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Notre disparu
In Mémoriam : l'archiprêtre Dimitri Smirnov
In Mémoriam : l'archiprêtre Dimitri Smirnov

| Guillaume d'Alançon 1180 mots

In Mémoriam : l'archiprêtre Dimitri Smirnov

En mai de l'année dernière, lors du 60ème anniversaire du Prix littéraire des Trois Couronnes célébré au château d'Arcangues, j'avais remis le prix de l’essai philosophique et spirituel à Guillaume d’Alançon pour son livre « Frères chrétiens, levez-vous ! », un témoignage choc pour réveiller l'Occident. Paru aux éditions Artège, l’ouvrage est une entrevue avec le Père Dimitri Smirnov, président de la Commission pour la famille, la protection de la maternité et de l'enfance au Patriarcat de Moscou, décédé le 21 octobre dernier. L'occasion de revenir sur cette éminente figure spirituelle de l'Eglise orthodoxe qui n'avait pu se rendre au Pays Basque du fait de sa santé déjà fragile.

Le Pere Dmitri était né en 1951. 
Diplômé de l’école de physique et de mathématiques, après des études en art graphique, il entra au séminaire de Moscou en 1978 puis, en 1980, à l’académie de théologie pour être ordonné prêtre le 2 août 1979. À partir de 1980, il célébra en l’église de l’Exaltation-de-la-Croix, dans un village de la région de Moscou. Le 1er janvier 1991, il fut nommé recteur de l’église Saint-Mitrophane-de-Voronège à Moscou, où il officia jusqu’à sa mort. Parallèlement, en raison de l’accroissement du nombre des fidèles, il fut le recteur de huit églises, dont deux situées dans la région de Moscou. Il présidait également le Département synodal pour l’interaction avec les forces armées et les forces de l’ordre (2003-2013) ainsi que la Commission pour la famille, la défense de la maternité et l’enfance (2013-2020). Il était aussi membre du Conseil ecclésial pour la lutte contre l’alcoolisme, ainsi que du Conseil suprême de l’Église orthodoxe russe. Le père Dimitri avait accompli un vaste travail d’éducation spirituelle, prônait les valeurs familiales, s’était prononcé contre l’avortement. Il participait activement à des émissions de télévision et de radio, où il répondait aux questions en direct. Il tenait également un blog multimédia. "Ce fut un vrai chrétien", au dire de ses contemporans, "il avait sauvé beaucoup de vies d`orphelins vagabonds pendant et après la perestroika, sans en parler... Il était toujours intransigeant contre le péché, mais pas contre les gens faibles. C`est une grande perte pour le peuple orthodoxe russe et pour toute la Russie... Paix à son ame et qu'il se repose avec les Saints russes".

Guillaume d’Alançon nous a livré quelques souvenirs relatifs au Père Smirnov :
« La première fois que je l'ai rencontré c'était lors d'une session avec la commission pour la famille et pour l'enfance du patriarcat de Moscou. La commission était rassemblée à l'époque elle comportait un catholique sans doute est-ce toujours le cas aujourd'hui.
À l'époque le père Smirnov, nous avait dit tout le bien qu'il pensait de l'encyclique "Humane vitae". Je l'avais questionné à ce sujet et il m'avait fait part de sa convergence de vue avec ce texte. Ce fut le départ de nos échanges et ensuite du livre d'entretiens qui a suivi.
Je me rappelle aussi de ses larmes quand on parlait du martyre de saint Pierre à Rome.

Je n'oublie pas non plus sa bienveillance pour toutes les personnes qu'il rencontrait, spécialement ceux qui semblaient éloignées de ses convictions.
Il était très proche aussi des femmes qui souffrent suite à une grossesse non choisi. Il a récupéré un grand nombre d'enfants nés suite à des grossesses imprévues : il avait la force et l'audace de proposer à leur mère de garder leurs enfants. Avec son art de l'accompagnement, il a pu sauver de nombreux enfants de l'avortement. Il a même ouvert un orphelinat chez lui. Attachés à sa maison, il avait organisé des lieux d'accueil pour ces enfants abandonnés à la naissance. Ce fut donc un serviteur de la vie de la détresse des couples des femmes en souffrance, des personnes qu'un questionnement sincère orientait vers sa paroisse.

Il avait un verbe parfois un peu cru mais qui cachait d'immenses qualités de cœur. Certains ont pu lui reprocher des propos un peu vifs, mais ceci était à mettre sur le compte d'une spontanéité naturelle qui était mue par une authentique générosité. Il n'avait pas peur du "qu'en dira-t-on", mais il s'attachait surtout au "qu'en dira Dieu"!

Il était tout sauf carriériste et se référait souvent à l'exemple de certains membres de sa famille qui, par le passé, étaient morts martyrs du communisme. Il avait une profonde aversion pour ce régime politique et ses fondateurs sanguinaires, n'hésitant pas à les traiter de noms d'oiseau…

Il regardait dans les yeux chacun de ses interlocuteurs. Il m'avait dit sa joie de découvrir le sanctuaire Notre-Dame de Lourdes et était touché par la ferveur des catholiques qui pour lui étaient de vrais chrétiens et il se réjouissait des retrouvailles futures dans l'éternité. Sans doute n'avions-nous pas les mêmes conviction sur quelques sujets, mais en discutant avec lui, je voyais bien qu'il ne s'arrêtait pas aux idées toutes faites, aux rumeurs, à l'apparence : on peut dire que c'était un esprit jeune qui ne se suffisait pas d'idées convenues. Son côté provocateur était sans doute à comprendre dans ce sens là. J'ai été impressionné par sa bonté à mon égard. Il n'avait rien d’un hiérarque confit dans le luxe. On sentait chez lui une âme de pauvre, apostolique, dont l'unique objectif était de gagner les âmes au Christ.
Je prie pour qu'il soit dans le paradis avec Dieu qui l'a cherché de tout son cœur".

Quant au Patriarche de Moscou, il n'a pas manqué de souligner que le Père Dimitri avait grandement contribué à l'instauration des valeurs familiales dans la vie de ses contemporains: "il a exécuté des travaux au sein de la Commission patriarcale pour la protection de la famille et de la maternité, prêché sans relâche, participé à des émissions de télévision et de radio et écrit des livres. Dans la variété des obédiences qui lui ont été confiées, le Père Dimitri s'efforçait invariablement de se montrer comme un berger bienveillant et aimant, proclamant les vérités de l'Évangile aux gens avec audace et simplicité sincère, trouvant une parole d'encouragement et de soutien pour tous ceux qui aspiraient à lui".

Par ailleurs, on notera encore qu'une église sera construite dans le quartier de Konkovo ​​dans le sud-ouest de Moscou, à l'endroit où s'élève déjà une église provisoire en bois en mémoire de l'arrière-grand-père du père Dimitri Smirnov, le Hiéromartyr Basile, abattu le 1er juillet 1938 à Butovo et élevé sur les autels en 2000 par le Saint-Synode de l'Eglise russe. L'archiprêtre Vasily Smirnov (1870-1938) était devenu prêtre avant la révolution, en 1914. Depuis 1929, il s'opposait à la fermeture progressive par le pouvoir communiste des églises dont il était le recteur à Moscou, jusqu'à ce qu'en mars 1938, un de ses voisins, cédant à la pression d'un officier de la police politique communiste, témoigne contre le prêtre, affirmanant qu'il avait célébr des services dans son appartement, s'était prononcé contre le régime soviétique et avait mené une agitation religieuse parmi les femmes. Arrêté le 22 mars, le prêtre sera incarcéré à la prison de Lefortovo à Moscou, puis condamné à mort pour «agitation anti-soviétique».

Sur notre photo, le Père Smirnov répond à l'interview de Guillaume d'Alançon avec Bruno Bisson comme traducteur.

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