Malgré des attaques qui se multiplient, tel cet épisode navrant qui s'est déroulé à Toulouse samedi, des décérébrés d'extrême-gauche et autres antifas ayant insulté et terrorisé des enfants et des bénévoles, des choristes, musiciens et autres animateurs festifs qui tenaient paisiblement une crèche vivante avec des animaux - âne et moutons - prêtés par une ferme solidaire de réinsertion de gens sans travail… Ou encore les actes de vandalisme visant la crèche installée près de la halle de Saint-Éloy-les-Mines (Auvergne), dont les personnages représentant Marie, Joseph et deux rois mages ont été décapités mercredi dernier ! Malgré tout ce déferlement de haine antichrétienne, notre Pays Basque, pour sa part, ne renonce pas à ces belles traditions de la Nativité qui continuent de donner du sens à des fêtes de fin d’année livrées souvent à un esprit de consommation effréné.
Ainsi, d’Urt à Biarritz, Saint-Jean-de-Luz et Saint-Sébastien, crèches, concerts et Olentzero connaissent un regain d’enthousiasme et d’imagination. Quand « on » laisse la liberté à l’initiative populaire et à l’infinie imagination de l’enfance, les vives couleurs et les riches senteurs de Noël au parfum de vin chaud explosent littéralement comme pour manifester encore les ressources de foi et d’énergie d’un peuple et de sa civilisation. Les crèches, les scintillants arbres de Noël et le charbonnier Olentzero qui fait sa tonitruante irruption depuis la montagne basque soufflent une puissante et fraîche bourrasque dans l’univers de plus en plus bridé d’un mondialisme « politiquement correct » aux prétentions syncrétistes (et ultra-commerciales). Un air tonique qui vient du fond des âges, lorsqu’au sein de la longue nuit hivernale, l'homme réchauffé au foyer rayonnant dans l'ardeur de la fête laissait éclater son allégresse et son espérance dans la victoire de la lumière sur les forces obscures et le triomphe des naissances qui perpétuent sa descendance et son environnement naturel. Et la chrétienté couronnera ces pulsations premières de la naissance du Sauveur. Dans un esprit semblable aux feux de la Saint Jean qui faisaient promener dans les champs de la campagne basque des brandons allumés, on brûlait dans le foyer la bûche de Noël ou « gabonzuzi ». Quant aux Gascons, ils allumaient aussi leurs « halhes de Nadau », points d’or qui illuminaient la grande nuit commençante, répondant aux étoiles de la voûte céleste.
Quelques traditions de Noël au Pays Basque
Dans le monde rural, certains rites liés à cette période de l’année, et même quelques superstitions ont perduré jusqu’à nos jours. L'Avent - cette période de jeûne (actuellement bien oubliée) qui précède Noël - était propice aux superstitions au Pays Basque où l'on se devait de nettoyer la maison et les écuries la veille de Noël. Ainsi, à Fontarabie, il y a encore quelques cinquante ans, au cours d’un de ces repas toujours très frugaux la veille de Noël, on avait coutume de jeter par la fenêtre tout le contenu de la maisonnée, comme pour prendre congé de l'année finissante.
La veille de Noël, on interdisait de filer et on devait semer de l'ail destiné à la médication domestique pour le récolter la veille de la Saint Jean.
On racontait même à Sare, avant-guerre, qu'une jeune fille ayant perdu la raison pour avoir été mordue par un chien enragé, avait été enfermée par sa famille dans une chambre où il y avait de l'ail semé la veille de Noël et récolté la veille de la Saint Jean : la malade en mangea, et bientôt fut totalement guérie. On disait encore que le charbon de la bûche de Noël guérissait tous les maux.
Les veillées autour des cheminées étaient ponctuées par des rondes : quelques jeunes représentant les Rois Mages et leur suite, dont l’un chevauchait un petit âne et son compagnon portait une lanterne simulant une étoile à cinq rayons, chantaient et quêtaient d’une maison à l’autre.
Outre-Bidassoa, c’est la tradition des « villancicos » (chants de Noël).
Et à Sare, les jeunes quêteurs revêtaient un pantalon blanc orné de bandes rouges ou bleues et de grelots une chemise blanche avec des rubans rouges pendant aux avant-bras, un mouchoir de soie rouge bordé de « korskoilak » (grelots) avec houppe rouge au centre. Parfois aussi, ils arboraient la « Carrossa » (blouse bleu obscur) avec un mouchoir « basque » autour du cou. Au son des tambours et des accordéons, ils arrivaient au seuil d’une maison et, souhaitant la bonne année, s’adressaient à l’etxekanderea : « Elégante maîtresse de maison, nous nous présentons à vous ; si l’argent manque, ces méchants garçons emporteront le lapin ! »
Une flamme bien vivante
Dans tout le Sud-Ouest, en cette nuit sacrée du 24 au 25 décembre, la flamme de chaque maison attestait ainsi sa pérennité, accompagnant chacune des générations qui vivaient sous son toit... et on connaît l'importance de l'Etxe en terre basque ou gasconne ! On assiste même à un regain de ces belles traditions, comme en réaction à l’étiolement, voire aux consignes d’abandon émanant de certaines strates « dirigeantes » : un peu partout des concerts de chorales ou d’orgue (voyez dans notre rubrique « Agenda ») enchantent la semaine précédant la Nativité et les expositions de crèches rivalisent d’originalité et d’habilité.
A Urt, l’Office de tourisme coordonne depuis quelques années un itinéraire parsemé d’une trentaine de crèches construites par les habitants, devant leur maison ou en bout de chemin. Certaines sont très grandes et rassemblent sur leur « plateau » jusqu’à 300 personnages. Habituellement, un plan dressé pour les visiteurs leur permet de découvrir selon un parcours fléché (de préférence le soir) ces œuvres d’art qu’une savante illumination embellit chaque année davantage. A Biarritz, c’est une idée de François Doyhamboure reprise par Robert Rabagny qui inspira pendant des années les habitants de la rue Bellevue (haut de l’avenue d’Etienne) qui réalisaient dans leurs cours ou maisons respectives des crèches visibles de l’extérieur. Mais aux Halles de la villégiature impériale, on se réjouira de la crèche « vivante », comme à Saint-Jean-de-Luz (Karrika Haundi/place du Collège) où on admire les jeunes bergers et rois mages en costumes traditionnels avec les animaux que les enfants peuvent caresser, alors qu’à Saint-Sébastien, la place de Guipuzkoa sert d’écrin à la grande exposition de crèches des associations « Belenistas » de la province.
Un air tonique et salutaire embrasse ainsi tout le Pays Basque en ravivant ces belles traditions, comme en réaction à l’étiolement, voire aux consignes d’abandon de nos racines les plus authentiques. Le pape Benoît XVI n’affirmait-il pas aux enfants de Rome venus faire bénir les personnages de leurs crèches : « il ne suffit pas de répéter un geste traditionnel, même s'il est important. Il faut chercher à vivre en fait tous les jours ce que la crèche représente, c'est-à-dire l'amour du Christ, son humilité, sa pauvreté. La crèche est une école de vie, où nous pouvons apprendre le secret de la véritable joie. Celle-ci ne consiste pas dans le fait d'avoir beaucoup de choses, mais dans le fait de se sentir aimés par le Seigneur, en se donnant pour les autres et en les aimant ».
De Saint Luc aux santons de Provence
Dans l'évangile de Saint-Luc, l'endroit où est déposé Jésus à sa naissance est désigné par « cripia », mot latin signifiant mangeoire et d'où provient le mot « crèche » qui s'apparentera à l'étable toute entière. Car, la tradition rapporte que la naissance du Sauveur eut lieu dans une grotte aménagée en étable comme il en existait beaucoup en Palestine à cette époque et où dès le IIIe siècle, les chrétiens vénérèrent une « crèche ». Si les jeux liturgiques de la Nativité prenaient dès le XIe siècle la forme de pastorale et inspiraient Saint François d'Assise pour représenter la toute première crèche avec l'âne, le bœuf et les moutons, c’est au XVIe que les crèches telles que nous les connaissons apparaissent dans les églises, les plus anciennes (celles de Prague) datant de 1562 alors qu’en Italie, elles comportent des statues colorées, parfois de taille humaine. Au fil des siècles, les crèches se répandent dans les fastueuses demeures aristocratiques, en particulier à Naples où leurs personnages faits d'étoupe armée de fil de fer puis revêtus de riches étoffes ont des visages en terre cuite peinte d’où ressortent des yeux de verre. En France également, constituées de petites figurines de verre, de porcelaine, de cire, de mie de pain ou de bois sculpté, elles entrent progressivement dans les maisons. Et l'interdiction faite par la Révolution de présenter en public des scènes religieuses favorise le développement de ces crèches domestiques ainsi que le commerce des petits personnages parmi lesquels bergers et bergères aux pommettes roses gardent leur costume du XVIIIe. Par la suite, s'inspirant de la vie locale, les artisans façonneront des personnages typiques de leur région ou village, à l’image de la crèche provençale où figurent des « santons » en costume des métiers des années 1820 à 1850.