1 -1920-2020, Jeanne d’Arc
Nos maîtresses d’école savouraient le récit et la vie de Jeanne la Pucelle de Domrémy, c’était au sortir de la guerre, correspondant pour leurs chérubins aux années de scolarité 50-60.
Nous étions à l’école publique du village et le prestige de Jeanne était reconnu et par le curé de la paroisse et par notre maîtresse comme “la figure idoine du sens commun de la vie partagée du patriotisme national.”
En période de menace sur la nation, la concorde rapprochait les différences de ton, d’adhésion et d’opinion de chacun.
Le procès de la Pucelle en l’an 1431 est encore enseigné dans les manuels d’histoire. Et comme relaté dans les annales du procès “Puis vint cette voix, environ à l’heure de midi, au temps de l’été, dans le jardin de mon père, devant ses juges”.
Le décor de Domrémy dans les Vosges n’a guère changé. Six siècles plus tard, la maison natale tient encore debout pour les visiteurs-pèlerins du site - dont le paysage serait authentiquement préservé - qui viennent saluer la patriote pour les uns, la sainte pour d’autres, et la « femme libérée » pour certains, encore…
Un village de cent âmes aujourd’hui moins cité que les villes où Jeanne poursuit sa chevauchée, Reims, Rouen et Orléans.
A chaque 8 mai, les milliers de visiteurs se ruent pour célébrer la libération de la ville par Jeanne en 1429. Sauf en cette année 2020 où le confinement n’a permis aux pélerins de s’y rendre comme tous les ans.
Jeanne d’Arc éblouit l’imaginaire de l’Europe. S’il est un sujet franco européen, que d’aucuns voudraient priver de ce double visage, Jeanne a nourri les mythes et légendes, faisant d’elle une bergère fantoche, sinon comme les filles de son temps, une couturière, tissant les fils de son ouvrage.
On lui prêta d’être encore la fille cachée de Charles VI ou de quelque aristocrate non déclaré. On préférait la figure biblique de Déborah directement inspirée de la fin du Moyen Age provenant des figures de femmes combattantes de la bible.
Elle est à la fois le tout et le différent revêtant une dimension supérieure, mettant en pratique la guerre juste selon la philosophie chrétienne de son temps, proposant la paix aux Anglais, et négociant une guerre juste pour acquérir une paix durable. Le respect des lois de la guerre au bénéfice des blessés et des prisonniers, en soutenant le moral des troupes comme ce pourrait être la loi lors de tous les champs de bataille en l’état.
Cette femme soldat, ce soldat-femme bénéficie d’une renommée européenne, de la Castille à l’Italie jusqu’au pays rhénan en Allemagne. « Elle constitua une figure européenne longtemps avant de devenir l’héroine française », dit l’historien Gerd Krumeich, de l’Université de Dusseldorf dans son livre, Jeanne d’arc à travers l’histoire, réédité en 2017 chez Belin, préfacé par Pierre Nora.
Il faudra attendre 1578 pour nommer Domrémy - la pucelle. Elle fascine les romantiques allemands au XIXème siècle qui rendent à la française – de Gaule la faveur la plus noble de l’histoire de l’Europe.
Dès 1801, des dizaines de représentations de la pièce écrite par Friedrich von Schiller, la « Pucelle d’Orléans », furent données en en France, jusqu’au milieu du XIXème siècle. On rapporte encore la traduction de Jeanne d’arc de l’historien Guido Görres en 1834 qui eut encore un immense succès en Allemagne : “Jeanne fait figure de voie ouverte vers le protestantisme au féminin de la tradition chrétienne germanique, d’un rapport direct entre Dieu et la croyant, sans l’entremise cléricale d’un corps accrédité, dira l’historien de la sainte.”
La figure de l’historien Michelet dans son Histoire de France achevée en 1867 illustre le portrait d’une jeune femme inhabituelle du peuple se soulevant contre les hiérarques de son temps, “ Souvenons nous toujours français que la patrie, chez nous est née du coeur d’une femme, de sa tendresse, de ses larmes, du sang qu’elle a donné pour nous”..
Paradoxe du temps passé, ce visage "populaire" et glorieux de Jeanne fit florès au sein des partis les moins religieux de France, accentué par la condamnation à mort de la sainte par l’évêque Cauchon, servant d’opportunité pour emboîter le pas de l’anticléricalisme à l’adresse des croyants de l’époque.
L’historien ajouta ce fait historique savoureux de cette époque, en 1904, Jean Jaurès se battant en duel contre le nationaliste Paul Déroulède qui l’accusait de ne pas rendre honneur à Jeanne la française patriote.
Du savoureux au détour d’un passé aux accents contemporains connotés de patriotes !
2 – Jeanne pour l’Eglise et la république française
Le rapport de l’église avec la mémoire de Jeanne fut difficile.
Le Cardinal de Richelieu avait plaidé auprès de Rome un procès de béatification après l’annulation du procès de Rouen dès 1456.
Mais le temps long prenait le pas. Les récits connus du procès bouleversaient les catholiques qui la considéraient comme une sainte non reconnue.
Mgr Dupanloup l’évêque d’Orléans lança le processus de canonisation dès 1869 et inspira le projet d’un sanctuaire au Bois Chenu non loin de Domrémy, où existait déjà au XVII ème siècle une chapelle à Notre Dame de la Pucelle.
Voltaire produisant des poèmes peu disposés en faveur de la pucelle éveilla la réaction catholique pour ériger entre 1881 et 1925, l’Eglise Nationale Jeanne d’Arc reconnue comme
Basilique en 1938.
Jeanne d’Arc est canonisée en 1920 et commémorée le 30 mai date de sa mort.
L’année de sa canonisation le Parlement français institua la Fête nationale de Jeanne d’Arc et du Patriotisme, le second dimanche de mai passé.
Il faut dire que pour l’église et la république les figures nationales et patriotes célébrées conjointement sont rares et pour le cas exceptionnelles.
Jeanne est inclassable selon les canons politiques de l’histoire de france.
Dans le passé récent du XX ème siècle la figure de Jeanne qui protège les Français face à l’invasion fut la plus propice à sa mémoire consensuelle.
Sa citation mémorielle est de toutes les familles de pensée, des plus nationalistes aux inter- nationalistes, son nom est celui d’un esprit libre, patriote, et d’un temps différent du nôtre.
Si les partis de gauche traditionnels ont abandonné de la mentionner dans leur dates référencées il n’en sera pas du Rassemblement National fidèle aux Ligues du XX ème siècle qui cherchent à célébrer avec les plus attachés, cet anniversaire tous les ans.
Alain le poète bien français dans ses veines spirituelles eut cette mention concernant Jeanne, “il vaut mieux que Jeanne nous divise, c’est la discussion autour de la signification de ses gestes qui l’a tenue vivante”.
Le grand miracle de Jeanne garde toujours le secret de sa juste mesure, du jamais vu qui ne s’explique pas...
3 – Jeanne, anticonformiste.
Les dialogues lors de son procès sur la nature de son espérance demeurent troublants.
“Croyez-vous être en état de grâce lui demande son accusateur, et sa réponse demeure éblouissante : Si je n’y suis, Dieu m’y mette, Si j’y suis, dieu m’y garde” !
La pandémie a retardé d’un an les célébrations du centenaire prévu de longue date au Bois Chenu.
Le temps donnera tout le loisir de concevoir un programme inévitablement pensé dans un rapport à la pandémie et ses conséquences sur la population en europe et dans le monde.
Rendant la figure de Jeanne plus providentielle encore que possible, pour tant de nous tous qui chercherons en cette femme habitée de l’esprit divin, des forces invisibles pour rebâtir des bases solides de fraternité spirituelle avec les humains. Quand elles sont bafouées de la sorte par la mort qui pétrifie l’espérance, et le doute qui la rend perceptible par des êtres supérieurs comme Jeanne la Pucelle la française, mystique universelle pour tous les temps.
NDLR : Le film de la Passion de sainte Jeanne d'Arc et sa bande annonce :
https://youtu.be/fCYB7MLKh0M
- à noter que l'évêque de Bayonne, Mgr Aillet, figure parmi les intervenants
https://www.eukmamie.org/fr/television/sainte-jeanne
Mais attention, il n'est disponible au bout de ce lien que jusqu'au 30 mai !
Légende : La « Jeanne » du sculpteur Real del Sarte à Bayonne