Un demi-siècle plus tôt, le schisme de 1054 entre les Eglises d’Orient et d’Occident n’avait-il pas vu le cardinal Humbert de Moyenmoutier déposer sur le maître-autel de la basilique Sainte-Sophie à Constantinople une bulle excommuniant le patriarche Michel Ier Cérulaire et ses proches collaborateurs, excommunication qui fut suivie de celle du cardinal et de ses assistants par le patriarche ?
Mais c’est essentiellement le détournement en 1204 de la quatrième Croisade, le sac de Constantinople par les Croisés et la constitution de patriarcats latins sur le territoire des patriarcats grecs qui consommeront la rupture entre Orient et Occident, forçant bon nombre d’évêques orthodoxes à l’exil et soumettant durablement des populations orthodoxes au pouvoir des seigneurs francs et de l’Église catholique romaine.