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Patrimoine
Le dessinateur Marko et  l'historien Claude Labat : deux regards croisées sur la sorcellerie au Pays Basque
Le dessinateur Marko et  l'historien Claude Labat : deux regards croisées sur la sorcellerie au Pays Basque

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Le dessinateur Marko et l'historien Claude Labat : deux regards croisées sur la sorcellerie au Pays Basque

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Dessin Marko - Photo col musée Historique ©
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Le musée Historique de Biarritz accueille l'exposition "Sorcellerie, Manigances et Sarabandes  - 1605-1615, le Pays Basque entre dans les temps modernes". Une manifestation créée en lien avec le centre culturel d'Ospitalea d'Irissarry ainsi que la compagnie Maritzuli et ses costumes du XVIIème mettant  en avant la rencontre de l'ancien enseignant Claude Labat, auteur en 2014 du « Libre parcours dans la mythologie basque » et du dessinateur de bandes dessinées Marc Armspach, dit Marko, auteur des  albums « Les Godillots » sur la Grande Guerre, reflet de sa passion pour l’Histoire qu'il caricature avec un humour tragi-comique.

La première partie de l'exposition forme une grande frise chronologique du début du XVIIème siècle. La seconde partie qui se situe à la salle d’exposition de la commanderie d'Irissarry présentera le côté social et politique de la société basque.  Dans la troisième partie, le thème de la sorcellerie est analysé dans son contexte de l' imaginaire européen . 

Quelle est l'origine de la véritable histoire des sorcières basques que les historiens actuels oublient de raconter ? L'historien Alexandre de La Cerda qui en a analysé les faits réels, nous éclaire :

"Au début du XVIIème siècle, le Labourd subissait une terrible vague de procès en sorcellerie instruits par Pierre de Lancre, un conseiller au Parlement de Bordeaux d’origine basque. Ces événements ont durablement marqué la province, provoqué un début d’exode en Navarre également touchée et inspiré de grands peintres.

Dans une lettre datée du 17 janvier 1609, le roi Henri IV qui venait de nommer le conseiller au Parlement de Bordeaux Pierre de Lancre à la tête d’une commission chargée d’enquêter sur la sorcellerie au Labourd, « pays quasi infecté en tous endroits par un si grand nombre de sorciers et de sorcières », précisait que « les condamnations à mort des sorciers seront sans appel ».

Or, les célèbres procès en sorcellerie qui ont furieusement agité la province basque en débordant l’année suivante sur les villages navarrais voisins, particulièrement Zugarramurdi, pourraient être mis en relation avec la traite des fourrures que les Basques pratiquaient au Canada bien avant l’arrivée des Français et de Champlain, lesquels voulurent y imposer « leur » monopole d’un commerce si fructueux.

La proximité des dates et des protagonistes des deux affaires ne serait pas dus au seul hasard, même si l’un des éléments déclencheurs provenait des sanglantes rivalités entre luziens et ziburutar. Inimitié aussi vieille que la formation, par sa division d'Urrugne au XVIe siècle, de Ciboure que seule la Nivelle séparait de sa voisine Saint-Jean-de-Luz. Des rencontres sanglantes - attisées sans doute par la présence à Ciboure des cascarots, pour la plupart des nomades chassés d'Espagne par Philippe II - opposaient souvent les adversaires sur une île située entre les deux localités. Ces luttes atteignirent leur paroxysme au début du XVIIe siècle en débouchant sur des accusations mutuelles de sorcellerie des Basques, premiers « trappeurs ».

Or, quelques mois auparavant, les pêcheurs basques qui fréquentaient depuis des décennies les « terres neuves » et les rives du Saint-Laurent au Canada, s’adonnaient au commerce ou traite des fourrures grâce à leurs relations privilégiées avec les Amérindiens autochtones, lesquels avaient même adopté un certain nombre de mots et d’expression de l’euskara : par exemple, le terme orignal, désignant l’élan du Canada, proviendrait du basque !

C’est donc, bien résolus à défendre l’antériorité de leurs droits, que nos compatriotes accueillirent le protestant Pierre du Gua de Monts, chef d'expédition et principal bénéficiaire des monopoles de commerce. Une bataille navale tourna même au profit du navire basque commandé par Martin Darretche qui ne reconnaissait pas le privilège de la traite des fourrures attribué par Henri IV au sieur de Monts. Champlain, arrivé sur ces entrefaites, dut user de diplomatie avec les Basques pour ne pas compromettre son installation à Québec. Il attendit que l’affaire se règle en France, mais manqua d’être assassiné lors d’un complot ourdi par les marins basques…

Rendu furieux, Henri IV conseillé par le chancelier Brulart de Sillery, choisit ce moment pour charger Pierre de Lancre d’enquêter sur la sorcellerie au Labourd. On notera encore que, parmi les acteurs décisifs dans la création de ce tribunal itinérant, outre Brulart de Sillery - ami des Jésuites -, on trouve le confesseur du roi, le Père Cotton, qui avait pour priorité depuis 1606 l’installation des Jésuites au Canada…

De Lancre à Goya et La Peña
Le 2 juillet 1609 commença l’une des plus terribles chasses aux sorcières en Labourd et la commission présidée par Pierre de Lancre sévira jusqu’à l’automne, lorsque les marins basques, prévenus, rentrèrent précipitamment des « terres neuves » canadiennes.

Entre-temps, Lancre et ses enquêteurs auront « purgé le pays de tous les sorciers et sorcières sous l'emprise des démons » et fait la lumière, en particulier à Saint-Jean-de-Luz,  sur « les mœurs réputées libres des femmes de marins en l'absence de leurs maris, et sur les comportements des guérisseuses et cartomanciennes ».

Or, le pourfendeur des sorcières basques, bien que né à Bordeaux en 1553, était le fils d'Étienne de Rosteguy, conseiller du roi et seigneur de Lancre, issu d'une famille de marchands basques.
On peut citer le livre publié par Lancre en 1612 sous le titre de « Tableau de l’inconstance des mauvais anges et des démons, où il est amplement traité des sorciers et de la sorcellerie, est très utile et nécessaire non seulement aux juges, mais à tous ceux qui vivent sous les lois chrétiennes… ». Un siècle plus tard, dans les premières années de la création du Musée Basque à Bayonne, son directeur William Boissel fit appel au peintre José de La Peña afin d’y créer un véritable « cabinet de sorcellerie ». On peut espérer qu'un jour, l’équipe du musée rappellera ces terribles événements !

Offrant ainsi une autre interprétation de l'histoire, cette exposition, intéressante par ses dessins, a pour objectif de dépoussiérer une certaine vision de la sorcellerie au Pays Basque. Néanmoins, n'est-elle pas soutenue par la vision stéréotypée et universaliste de certains historiens actuels ?  

Du 24 juin au 17 septembre, exposition "Sorcellerie, Manigances et Sarabandes  - 1605-1615, le Pays Basque entre dans les temps modernes"  de Marko et Claude Labat, rue Broquedis à Biarritz. Tous les jours sauf dimanche, lundi et jours fériés, de 10h à 12h30 et de 14h à 18h30. Vernissage  samedi 24 juin 2023 Musée Historique de Biarritz à 11h.

Parallèlement en lien avec le musée Historique  VISITE DES QUARTIERS DE BIARRITZ 
par l’Historien d’Art Jean-Loup Ménochet / INSCRIPTIONS AU 05 59 24 86 28

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