Oran – Biarritz : une annonce dans les rubriques nécrologiques de plusieurs quotidiens nationaux et régionaux faisait part du décès du Docteur Robert Pierné, « endormi sereinement le 29 mai dernier. Selon ses volontés, ses obsèques ont eut lieu dans la plus stricte intimité. Qu'il trouve la paix ».
Beaucoup de nos lecteurs ont sans doute connu et apprécié le couple formé par le Dr Robert Pierné et son épouse Line, en particulier lorsqu’ils avaient sauvé d’une quasi-disparition en le restaurant le château d’Etchauz à Baigorri ainsi que toutes les manifestations orchestrées par Line Pierné, en particulier pour le Comité de la Légion d’Honneur et les « Femmes chefs d’entreprises » : elle s’était éteinte le 13 mai 2017 à Bayonne.
Quant au Dr Robert Pierné, il exerça d’abord en Algérie où, comme médecin-biologiste alors âgé de 33 ans, il vécut le 5 juillet 1962 à Oran – à la suite des Accords d'Evian de 1962 – les horribles massacres de la population civile livrée sans défense aux égorgeurs du FLN.
Parmi les milliers d’Européens d’Algérie qui avaient été enlevés dans la plus grande indifférence des donneurs de leçons patentés, de Rachid Bouchareb à Roger Hanin dont les films dénonçaient volontiers les pauvres maghrébins victimes d'infâmes racistes en passant par les actuelles « auto-flagellations », dépôts de gerbes aux monuments des assassins du FLN et autres « génuflexions » incongrues... Certes, tout n’était pas rose dans l’Algérie « française » mais, du témoignage de Robert Pierné et de beaucoup d’autres rescapés, en 1962, les relations entre musulmans et européens étaient encore correctes malgré les incertitudes du lendemain pour ces derniers.
Et le souvenir de cette tragédie du 5 juillet 1962 à Oran était toujours resté très vif chez ce neveu de Gabriel Pierné (compositeur de la « Fantaisie basque pour violon et orchestre » et de la musique de scène « Ramuntcho ») :
-« J’ai été braqué par un jeune de 11 ans avec un pistolet colt 43 - je lui montre le caducée sur mon pare-brise - dix secondes d’incertitude - il me laisse passer » !
A Oran, cette grande ville de près de 400.000 habitants en grande majorité européens, le FLN avait décidé de monter une grosse opération d’intimidation comme nous le relatait le Dr Pierné :
- « Dès le matin, des convois remplis de jeunes musulmans armés de fusil et de couteaux convergèrent de la périphérie vers le centre : un car remplis de tueurs précédait un camion-benne où étaient entassés les cadavres et un autre chargé de vieux pneus afin de les brûler. Près de 1.800 victimes furent ainsi massacrées : ils tiraient à bout portant dans les rues, entraient dans les maisons.
Le mur de la poste dégoulinant de sang mérita son nom de « mur des fusillés ».
Mon infirmier suisse reçut une balle en pleine tête mais survécut par miracle.
Mon ami médecin ORL put reconnaître après coup quelques charniers sur la demande des autorités françaises, les militaires français ayant été maintenus cantonnés dans leurs casernes sur ordre du général Katz ».
Surnommé « le boucher d’Oran », le général Katz avait en effet appliqué à la lettre les instructions de Paris en laissant s’accomplir le génocide (une plainte à son encontre déposée par 47 familles de victimes du massacre d'Oran pour « complicité de crime contre l'humanité » sera, plus tard, déclarée recevable mais couverte par la prescription).
« Beaucoup de suppliciés terminaient leur agonie dans les chaudières des bains maures », se rappellait encore Robert Pierné, resté sur place quelques mois après ces tragiques événements, car le jeune médecin ne voulait pas abandonner la pharmacie de son père : « nous nous sommes un jours retrouvés une dizaine face à 2.000 arabes dont le chef nous annonça qu’ils allaient égorger de nombreux… (quelques instants de silence)… moutons ! T’as eu peur, ajouta-t-il en riant ».
R.I.P. Goian bego.
