C'est avec une immense tristesse que j'avais appris par mon amie Véronique de Certaines le décès samedi dernier - à l'âge de 90 ans - de son père Pierre Bouyssou, mon cher et estimé collègue de l'Académie des Jeux Floraux que j'avais eu encore la joie de revoir et de converser avec lui lors de son séjour en Basse-Navarre il y a deux ans.
Cet éminent juriste, très apprécié de ses collègues avocats, était également passionné d'histoire, en particulier pour Montgey dont son arrière-grand-père fut le maire, et pour le château de cette localité du Lauragais où « gamin, il venait jouer dans le parc » de cette forteresse médiévale bâtie sur l'emplacement d'un temple jupitérien sous les Romains et, pour lui, « l’endroit où les contes de Perrault prenaient vie ».
L'ayant acquis en 1971, il entreprit, avec l'aide de Sophie, son épouse d'origine basque, de restaurer et de rendre habitable ce château qui vit les guerres cathares, en particulier lors de la croisade des Albigeois, et au pied duquel s'était déroulée en avril 1211 la bataille de Montgey qui vit la victoire du comte Raymond-Roger de Foix et de Jourdain de Roquefort, le propriétaire de Montgey, sur une armée de croisés comprenant une majorité d'Allemands et de Frisons...
Toute cette très riche histoire, Pierre Bouyssou l'avait relatée au fil d'ouvrages historiques et de nombreux et passionnants articles.
Quant à Sophie Bouyssou, à propos d'un de mes articles de souvenirs sur Paul Dutournier, elle se souvenait avec émotion d'avoir souvent vu le maire de Sare chez ses parents quand ils habitaient la "Sarako errepublika"...
Et elle le seconda efficacement pour le Festival Bach dont la présidence lui avait été transmise par le P. Emile Martin de l'Oratoire, également directeur des Chanteurs de Saint-Eustache (un point de rapprochement supplémentaire avec l'auteur de ces lignes, formé par les Oratoriens à l'Ecole Massillon !).
Par ailleurs, en sa qualité d’avocat, Pierre Bouyssou fut le soutien affirmé du 8ème RPIMa, jusqu’aux prétoires si besoin ; et il compta parmi les derniers mainteneurs de l’École royale militaire de Sorèze. Rien d'étonnant donc que lui fût attribuée en 2016 la Légion d'Honneur (il était également commandeur des Arts et des lettres, et chevalier de l'Étoile polaire de Suède, titulaire de la Croix du Combattant et des médailles d'Afrique du Nord et de la guerre d'Algérie).
Lorsqu'en 2003 Pierre Bouyssou avait été élu mainteneur à l'Académie des Jeux Floraux, il avait souligné son "goût presque charnel pour les livres" qui lui avait fait connaître Jean Mistler, particulièrement attaché au Languedoc natal du nouvel académicien, alors que le grand-père de l'écrivain avait été procureur à Castelnaudary... Dans sa réponse à Pierre Bouyssou, l'académicien Pierre de Viguerie confirma l'attrait pour la littérature du nouvel élu, en particulier la prose poétique de Charles Maurras et "l'admirable incantation" qu'il lui avait citée des "Quatre nuits de Provence" (un aspect supplémentaire de l'amitié de l'auteur de cet article avec Pierre Bouyssou) :
« La journée va finir sans flammes. J'ai prié qu'on n'allumât point. Que le soir monte avec ses fumées incertaines. Le détail, l'accident, l'inutile y seront noyés. Il me restera l'essentiel. Ai-je rien demandé d'autre à la vie ? »
Et Pierre de Viguerie concluait :
« Votre vie, Monsieur, réunit la construction d’un foyer heureux. La réussite professionnelle, la fidélité aux amis, l’hospitalité la plus généreuse et le mécénat. Ce sont là des œuvres qui ne sont pas toujours ensemble.
Existe-t-il beaucoup d’hommes tels que vous ? Je ne le crois pas.
Pour ma part, je n’en ai connu qu’un tout petit nombre. Une telle harmonie est rare. Elle était plus fréquente dans les temps anciens.
Mais aujourd’hui, ni la société égalitaire où nous sommes, ni l’Etat niveleur qui nous commande, ne la favorisent. On peut même dire que cette société et cet Etat travaillent à décourager ceux qui tentent de la réaliser.
Votre réussite, Monsieur, doit être d’autant plus remarquable que vous ne la devez qu’à vous-même, et que vous l’avez accomplie dans un siècle dur à ceux qui ne sont pas médiocres ».
R.I.P. Goian bego