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Patrimoine
La saga des maîtres-verriers Mauméjean
La saga des maîtres-verriers Mauméjean

| Anne de Miller-La Cerda 892 mots

La saga des maîtres-verriers Mauméjean

St Michel par Mauméjean offert au  Musée Basque.JPG
Saint Michel par Mauméjean offert au Musée Basque ©
St Michel par Mauméjean offert au  Musée Basque.JPG
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Vitrail de la victoire de Las Navas de Tolosa (1212) à Roncevaux ©
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Dans notre lettre du vendredi 4 décembre, nous avions évoqué la villa « Les Escalettes » du Consul d’Espagne où trônait le grand vitrail sur le thème d'une chasse à courre sous la Renaissance signé par les frères Mauméjean. L’extraordinaire destin de cette saga familiale à l’envergure franco-hispanique fondera un empire industriel à l’enseigne d’un métier resté artisanal. Après vingt ans d’activités sur la Côte Basque et en France, leur passage en Espagne continuera sur son envolée.

Le patriarche
Né à Bayonne en 1837, Jules-Pierre Mauméjean, le patriarche, avait appris l’art de peindre avec son père et son grand-père, artisans faïenciers... Lequel avait quitté sa ville natale pour compléter sa formation aux Beaux-Arts de Bordeaux et de Paris. En 1860, c’est à Pau qu’il choisit de fonder son premier empire dont l’enseigne indiquait : « Manufacture de vitraux pour églises et oratoires. Fournitures pour enseignes et étendards. Peintures murales. Installation de stores pour appartement remplaçant avantageusement les persiennes ».

En 1868, Jules Pierre Mauméjean épousa Marie-Honorine Lalanne, fille d’un huissier local. Le couple aura six enfants, deux filles et quatre garçons. Joseph, Henri, Léon, et Charles, après de solides formations, travailleront dans divers ateliers de verriers, à Paris et à Nancy, puis dans la manufacture familiale qui prospéra. Ils développèrent un réseau commercial très efficace. Connu pour la qualité de son travail dans la France entière, Jules Mauméjean avait participé aux Expositions Universelles de 1878, 1889 et 1900.  
Au Pays Basque, il s'établit d’abord  au quartier Saint-Esprit à Bayonne. En hommage à cet illustre prédécesseur, l’actuel maître-verrier Gérald Franzetti qui travaille dans le même lieu que son prédécesseur, a fait rebaptiser son impasse du nom de Jules Mauméjean
En 1890 il s'installe à Anglet, puis à Biarritz.
 Finalement, il quitta la France pour l' Espagne où il bénéficiait de l’influente amitié du général José Ignacio de Echavarría y Castillo. Ce futur marquis de Fuentefiel,  très en vue, l’introduisit dans la société aisée madrilène. Après une brillante carrière, Jules Mauméjan s’éteignit à Saint Sébastien en 1909 et légua l'ensemble de ses ateliers à ses quatre fils.

Mauméjean & Frères, entre Côte Basque et Espagne
Pendant la guerre de 14-18, beaucoup de monuments et d’églises avaient été endommagés, le diocèse de Bayonne entreprit de les restaurer, voire de les reconstruire. L’église Saint-André, la cathédrale Sainte-Marie et le séminaire furent alors ornés par les œuvres sacrées de Mauméjean & Frères. Lors de la création du Musée Basque en 1922, les maîtres-verriers offrirent le vitrail « Saint-Michel terrassant le dragon » qui était à l'origine placé dans la chapelle attenante à l’ancienne maison Dagourette. Certaines boutiques luxueuses bayonnaises - à l’image de la célèbre Maison de chocolat Cazenave - leur commandèrent une verrière au plafond et un vitrail mural.

Sur la Côte Basque pendant les années trente, un élan de créativité animait les artistes. A Anglet, l’église Sainte-Marie fut érigée par l’architecte Pierre Fonterme (1932) dans un style néo-basque. A l’intérieur, le "Saint Pierre" signé des frères Mauméjean éclaire les deux cache-pots de Vincent Cazaux et le décor peint de Berthe Grimard .
A Biarritz, les maîtres verriers dessinèrent la verrière hagiographique figurant saint Jean-Baptiste à l’église Saint-Charles, ils habillèrent la nef d’un décor floral à l’église Sainte-Eugénie et représentèrent la croix du Saint Sépulcre à l’église russe.
Les plus belles villas s’entichèrent de leurs créations : « Mendichka » à Urrugne, merveilleuse demeure néo-basque surplombe  une vue à 360° sur océan et montagne. Bâtie en 1911, la demeure fut construite par Henri Godbarge. Son grand hall à l'anglaise sur deux étages, est ornée des verrières de Joseph Mauméjean. A Biarritz, mise à part la villa « les Escalettes » (remaniée en 1930), l’hispanisante villa "Barbarenia" (1926) loge deux vitraux dont un superbe plafonnier,
A Madrid, Barcelone et Saint-Sébastien, les frères fondèrent la SA. Maumejean Hermanos. Henri dit Henrique, « l’investisseur et gestionnaire », avait ouvert des bureaux aux allures d’usine moderne afin d’archiver les importants fonds documentaires sur l’art gothique et classique.
Joseph, dit José, établi à Saint-Sébastien puis à Hendaye, réalisa les deux vitraux de l’église Sainte-Anne reconstruite après la guerre.
C’était également Joseph qui réalisa le célèbre vitrail de la bataille de Las Navas de Tolosa (16 juillet 1212) pour la collégiale de Roncevaux décrivant le roi de Navarre Sanche VII « le Fort » et ses chevaliers. Ces victorieux chrétiens avaient vaincu les troupes du calife Almohade Muhammad an-Nasîr.
Aux côtés d’architectes contemporains, tel que  Gaudi, les frères Mauméjean, férus d’avant-garde, composèrent des vitraux Art nouveau et Modern style.

Entre ombre et lumière, l’atelier de San Sébastian se spécialisa dans la mosaïque technique (mosacristal). Une composition de verre et ciment signé de Joseph fut reprise par Charles dit Carl dans son atelier parisien. Une aventure créative que le dernier de la fratrie développa. Cependant en 1945, après la guerre, il fut confronté à de nombreuses difficultés matérielles. Esthète et théoricien, il s’orienta vers un horizon plus incertain. Criblé de dettes, il se suicida en 1957.

Pour aller plus loin dans vos lectures, le livre « La manufacture de vitrail et mosaïque d’Art, Mauméjean, Flambe ! Illumine ! Embrase ! » par Benoît Manauté, Edition publié en 2015 par les éditions Le Festin de 285 pages

Légendes :
1 La famille Mauméjean au tout début 1895 © collection famille Maumejean
2 Saint Michel don des Maumejean au musée Basque ©Gérald Franzetti
3 Bataille de Las Navas de Tolosa © collection famille Maumejean
4 Livre La manufacture de vitrail et mosaïque d’Art, Mauméjean, Flambe ! Illumine ! Embrase ! » par Benoît Manauté

livre sur les  Mauméjean.JPG
livre sur les Mauméjean.JPG ©
livre sur les  Mauméjean.JPG

Répondre à () :

AURNAGUE Jean -Christophe | 05/01/2021 19:48

Même aux alentours de Monaco ,nous pouvons admirer de merveilleuses verrières à l’église de Beausoleil de cette grande manufacture ,mais aussi l’atrium de l’opéra de Monte-Carlo la grande verrière de l’hermitage la verrière de la villa paloma dont on reconnaît bien cet élégant style . Mais lorsque j’habitais Bayonne c’est la belle étoile du vitrail de la villa Sirius qui éclairait le soir ma chambre d’étudiant ,signé la aussi Maumejan...une bonne étoile qui m’a porté chance !

HELMBOLD HENRI | 13/09/2021 11:22

bonjour, pour ma part j'ai toujours été admiratif du travail réalisé par cet atelier, il y a de nombreuses verrières dans les églises de la MANCHE, cet atelier a été précurseur dans l'apport de différents types de verre intégrant du verre antique avec de la dalle de verre, la recherche iconographique et chromatique est très souvent remarquable. j'ai déjà restauré plusieurs verrières de cet atelier souvent causé par un problème de ferronnerie ( fer en té ) mais la qualité technique est là et la résille de plomb est très souvent encore en parfait état. J'espère pouvoir en restaurer d'autres dans les années à venir, l'historique de cet atelier est aussi très riche.

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