« Judy » - Film américano-franco-britannique de Rupert Goold – 118’
Hollywood 1938. Un homme au physique imposant, Louis B. Mayer (Richard Cordery) patron de la plus importante firme cinématographique des États-Unis, la Métro Goldwyn Mayer (MGM), se penche vers une jeune fille, Judy Garland (Darci Shaw, jeune) pour lui faire comprendre qu’elle n’est rien, moins que rien. Judy (Renée Zellweger, adulte), de son vrai nom Frances Ethel Gumm n’a que 17 ans. Elle travaille, sans relâche, enchaîne film sur film depuis 3 ans pour les prestigieux studios de la MGM à Culver City (Los Angeles).
Petite (1,51m) sans grâce apparente, sauf lorsqu’elle chante ou danse, Judy que le « Mogul » Louis B. Mayer nomme « la petite bossue » vient de décrocher par défaut (Shirley Temple, Deanna Durbin étant indisponibles), le rôle de Dorothy dans le Magicien d’Oz (1939) de Victor Fleming. Ce film au succès mondial, aux couleurs éclatantes (procédé Technicolor), fera d’elle une star internationale. Mais cette jeune femme, mal dans sa peau, boulotte, toujours affamée, dont sa mère, mandatée par la MGM, surveille le poids, est malheureuse : on lui a volé son enfance. Soumise à des cadences de tournage infernales, Judy suivie par les médecins de son employeur, succombe aux coupe-faim pour maigrir, aux amphétamines pour rester éveillée, aux somnifères pour dormir…
Deux enfants naissent de son mariage (le 3ème en 1952) avec le producteur Sidney Luft (Rufus Sewell) : une fille Lorna (1952) et un garçon Joey (1955). Elle délaisse momentanément le cinéma. Elle donne des récitals aux États-Unis et en Angleterre. Sa mauvaise santé, aggravée par son alcoolisme, ses prises de médicaments, l’exclut de la société hollywoodienne. Après le triomphe du film « Une étoile est née » (1954) réalisé par George Cukor, produit par Sidney Luft, son mari, elle déserte les studios de cinéma au profit de tours de chant (triomphants) et d’apparitions dans des shows télévisés.
Elle court le cachet avec ses deux enfants, souvent à court d’argent. En 1968, ruinée, exclue, à la dérive, elle décide de s’exiler en Angleterre pour donner une série de concerts…
Judy retrace les six derniers mois de la vie mouvementée de Judy Garland à Londres. C’est une femme déterminée à la voix encore ensorcelante, mais fragile, soumise à ses démons : l’alcool, les médicaments. Encore jeune (47 ans), elle a été broyée par l’industrie hollywoodienne qui a exploité son immense talent de comédienne/chanteuse avant de la rejeter après qu’elle eut généré des millions de dollars de recettes. Elle ne sera pas la seule !
Le succès de Renée Zellweger dans le rôle de Judy Garland, adulte
Le deuxième long métrage de Rupert Goold (48 ans) est une adaptation par Tom Edge, de la comédie musicale « The End of Rainbow » de Peter Quilter. C’est le genre biopic tant prisé par le monde anglo-saxon, par ailleurs pourvoyeur de statuettes (Oscars et Golden Globes américain, Bafta britannique, etc.). Le metteur en scène, Rupert Goold, est surtout reconnu comme homme de théâtre (directeur associé de la célèbre Royal Shakespeare Compagny depuis 2010). Son ouvrage est appliqué, bien mis en image, mais manque un peu de « folie » compte tenu du sujet. Les meilleures scènes sont de courts flash-back qui décrivent le parcours difficile de Judy Garland, enfant star, dans l’industrie cinématographique hollywoodienne alors que c’est une artiste aux talents multiples.
Renée Zellweger, grimée, maquillée, métamorphosée avec force prothèses, imitant la gibbosité de Judy, aidée de sa petite taille, incarne la chanteuse à la dérive entre amant (bientôt ultime mari) alcool et barbituriques. Elle chante également, bien entendu sans égaler l’original, mais sans se ridiculiser. Elle surjoue constamment et « apprivoise » la caméra qui ne voit qu’elle. Bien entendu, c’est une bonne comédienne sa trilogie des Bridget Jones (2001/2016) en est la preuve. Mais ici, le réalisateur a lâché les rênes à son interprète.
Comme attendu, Renée Zellweger par sa composition forcée a raflé toutes les récompenses possibles concernant la meilleure actrice des deux côtes de l’océan : Golden Globes 2020, Screen Actors Guild Awards 2020, British Academy of Film and Télévision Arts 2020, Oscars 2020, etc.
Judy Garland, martyr féminin de l’industrie cinématographique américaine mérite, que l’on visionne le sage biopic de Rupert Goold, mais de surcroît que l’on regarde, en DVD, ses chefs- d’œuvres immortels : « Le Magicien d’Oz » (1939) déjà cité, « Le Chant du Missouri » (1944) et « Ziegfeld Follies » (1946) de Vincente Minnelli, « Une étoile est née » (1954) de George Cukor.