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Cinéma
La critique de Jean-Louis Requena
La critique de Jean-Louis Requena
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| Jean-Louis Requena 571 mots

La critique de Jean-Louis Requena

Rodin - Film français de Jacques Doillon – 119’
2017 est l’année du centième anniversaire de la mort d’Auguste Rodin (1840-1917). De nombreuses manifestations culturelles autour de ce géant de la sculpture mondiale sont en cours, comme la grande exposition du centenaire au Grand Palais à Paris. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Auguste Rodin, issu d’un milieu modeste, recalé à l’école des Beaux-Arts de Paris, dénigré par ses pairs, peu loquace en public, brusque en privé, n’est sorti de l’anonymat artistique qu’à l’âge respectable de quarante ans. En 1880, il reçoit une commande pour « les Portes de l’Enfer », et admet la même année, dans son atelier, une jeune assistante de 19 ans : Camille Claudel.
Le film de Jacques Doillon narre avec subtilité, grâce à des scènes en plans séquences qui se répondent, les dix années de la collaboration fructueuse, de plus en plus conflictuelle, entre Auguste Rodin et Camille Claudel devenue sa muse, sa maîtresse, son tourment, empêtré de surcroît dans ses frasques sexuelles avec les modèles qui peuplent ses ateliers. Il faut dire que le personnage est rugueux, tant avec sa compagne de toujours Rose Buret, qu’avec le fils unique qu’il a eu d’elle. Camille partie, une commande de la Société des Gens de Lettres lui est proposée pour ériger une statue de Balzac. Il s’acharnera sept ans sur le motif avant de trouver la forme adéquate, selon lui, qui sera rejetée par ses commanditaires, outrés par la proposition du sculpteur.
Auguste Rodin a été abondamment photographié, filmé dans ses ateliers à la fin de sa vie, il fallait donc se rapprocher visuellement du modèle. Jacques Doillon, après avoir abandonné le projet d’un documentaire sur cet immense personnage, a bifurqué vers un scénario fictionnel qu’il a rédigé sur la vie tumultueuse d’Auguste Rodin entre 1880 et 1890. Entre les deux œuvres importantes, « Les Portes de l’Enfer » et « Balzac », qui l’ont positionné définitivement comme artiste français complet (dessins, sculptures en haut relief, en ronde bosse, en divers matériaux).
Le genre cinématographique biopic (biographie filmée) est redoutable : dans la majorité, des propositions ratées. Il est quasiment impossible de narrer la vie d’un personnage illustre - ou pas - sans verser dans la simple illustration chronologique, mécanique, au demeurant mensongère : nos vies ne sont jamais aussi linéaires, prisonnières d’un système binaire de causes à effets comme le cinéma semble l’exiger. Ici, Jacques Doillon scénariste, a restreint son propos autour de quelques thèmes, illustrés en longs plans séquences, interrompus par de courtes scènes nerveuses. A noter, une splendide photo sombre, striée de lumière (clair/obscur) de son chef opérateur Christophe Beaucarne.
Encore fallait-il trouver les acteurs pour les rôles principaux. En Auguste Rodin, Vincent Lindon démontre, s’il en était besoin, son immense talent de comédien. Sa métamorphose en barbu hirsute et blouse de travail maculée est imposante. Izïa Higelin, Camille Claudel déterminée, sûre de son talent, rend la réplique à Vincent Lindon. Les quelques apparitions de la compagne d’Auguste Rodin, Rose Beuret, incarnée, si l’on peut dire, par une actrice rare, Séverine Caneele, non professionnelle au physique imposant, pendant féminin de son grand homme, sont d’une surprenante véracité.
Un seul bémol à ce très bon film : la mauvaise qualité du son direct qui semble être le point faible de nombreux films français comme l’a souligné à maintes reprises Michel Ciment (directeur de la revue Positif), « Pape » des cinéphiles !
Jean-Louis Requena

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