Jeanne Bécu est né roturière, en 1743, à Vaucouleurs. Après un passage dans un couvent délétère, puis par nombre de protecteurs influents et cultivés, devenue adulte, d’une grande beauté, elle devient une personnalité remarquée dans le demi-monde parisien. Elle y rencontre le comte Barry-Cérès dont elle devient, entre autres, la maîtresse. Ce dernier œuvre à lui faire rencontrer le roi Louis XV (1710/1774), afin d’en tirer quelques avantages pécuniaires.
La rencontre a lieu lors de la traversée de la galerie des glaces par le roi. Celui-ci ébloui par son allure souhaite la rencontrer. Le comte Barry-Cérès étant lui-même déjà marié, lui fait épouser son frère, le comte Guillaume du Barry, afin de conforter l’accès de sa protégée au souverain.
A force d’intrigues et jouet des rivalités qui opposent ses amis, le duc d’Aiguillon, le maréchal de Richelieu au duc de Choiseul (1719/1785), alors tout puissant, principal ministre d’Etat, elle finit par rencontrer le monarque en public, devant la cour réunie, en 1768. Le roi est âgé de 58 ans, du Barry de 25 ans.
Louis XV surnommé de « Bien Aimé » au début de son règne, est un homme vieillissant, timide, secret, peu disert, aux décisions incongrues ; il règne depuis 53 ans (1715) depuis sa plus tendre enfance, dès l’âge de 5 ans (Il est l’arrière-petit-fils du « Roi Soleil » mort en 1715).
Jeanne du Barry entre dans le lit du roi où elle développe l’étendue de ses connaissances érotiques. Elle succède, dans ce statut privilège, à madame de Pompadour (1721/1764) à la réputation exécrable, peu amène pour « la bagatelle ».
A l’encontre de Madame de Pompadour, Jeanne du Barry se mêle peu des affaires de l’Etat, quoique poussée par ses amis aristocrates à fomenter des intrigues de cour. Le microcosme versaillais - pour une part hostile à « la créature » - la rejette, en particulier les quatre filles du roi : Adelaïde de France, Victoire de France, Louise de France, Sophie de France.
A l’arrivée à la cour versaillaise en 1770, de Marie Antoinette de Habsbourg-Lorraine (1755/1793), future reine, elles intrigueront pour que celle-ci soit dans leur camp. Le dauphin, future époux de la jeune autrichienne et prochain roi sous le nom de Louis XVI (1754/1793), est partagé entre l’acceptation et le rejet de la favorite.
La Comtesse du Barry, cultivée, lisant de nombreux ouvrages, est attirée par « Les Lumières » faisceaux de pensées philosophiques irradiant la société française et européenne : Diderot (1713/1784) publie en 1746 le premier tome de L’Encyclopédie, Voltaire (1694/1778) Le Siècle de Louis XIV en 1748, Montesquieu (1689/1755) L’Esprit de Lois en 1748, etc. Par ses écrits, « la pensée française » des philosophes essaime en Europe toute entière.
La « royauté de droit divin » exercée par un « roi très chrétien » est mise en cause. Louis XV impassible, neurasthénique, sourd à ces idées nouvelles, tombe gravement malade et meurt en 1774. Terrifié par l’au-delà (l’enfer) il demande agonisant à sa favorite de s’éloigner de la cour. La comtesse du Barry s’exile à 31 ans au château de Louveciennes, cadeau du roi, où elle mène grand train couverte de bijoux.
Elle est oubliée, lorsque qu’après le déclenchement de la Révolution Française en 1789, elle est accusée par le « Comité de Salut Public » dominé par les « Montagnards », d’intelligence avec le parti de la contre-révolution (la réaction nobiliaire). Emprisonnée, rapidement jugée au cours d’un procès expéditif, elle est guillotinée le 8 décembre 1793, place de la Révolution.
Jeanne du Barry est le sixième long métrage de la réalisatrice, scénariste, actrice et productrice franco-algérienne Maïwenn Aurélia Nedjma Le Besco (47 ans), plus connue sous le mononyme de Maïween. Son dernier opus retrace, à grand trait, en moins de deux heures (116’), la vie tourmentée de la Comtesse du Barry.
Maïween, dans son processus d’identification (habituel ?), y joue le rôle-titre avec une approche du personnage historique désinvolte, sans grâce, lequel contraste avec ceux de ses partenaires, tous excellents dans leurs emplois.
Le scénario étriqué, multiplie les scènes où elle apparaît, ne donnant pas d’épaisseur, d’espace, aux personnages historiques. Hormis le roi (Johnny Depp, avec une pointe d’accent américain !), tous sont sacrifiés alors qu’ils ont eu une importance capitale dans le parcours de l’ascension à l’acmé de la favorite avant le décès du roi : le Duc de Richelieu (Pierre Richard), Le Comte du Barry (Melvil Poupaud), le Duc D’aiguillon (Pascal Greggory).
Seul, le personnage, fictif, de La Borde (Benjamin Lavernhe) premier domestique auprès du roi et « fil rouge » de la narration, est développé habilement. Le comédien sociétaire de la Comédie Française y montre toute la palette de son talent. Paradoxe : Il forme avec Louis XV, natif de l’Ohio (États-Unis), un tandem étonnant de justesse, de complicité, à défaut de véracité.
A l’évidence, Maïwenn a vu et revu le chef-d’œuvre de Stanley Kubrick (1928/1999) : Barry Lyndon (1975). Cependant, ce dernier, outre ses qualités visuelles sidérantes (les scènes nocturnes éclairées avec des bougies, les plans directement inspirés de la peintures anglaise du XVIIIème siècle) possède un récit structuré (ascension, apogée, déclin) sur une durée de trois heures agrémentées de musiques baroques et classiques, et d’un précieux récitant (voix off) dont les interventions accélèrent le lent déroulé du récit.
Une parfaite combinaison entre l’image et le son, rarement égalée. Sa deuxième influence a été Marie Antoinette (2006) de Sofia Coppola (1971) qui dresse un portrait « Pop » de la Reine à Versailles. La réalisatrice américaine libérée de tout réalisme historique quotidien, mais assume la trame de ce dernier jusqu’à la chute de « l’Autrichienne », simple pion dans la géopolitique européenne (Bourbon/Habsbourg), sur fond de musique Rock en Roll, coincée entre une cour versaillaise toxique et un peuple frondeur.
La réalisatrice franco-algérienne a choisi de positionner son film entre ses deux illustres prédécesseurs.
Après tant d’années, Maïwenn ne peut se séparer de la femme complexée, insécure, parfois agressive qu’elle demeure, d’où son goût, paradoxal, pour l’exposition : dans tous ses longs métrages hormis Mon Roi (2015), ou elle a cédé la place à Emmanuelle Bercot (Prix d’interprétation au Festival de Cannes 2015), elle est autocentrée, narcissique ; il est regrettable que son talent (réel) ne puisse se développer sans qu’elle l’entrave. Mais c’est ainsi !
Toutefois, malgré nos réserves, Jeanne du Barry reste un long métrage agréable à visionner grâce au magnifique travail du directeur de la photo, Laurent Dailland (écran large, tournage en pellicule 35 mmm !), des décors réels (le Château de Versailles, accessible le lundi, jour de fermeture !), et la qualité (française) des décors de studio. Les historiens, les vrais, pas les vulgarisateurs abonnés au petit écran (Secret d’histoire, L’Ombre d’un doute, etc.), grimaceront quelque peu devant les désinvoltures et approximations historiques, mais peut-être se rallieront-ils au mot : l’histoire peut être violée à la condition de faire de beaux enfants !