Depuis 2000 ans, le Jésus historique inspire la recherche des universités. Ces deux dernières années, voici quelques titres : Jésus des historiens. Entre vérité et légende - PUF - Pierluigi Piovarelli, La quête du Christ historique d'Anthony Giambrone - Les Belles Lettres -, La vie de Jésus du vaticaniste Andrea Tornielli , Le Fils de Dieu - au Cerf - réédité, par Etienne Nodet, en sont la preuve.
Des sociétés, telles la Sté des Etudes du Nouveau Testament à Cambridge, Le réseau de recherche en analyse narrative des textes bibliques - Rrenab -, pour les francophones, Louvain, ou la Sté de littérature biblique américaine réunissent des milliers de biblistes du monde. Chrétiens et musulmans reconnaissent le fils de Dieu pour les premiers, le prophète divin en Jésus qui reviendra à la fin des temps, pour les seconds.
De son lieu de naissance à Bethléem ou Nazareth, les avis divergent, mais Jésus est et demeure le grand spirituel cité de tous les temps.
De tradition orale puis donnée par les Actes des Apôtres et puis les Evangiles, la biographie de Jésus intéresse les premiers chrétiens davantage que la recherche des éléments objectifs de véracité du monde moderne. Daniel Marguerat, auteur de Vie et destin de Jésus de Nazareth - Seuil -, rappelle que les détails de sa vie fourmillent dans ces témoignages en faveur de l'homme Jésus et non de quelque mythe à son sujet.
Evangiles canoniques - les quatre cités et reconnus par la tradition - remplaceront les apocryphes abandonnés au fil des premiers siècles mais revus en France par Voltaire, et l'Encyclopédie mais encore au XXème siècle par le travail archéologique et philologique sur le terrain réalisé par les chercheurs de Jérusalem.
Jésus fait l'objet de récit de la part de l'historien Flavius Josèphe, les auteurs Tacite et Suétone, le philosophe syriaque Mara bar Serapion qui le commentent comme "un sage", condamné par l'autorité romaine comme une menace pour leur pouvoir !
La littérature juive talmudique le mentionne comme sujet juif turbulent, dérangeant, aux relations décalées en langage moderne mais reconnaissable par sa singularité. Mythe ou réalité, la question est posée par certains auteurs selon la thèse adoptée. Jésus a-t-il existé, se demande l'américain Robert M Price, ou est-il une réincarnation du prophète Elisée dans la bible ?
A la chaire Origines du christianisme à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes à Paris, le directeur poursuit "qu'il est plus difficile d'affirmer que Jésus n'ait pu exister par les indices dont on dispose, que de prouver le contraire".
Le théologien allemand Albert Schweitzer distingue trois temps consacrés à la recherche historique à propos de Jésus. La première au XVIIème siècle, la seconde dans les années 50 et la troisième dans les plus récentes années 80. Un libre penseur irlandais, J Toland, et un Allemand, Hermann S. Reimarus, appartiennent à la première époque : Jésus serait un personnage romantique déçu de son vivant mais reconnu comme un moraliste investi d'éthique à la façon d'un militant contemporain de la morale sociale.
La version plus contemporaine renoncera au Jésus historique pour tracer un profil "authentique" de Jésus selon la voie d'Albert Schweitzer. Mais en 1947, les découvertes de Qumran des rouleaux de la loi hébraïque trouvés dans des grottes vont changer la lecture conventionnelle de Jésus à qui on va désormais attribuer des ressources juives et théologiques enracinées dans la foi d'Israël.
Désormais, il semble difficile de ne pas reconnaître la judéité de Jésus selon les exégètes comme pharisien, essénien ou adepte de la mystique de la "merkava", un courant où se mêlent des textes anciens bibliques et parfois évangéliques.
Et d'affirmer que Jésus parlait les langues contemporaines de son temps. Latin, grec, hébreu, araméen ? Loin des hagiographes simplifiés, Jésus ouvre des horizons inattendus de la pensée et de la foi.
L'Ecole archéologique et biblique française de Jérusalem est citée comme référence des recherches modernes sur l'origine revisitée de Jésus, le rôle tenu par les femmes de l'entourage de Jésus, les premières témoins de sa résurrection peu ou prou évoquée par la suite.
Jésus, Jules César ou Vercingétorix, contemporains quelque peu du temps passé, ne font pas l'objet du même intérêt religieux dans ce cas. Documentés pour les uns, plus dépouillés pour d'autres, les figures de Jésus éprouvent la quête de vérité du sujet depuis deux mille ans.
D'autres chercheurs s'interrogent sur le rapport possible pour eux, d'un point de vue historique, entre Jésus et Mahomet pour les musulmans. Les conclusions d'une étude publiée en 2008 ouvrent un horizon nouveau de la place occupée dans le monde par ces deux prophètes de référence dont le rapport semble poursuivre la voie tracée par A Schweitzer du Jésus historique tout au long des trois derniers siècles, conjoignant les rapports des chrétiens entre eux dans ces études menées par les catholiques, les protestants, les évangéliques américains engagés dans ces recherches archéologiques délaissées. cf/ Régis Burnet. Nonobstant le fait que l'objet de ces recherches concerne les trois traditions monothéistes, juive, chrétienne, musulmane soucieuses de les confronter entre elles sur les prophètes, les fondateurs des traditions religieuses et cultuelles.
Et de reprendre en conclusion ouverte ces propos du dominicain de l'Ecole Biblique et archéologique française de Jérusalem EBAF "aucun document cité ne prouvera jamais que Dieu n'existe pas, ni que Jésus n'est pas ressuscité. Tout historien a des préjugés, le risque survient quand il affirme le contraire. Ce constat vaut aussi pour le rationaliste pur et dur, qui prétend constituer l'histoire avec exactitude, pour le croyant qui refuse d'admettre que l'on puisse interroger les sources chrétiennes de manière critique" ! Thème sensible d'aujourd'hui, le droit pris d'interpréter l'islam par la rationalité juive et chrétienne, la pensée chrétienne par la rationalité musulmane ?
"L'histoire et la théologie doivent se nourrir l'une de l'autre et doivent nous aider à comprendre le contexte dans lequel Jésus a évolué, les langues qu'il parlait, mais aussi à décrypter les constructions littéraires des sources écrites qui conservent sa trace" ! Place à l'intelligence et point d'a-priori sur ces sujets.