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La "Saison de velours" : quand l’élégance automobile revient à Biarritz
La "Saison de velours" : quand l’élégance automobile revient à Biarritz

| Alexandre de La Cerda 1460 mots

La "Saison de velours" : quand l’élégance automobile revient à Biarritz

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Ma tante la Ctesse Sophie de La Cerda participait à l'organisation des concours d'élégance automobile avec son ami Fouquières ©
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André de Fouquières par Nadar ©
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Du 17 au 19 septembre, Biarritz va renouer avec la tradition des concours d’élégance automobile qui s’y déroulaient pendant les Années Folles et jusqu’en 1958.
Organisé par l’association Biarritz Classic Cars Road réunissant collectionneurs et spécialistes de véhicules anciens, il devrait réunir plus de 150 véhicules (dont 80 participeront aux concours avec remise des prix le samedi lors d’une soirée de gala au Palais), avec expositions et parades pendant les trois jours jours, galerie d'art automobile et village automobile club au Casino Municipal, des rallyes à travers le Pays Basque (départ de l'hippodrome des fleurs avec plus de 180 équipages), ainsi qu’un grand prix rétro 1930 au départ des remparts de Bayonne ; une exposition de véhicules exceptionnels et de motos centenaires à la Halle Iraty compléteront le programme.

L’occasion pour Baskulture de revenir sur les prestigieux concours d’élégance automobile qui avaient précédé cette nouvelle manifestation prévue à Biarritz en citant la conférence sur les « Années Folles à Biarritz » que j’avais donnée il y a six ans (à guichet fermé) au Salon Impérial de l’Hôtel du Palais :
- Les belles fêtes battaient leur plein, le Marquis d'Arcangues faisait jouer Ravel et Stravinsky sur son piano, organisait au casino le fameux bal « Pétrouchka », et André de Fouquières, l’arbitre des élégances, organisait à Biarritz avec le concours de ma tante Sophie de La Cerda les concours d’élégance automobile.

C'étaient des manifestations autant mondaines que populaires qui attiraient un public nombreux entre 1920 et 1939. Chaque année, au début du printemps, ces concours d’élégance se déroulaient à Hyères (en avril), à Cannes (en avril), à la Bagatelle (vers le 20 juin), au Bois de Boulogne (début juin), à Vichy (fin juin), à Deauville (fin juillet), au Touquet (début août), à Bordeaux, puis à Biarritz et à Monte Carlo. 
Ils étaient la plupart du temps présidés par André Becq de Fouquières, personnage incontournable de la vie mondaine de la Belle Epoque, né en 1874 et décédé en 1959, qui fonda au début du XXème siècle « l'Œillet Blanc », association dont le but était de constituer la garde d'honneur du Duc d'Orléans en exil à Bruxelles. 
Après deux échecs électoraux, de Fouquières renonça à la vie politique, mais continua de fréquenter les personnalités de l'Ancien Régime ainsi que les cours européennes. Il écrivit plusieurs pièces de théâtre et différents ouvrages de souvenirs. Vers la fin de sa vie, il fut élu « président des Parisiens de Paris », que bien plus tard, au début des années 70, ma chère tante Sophie, qui en était membre, me fit également fréquenter lors de mes études dans la capitale.

«  L’apothéose de la grâce et de la beauté alliée à la puissance »

Le jury des concours d’élégance avait la tâche extrêmement  délicate de classer et de primer les voitures et surtout leurs conductrices. Dans son livre « 50 ans de panache » paru chez Horay en 1952, André Becq de Fouquières nous livre des détails succulents sur ces épreuves qu’il décrit comme « l’apothéose de la grâce et de la beauté alliée à la puissance. 

Le concours d’élégance automobile est le triomphe de l’accessoire. Il y eut l’année des peaux de reptile gainant l’intérieur des carrosseries et l’extérieur des conductrices; celle de l’automatisme d’un bouton qui, à peine effleuré, vous jetait aux lèvres une cigarette toute allumée, ou au nez la houppette à poudre. Et je ne parle pas des mille raffinements qui apparentaient une conduite intérieure au boudoir de Proserpine ». Et de continuer : « Naturellement, robes et chapeaux, séduction personnelle des concurrentes, voudraient bien représenter un coefficient valable; de même que l'impeccabilité du chauffeur - un chauffeur de couleur de préférence - pour celles qui n'ont pas encore leur diplôme de l'université Versigny. Voici une blonde portant un ensemble vert amande, voici une brune, dans une robe gris perle zébrée d'argent, l'une discrète, l'autre provocante, l'une souriant à son bien-aimé, l'autre inquiète et espérant la belle aventure »

A Biarritz, le concours d’élégance automobile d’André Becq de Fouquières représentait le triomphe éblouissant de la psychologie féminine : « s’alliant aux riches coloris des voitures, les unes défilaient discrètes, à la manière des violettes de Parme, les autres, provocantes, à la façon des roses de Bengale ; les unes, souriantes et toutes attachées à leur bien-aimé, les autres, inquiètes et chercheuses de cœurs ardents !

Pour n'avoir pas, dans ses conséquences, la gravité du concours du Prix de Rome ou de l'admission à Polytechnique, un concours d'élégance automobile veut un jury indépendant, un jury qui sache résister aux recommandations, aux offres généreuses, aux penchants du cœur continuait Fouquières : « lors des multiples concours que j'ai présidés, j'ai reçu parfois des centaines de lettres sollicitant ma bienveillance…
Mais ce genre de compétition a pourtant un immense avantage: celui de renvoyer tout le monde à peu près satisfait. Le jury dispose d'une telle quantité de bannières (d'honneur, d'excellence, de première catégorie, de super-mérite), que chaque ensemble peut espérer sa récompense. La ligne, la race, la fantaisie, la légèreté, l'audace, le classicisme, la sagesse ou la folie figurent au palmarès. Et compte tenu de quelques sacrifiés nécessaires à la vraisemblance, il n'y a que des têtes de liste. »

Les jeunes femmes qui pilotaient ces somptueuses machines étaient le plus souvent des vedettes de la scène et de l'écran, des mannequins, quelquefois d'authentiques princesses ou encore les petites protégées de personnages influents. Ces ravissantes personnes n'étaient pas toujours des pilotes chevronnés et on en vit venir s'entraîner sur le terrain la veille du concours, afin de s'habituer à manœuvrer ces voitures énormes et peu maniables. Un seul accident, mais terrible de conséquences, est rapporté: l’épouse d'un diplomate venait d’apprendre la conduite la semaine précédente sur une petite 5 CV. 
Pendant le concours, au volant de la monstrueuse Hispano-Suiza, elle s'affola en vue de tant de cadrans, de tirettes et de leviers, confondit la pédale du frein et de l’accélérateur, partit en marche arrière, renversa plusieurs spectateurs et repartit en avant comme un boulet de canon, écrasant trois femmes contre un arbre! Il y avait beaucoup de petits incidents, tel moteur calé ou le petit chien refusant de descendre ou de rester en place une fois descendu, empêtrant sa maîtresse dans la laisse devant un jury amusé. 

La « Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque », relatait le 13 septembre 1929 :
« Le Concours d’élégance et le dîner à la Chambre d’Amour réunirent une assemblée nombreuse et brillante. On y vit de jolies femmes, de magnifiques voitures et la nuit, au bord de la mer, fut délicieuse.
On y croisait les Grands-Ducs russes en exil, Jean Borotra, le grand artiste russe Chaliapine, et plus de mille personnes ont assisté hier au défilé des voitures du concours. soixante-deux voitures, toutes de belle ligne, merveilleusement vernies et astiquées, classées en huit catégories. Et voilà le fait unique que l’on n’enregistre qu’à Biarritz ! Sur ces soixante-deux autos, cinquante-deux étaient des voitures du plus grand luxe, montées avec des carrosseries des plus grands maîtres carrossiers et d’une force variant entre 17 et 50 CV.
Fouquières accueillant chaque conductrice avec un mot charmeur, parfois doucement plaisant. Une jolie jeune femme demeure au fond de sa Rolls? Fouquières ne le tolérera pas. Il s'élance, ouvre la portière.
Les longues voitures luxueuses, racées se suivaient à se toucher et la file, aussi loin que regard pouvait s'étendre.
La catégorie des grands cabriolets ne présentait pas moins de vingt-sept voitures dont une vingtaine étaient des chefs-d'œuvre. Les plus belles voitures actuellement en France étaient rassemblée là. Comment choisir entre celle qui obtint le grand prix d'élégance à Paris, "l'Hispano" de Jean Borotra, grand prix d'élégance de Deauville, le grand prix d'élégance de La Baule, "l'Hispano" de M. Lucien Lelong, la "Chrysler" du duc de Tamamès...
De ces splendeurs d'acier, sortaient des merveilles de chair et de soie : Mme Lucien Lelong, , née princesse Nathalie Paley. Jean Borotra qui escorte ces dernières est naturellement salué par Fouquières en termes empanachés ».

Au cours des années trente, avec la suppression des châssis, victimes de l'évolution des techniques, la carrosserie sur mesure disparaissait, laissant la place aux modèles de série.

Et comment ne pas citer encore Ricardo Soriano y Scholtz, marquis d'Ivanrey, qui menait grande vie à Biarritz et dépensait toute sa fortune à mettre au point des inventions géniales : il construisit entre autres des voitures de course qui lui permirent de participer à de nombreuses compétitions en Europe. A l'un de ces véhicules dotés d'un splendide profil aérodynamique, il fixa même le moteur à l'arrière, faisant œuvre de précurseur à l’époque ! Il battra en 1934 le record mondial de vitesse (162 Km/h ) avec un "vélo-ski" de sa fabrication, produira des hors-bord dépassant 114 km par heure, des avions "Colibris" et lancera finalement une mini-moto, ancêtre des populaires Vespas…

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Années Folles à Chiberta : golf & belles voitures... ©
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« L’élégance automobile » de nos jours... ©
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