En 2004, les descendants de l’architecte Albert Tournaire ont offert les archives de la Villa Arnaga au musée Edmond Rostand. Une occasion pour la conservatrice Béatrice Labat et son équipe d’organiser une exposition « Arnaga, une œuvre ciselée entre deux maîtres » permettant d’apporter une vision précise de la création de cette magnifique demeure, d’avant-garde pour l’époque. Disséminés dans toutes les pièces de la villa pour l'exposition, des centaines de plans, lettres manuscrites, croquis, factures, contrats d’entreprises, témoignent du parcours d’Edmond Rostand aidé d’Albert Tournaire, célèbre architecte recommandé par le père du poète pour lequel il avait édifié la Caisse d’Épargne de Marseille.
En 1902, Edmond Rostand, malade des bronches, décidait de quitter définitivement Paris pour s’installer avec sa famille dans la ville thermale, à la villa Etchegorria.
Le poète rêvait de s’y faire construire une somptueuse demeure. En hauteur, sur le plateau d’un éperon rocheux, il sélectionna le futur terrain sur plus de 15 hectares pour y faire construire une somptueuse villa « Arnaga », signifiant en basque au-dessus des rochers.
« Malgré notre situation élevée et l’admirable vue, je n’entends pas édifier ici l’une de ces imitations de châteaux du Moyen-âge à la Viollet-le-Duc qu’on a vu fleurir ailleurs !... Non, puisque j’ai choisi cette région, je crois sincèrement que ma demeure, même très grande et très confortable, doit rester dans le goût du pays ! » avait-il expliqué.
De ce songe fabuleux naîtra la première demeure néo-basque, une immense ferme inspirée du style labourdin avec un confort d’avant-garde à l’intérieur.
Sur une surface de 500 m² en forme de « L » à la toiture à deux pans dissymétriques aux avant-toits élargis, s’élèveront les grandes façades blanches habillées de volets et colombages en bois rouge. De l’aube au crépuscule, s’étendront de part et d’autre de la villa, le jardin à la française et celui à l’anglaise.
Edmond Rostand sera le précurseur du style néo-basque comme le confirme la lettre du 27 octobre 1903 adressée à son architecte Albert Tournaire :
« Vous savez que mon sentiment a toujours été d’avoir, comme baies, des porches très arrondis de cintre, très larges de base. […] Donc, je vous avise immédiatement, en vous renvoyant un dessin de façade sur lequel j’ai tracé au Comté l’effet que je veux exactement obtenir […], cet effet est on ne peut plus réussi, la maison semble plus solidement assise sur ces arches trapues. ». Il joignit à ces remarques des croquis qui éclaircissaient son propos.
Quelques années après la construction d’Arnaga, l’architecte Louis Godbarge expliquait : "L’un a dicté le beau programme du lettré fortuné et prodigue. L’autre se l’est assimilé prodigieusement et l’a traduit avec une virtuosité d’expression rompue à toutes les difficultés qui dénote le don artistique... Arnaga ! Arnaga ! Magnifique rêve réalisé, de poète, oui, mais œuvre façonnée, ciselée, par deux maîtres".
Il n'aura fallu que trois ans, de 1903 à 1906, pour que le rêve du poète se transforme en réalité par l’ingénieux architecte Albert Tournaire. Après avoir étudié les Beaux-Arts à Paris, celui-ci avait obtenu en 1888 le 1er Grand Prix de Rome. Architecte de la Ville de Paris, promu chevalier de la Légion d’Honneur en 1900, il fut nommé architecte du Palais de Justice de Paris au moment où il démarra le chantier d’Arnaga.
Aussi, Albert Tournaire s’adressa à l'architecte François-Joseph Cazalis pour le seconder durant ses absences.
Peu après la construction d'Arnaga, l'architecte basque construira en 1990 une "copie" d'Arnaga, la belle villa néobasque Saraleguinea métamorphosée en son intérieur telle un palais pour Jacques dit Hippolyte Lesca ; transformée aujourd'hui en musée à Guéthary.
Autre personne incontournable de l’échiquier : la poétesse Rosemonde Gérard commanda le décor architectural des pièces à des artistes et artisans renommés !
Cependant Edmond Rostand, en créant Arnaga, fut à lui seul le premier inspirateur et précurseur du style Néo-Basque.