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Notre disparu
In Mémoriam : Jakes Abeberry, un valeureux "chevalier" du Pays Basque
In Mémoriam : Jakes Abeberry, un valeureux "chevalier" du Pays Basque

| Alexandre de La Cerda 1133 mots

In Mémoriam : Jakes Abeberry, un valeureux "chevalier" du Pays Basque

C'est une très grande perte que vient de subir le Pays Basque, en la personne de Jacques "Jakes" Abeberry, ancien adjoint à la culture de Biarritz et fondateur de l'hebdomadaire abertzale "Enbata". La cérémonie religieuse de ses obsèques sera célébrée ce lundi 5 décembre à 14h30 en l'église Sainte-Eugénie de Biarritz.

Je l'avais connu alors qu'il était directeur d’une succursale bancaire à Bayonne et très actif en matière de création d’entreprises (Sokoa à Hendaye) et de sociétés pour le soutien à l’emploi en Pays Basque (il fut un des fondateurs de Herrikoa et de l'association Hemen)... alors que pour ma part, je venais de créer Radio Adour Navarre (en juillet 1978). J'étais également très proche de ses autres frères, les avocats "Koko" Abeberry et Maurice, à la tête d'un important cabinet d'affaire... Et de la Fédération de Pelote basque. 

Parmi les courtes biographies d'illustres contemporains du Pays Basque que m'avait demandé d'écrire l'hebdomadaire "L'Express", j'avais rédigé celle de Jakes, c'était il y a un peu plus d'une vingtaine d'années :
"Avec la solidité du chêne basque pour conviction, et un sens artistique fait de joie, d'élégance et de cette volupté sans outrance que Ravel savait reconnaître au chant et aux danses de son pays, Jacques Abeberry a suscité une corne d'abondance du vide culturel assourdissant qui peuplait Biarritz il y a une décennie. L'opiniâtreté de l'ex-financier et le mordant du polémiste politique dans l'hebdomadaire "Enbata" joints à l'enthousiasme du chanteur d'Oldarra ont reconquis un public de tous âges au "spectacle vivant" et réinsufflé l'amour de la danse à toute une région, grâce au festival "Le Temps d'Aimer", qu'ont durablement enraciné une solide réputation internationale et l'installation à demeure d'un Centre chorégraphique national avec les Ballet-Biarritz de Thierry Malandain.

"Donner l'envie aux enfants de pousser la porte d'une salle de spectacle, débrider leur sensation, leur imaginaire, leur offrir un passeport pour aller de l'avant", proposait Jakes qui voulait retrouver la glorieuse époque des ballets du marquis de Cuevas à Biarritz, tant admirés dans sa jeunesse ; et je me souviens même d'avoir organisé avec lui la venue, au début des années 90, à la Gare du Midi achevée récemment, la troupe première du théâtre Marinsky : c'était à l'époque de la "Perestroïka" et le cachet de la réputée troupe de Saint-Pétersbourg était accessible pour les finances biarrotes !
Que de souvenirs !

Et plus tard, toute la passion et le bouillonnement d'idées et d'initiatives qu'il avait su mettre avec talent au service de Biarritz en y créant une politique culturelle inexistante auparavant, Jakes Abeberry les reportera ensuite sur l'urbanisme et les grandes transformations que nous promettait ce début de siècle. Et, de comités de pilotage en bureaux d'études, la tâche ne manquait guère au nouvel adjoint à l'urbanisme : la ville allait se transformer en un gigantesque chantier, des Rocailles à Bellevue et à Clemenceau, de Sainte-Eugénie à Ilbarritz et Mouriscot, sans oublier de petits coins dont on estimait qu'ils ne seraient pas susceptibles d'être inquiétés par cette ébullition aménageuse, tels le petit square devant l'hôtel Tonic (auquel il me sera donné, quelques années plus tard, de faire attribuer le nom de l’écrivain russe Tchékhoff, qui y avait résidé) ou le "parvis" de l'église Saint-Martin.
Certes, la grande affaire avait été le début de la restructuration du quartier des Rocailles avec, en particulier, l'arrive des classes de danse (100 élèves) du Conservatoire...
Avec Jakes Abeberry, il y aurait tant à se souvenir et à dire ! 

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Jakes Abeberry avec Didier Borotra et Jean-Pierre Abeberry ©Manex Barace ©
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Du côté des politiques également, de Vincent Bru à Max Brisson, les commentaires ne manquent pas : tous, même adversaires, reconnaissent, à l'exemple d'Yves Ugalde, "Jakes n'avançait pas masqué. Il était lisible, déterminé et très militant des idées qu'il portait. Ce n'était pas vraiment l'homme du "en même temps"...
La gauche abertzale était plutôt sa famille de pensée, mais la gauche française l'ennuyait beaucoup. Il n'était pourtant pas rétif au port d'un joli costume, ni aux belles berlines. Biarrot quoi ! comme je le lui disais quand il venait à Bayonne travailler au siège du journal Enbata après une grande soirée la veille à l'hôtel du palais.
(...) il avait donné à sa ville une ambition culturelle, basque comme internationale, qu'elle n'avait pas connue jusque-là.
Jakes n'était pas un tiède. Ses mots étaient parfois mordants et sans retour. Mais rien de totalitaire ne l'habitait. C'était tout le paradoxe de sa personnalité. Au sein d'une fratrie mémorable pour Biarritz, il a dû se faire une place. Les comparaisons fusaient dans les années 80. Ce chemin, il se l'est fait, tout en restant lui-même. Entre le gaullisme claironnant d'Albert, la flamboyance euskalzale de Maurice, la spiritualité communicante de Pierre, le combat juridiquement militant de Koko, il s'est incontestablement fait un prénom, et un prénom respecté. Et la tâche n'était pas aisée"

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Fratrie Abeberry autour de leur ama, Ernestine, institutrice, hôtelière et chrétienne ©
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Son neveu Alan Abeberry retrouve des photos de jeunesse sur lesquelles on voit "les cinq frères Abeberry avec leur ama, Ernestine, institutrice, hôtelière et chrétienne. Et dans l'ordre d'aînesse : Albert, boulanger et fondateur du BAC pelote, Pierre, prêtre chrétien, Maurice, avocat et président de la fédération de pelote basque, Jakes, politique abertzale, Koko, avocat abertzale. Aintzina goaz !"

Quant à Peio Abeberry, il égrène également ses souvenirs : "J’aimais me joindre à toi, de temps à autre, le matin sur le plateau du phare à contempler Biarritz, ne jamais s’en lasser; te déranger en plein déjeuner aux Colonnes où tu avais ton rond de serviette, ou bien encore faire quelques pas le long de cette grande plage que tu aimais tant. 
Discuter, batailler, se chamailler avec ton « mexicano » comme tu m’appelais. Parfois d’accord, toujours passionnés. 

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Les cinq frères Abeberry ©
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Tout est politique pour un Abeberry. C’est avec toi, Koko et Pierrot - Albert et Maurice partis trop tôt - que j’ai écouté, appris, compris ; que je me suis construit. 
Nere bidean. Milesker.
« C’est à vous maintenant », nous disais-tu lundi, me serrant la main avec poigne & caste comme toujours, pour la dernière fois. 
Homme de conviction, de culture ; serviteur d’une langue, d’un art & d’une ville, tu as été de tout les combats pour ton Peuple. 
Alors oui, tes proches, tes « adixkide » de toujours - accompagnant tes petits enfants Jon, Andoni et Oihana, tes enfants Eyhande et Pantxika & toute ta grande familia - ne pouvons que te remercier et continuer ce que tu as commencé & accompli. 
Vendredi approche, la nappe est dressée, tu te prépares à rejoindre tes « quatre fantastiques » au déjeuner de gala. Le repas des Abeberry est enfin servi, avec immanquablement au menu côte de porc & purée éternelle ; la rue Louis Barthou va se réveiller, le spectacle recommencer. Aita, lui, admiratif comme nous tous, sera certainement sur le côté pour vous écouter. À nouveau réunis. Pour faire et refaire ce pays. Ton pays. 
Agur eta ohore !"

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