De notre enfance nous retenons le temps du repos des sols déjà cultivés pour les céréales l’année précédente, que nos agriculteurs observaient par la jachère.
Une tradition agricole au bénéfice du sol laissé en jachère en attendant des récoltes futures les années suivantes.
Mais en 1992, l’Europe décida par une loi “de geler une partie des cultures pour éviter une surproduction en particulier des céréales”, Moyennant contrepartie financière jusqu’à devoir par la suite corriger le tir et adopter des pratiques moins directives en faveur d’une réutilisation de terres en friche. Soit plus de trente départements français actuels obtenant des dérogations à leur dividende.
La jachère peu ou pas comprise donnait au cultivateur du travail au printemps et le long de l’été pour préparer les semis d’automne des terres soumises aux façons et en prévision du temps qui leur serait consacré.
S’agissant de labour, de nettoyage et de purification des sols le livre consacré à ce sujet sous le titre La double histoire de la jachère édité en 2008 chez Morlon et Sigaut, précisait “ qu’il fallait bien un an de préparation du sol avant de produire du froment sur une jachère puis de semer la graine et cultiver le blé”...
Réussir la jachère anticipait la réussite du blé, un travail de jardin à grande échelle, de nettoyage de mauvaises herbes en vue d’assurer la germination et l’environnement de la céréale recherchée.
Assurer plusieurs labours sur plusieurs séquences, pendant la jachère, ôter les herbes mauvaises, et semer le sol ainsi préparé soumis aux fertilisations, détruisant toutes mauvaises herbes susceptibles d’interférer dans la culture, représentaient le travail long et suivi préparatoire de ce temps de repos du sol qui ne l’est guère pour l’agriculteur.
Les labours successifs assurant la minéralisation des matières organiques, libérant les éléments assimilables par les plantes cultivées, un travail préalable nécessaire pour obtenir le résultat d’une récolte soumise à des vecteurs multiples de la nature et de l’homme.
Nos anciens faisaient parquer sur ces sols en attente les troupeaux de chèvres, de moutons, de vaches, le temps d’une nuit pour y retrouver les engrais naturels de déjection animale, en suppléant ainsi au défaut d’engrais ajoutés par la présence animale et fermière de moutons domestiques mis à contribution de ce travail nécessaire.
Les gens de la terre avaient à cœur d’éviter l’épuisement des sols par des cultures répétitives, en disposant de ces terres comme “prairies en rotation” considérées comme jachère, lande, friche, en attente d’utilisation.
Depuis peu on reparle ainsi de ces jachères en agriculture verte, à propos des OGM. Comment se posent le temps de la jachère, en vue de quelles cultures, selon quelle technique agricole, et pour quels types d’agro-cultures ?
Une définition en soi de la nature d’antan que l’on confondait avec le terroir des agriculteurs, et par la main agronomique du paysan qui change la face de la terre, de l’environnement et des espaces naturels comme moyens de production alimentaire et comme habitats naturels des campagnes alentour.
Si l’on avait presse à trouver quel type de culture de substitution au blé viendrait pour amender les sols et ne pas “ les laisser en friche démesurément”, on se rendit compte désormais que la dite terre fait l’objet départagé de l’intérêt du paysan, et celui du résident dans un quelconque village du pays, soucieux du bon pouvoir des fermiers sur leurs jachères ?
En certaines régions le développement de jachères se fit au détriment des zones cultivables, il ne semble guère en être le cas chez nous, où le contraire serait observable. Le manque de disponibilité de terre faisant le pendant inversé à la demande.
La présence d’un conflit aux portes de l’Europe, les questions d’approvisionnement de biens céréaliers, d’engrais, et la crainte de manquer de ressources alimentaires, semblent avoir modifié l’enjeu précédent au bénéfice des jachères dominant le débat entre professionnels en faveur d’un argument utilitaire plus immédiat.
Ne rien perdre ni du sol ni de ses propres ressources immédiates face aux menaces toujours possibles sur les approvisionnements à terme ?
Le temps d’un conflit qui cependant ne devrait mettre en cause le processus naturel attaché à tout assolement, à toute disponibilité de friche ou de lande qui permettent de rentabiliser le travail des sols, leur nutrification abondante de réserves azotées sans lesquelles il n’est possible de produire à terme et à profit, pour le professionnel de la terre.
La jachère fit toujours partie de l’histoire de l’agriculture française du temps dit de l’Ancien régime. Combattue comme un privilège des possédants, depuis la Révolution française, elle se maintint cependant pour des raisons moins idéologiques au profit de la terre qui devait se reposer comme tout corps vivant des suites de ses propres récoltes.
Dès 1193 de vieux documents attestent de la jachère en France, comme un terme faisant état du “repos de la terre”, puis repris à nouveau en 1200-1276, un mot repris dans des régions franco belge, de wallon, de Picardie, de Normandie, en Irlande et en pays celte...
En 1255 la Charte de l’archevêque de Rouen mentionne la jachère avec force détail sur la méthode de l’assolement retenue, les fertilisants naturels recommandés, la nature du fumier, la périodicité des labours,le contrôle des adventices, et les libéralités possibles pour des pâtures communales. De quoi délivrer le contenu d’un manuel d’agriculture épiscopal de toute évidence de la part d’un propriétaire terrien, archevêque de Rouen, soucieux du rendement de ses récoltes comme tout homme de la terre expérimenté en la matière !
Jachère et friche, lande et friche, jachère et lande disent les professionnels ne seraient pas de même nature ?
Parfois remplacées par des prairies artificielles ou des cultures fourragères, en utilisant des fertilisants ou des produits chimiques ajoutés, le terrain d’expérimentation de ces sujets demeure professionnel, celui des métiers de la terre.
Il a traversé le cours de l’histoire, entre partisans de la jachère et ceux qui ne la voulaient pas, ceux qui introduisirent la production plus récente de surplus et de gaspillage, de ceux qui mêlèrent engrais et composants azotés brevetées par des autorités plus ou moins disputées, le sujet demeure constant et pertinent.
La terre permet-elle toute autre forme que frugalité et précaution dans le cours de son histoire passée ?
Sujet difficile en toutes régions de monocultures intensives.
S’agissant de maïs des uns chez nous, de pins maritimes dans les Landes, les conseils de l’INRA semblent faire écho à la prudence.
Cultures végétales, céréalières, fruitières, alimentaires, ne semblent faire fi du débat ouvert et concerne de nombreux professionnels particulièrement en nos régions de production, de transformation et de distribution directement impactées par ces décisions.
Le temps spirituel de l'Avent
1 - Eléments historiques de la liturgie au cours des siècles passés.
Dans son Encyclique « Laudato Si », de l’écologie intégrale sur l’environnement, le pape François voulut associer l’écologie naturelle et humaine au même dessein de Dieu sur toute la création.
Le temps de la jachère de la terre correspond à ces préliminaires de toute récolte spirituelle pour le croyant.
La jachère spirituelle ou temps de l’Avent s’ajoute pour un chrétien à celui de noël.
Les historiens de l’Eglise ancienne rapportent que la fête de Noël est née à Rome au milieu du IIIème siècle et serait attestée avec assurance en 336.
Mais il serait de toute évidence postérieur à des dévotions plus anciennes en Terre Sainte auprès de la primitive église de Jérusalem. Les preuves manquent mais les pressentiments sont légitimes. Aucune dévotion ne nait de rien et accomplit toujours des rites préliminaires antérieurs.
A Rome le pape Sylvestre III 314-335, dont le nom semble attaché à Noël pourrait avoir influé sur cette manifestation religieuse.
Il semblait légitime que l’on associât la fête de Noël à la venue du seigneur, d’où le terme avent, adventus en latin, - ce qui s’est passé- avant pendant et au cours rapportant des promesses du premier testament de la bible hébraïque.
Les orthodoxes nos aïeux dans la foi chrétienne, ont conservé le dimanche avant noël le souvenir fêté de tous les patriarches de l’ancienne alliance, la première, depuis Adam jusqu’à Joseph.
Curieusement sous l’influence de l’Orient, les chrétiens hispaniques de naissance “mozarabe” fêtent l’Annonciation le 18 décembre plutôt que le 25 mars pour les latins, ce pendant le temps de carême.
2 - Un Avent évolutif du temps écoulé.
One ne badinait avec le temps historique et religieux en ces années jadis où le carême était observé strictement et le pensait-on pour la postérité.
Un chroniqueur du temps médiéval Raoul Glaber raconte que vers l’an 1000 on tint un Concile pour statuer si la coutume hispanique ne devait servir de modèle pour le reste de l’Eglise ?
A Rome on se serait contenté selon les chroniqueurs du passé d’évoquer liturgiquement les temps précédant l’avènement du Christ. A minima !
Curieusement ce serait chez nous en Gaule que l’idée de faire de ce temps une préparation de noël avec un temps pénitentiel, prit corps
Grégoire de Tours a laissé son empreinte en 590 en demandant trois jours de jeûne en vue de noël chaque semaine, depuis la fête de saint Martin.
Il fallut deux Conciles, celui de Tours en 567 et de Mâcon en 581 pour associer Noël aux préparatifs des quarante jours comme un carême de Noël, ce à partir du 11 novembre avec les lundi, mercredi et vendredi jeûnés.
L’Italie adopta la pratique dans le diocèse de Milan selon la liturgie d’Ambroise de Milan qui connaît aujourd’hui encore six semaines préparatoires de l’Avent à partir de la saint Martin.
Un recueil liturgique en latin au quotidien unique médite le mystère de l’avènement du sauveur à travers des textes, des oraisons et des préfaces propres à cette pratique locale particulière.
Mais dans son unité, la liturgie romaine internationale n’adopta pas cette liturgie des Gaules de quarante jours et se limita aux quatre dimanches.
Soit un temps de trois semaines écourté comme cela devrait arriver en 2023 où Noël tombera un lundi.
Les liturges font observer que dans la réforme de 1970 dans le Missel officiel, le contenu liturgique de l’avent a été considérablement augmenté. L’ancien Missel ne connaissant de formulaires de messe que pour les dimanches et point de formulaires particuliers en semaine.
Exception pour les fêtes des quatre temps, pour évoquer l’Annonciation, la Visitation et la prédication de Jean le Baptiste au cours de la liturgie de la troisième semaine.
Les liturges rappellent que depuis Vatican II une progression liturgique fait jour pendant l’avent, spécialement au cours des derniers jours précédant noël, en retrouvant les lectures des grandes prophéties, et dans les évangiles tous les événements allant de l’Annonce de la naissance de Jean Baptiste à la Naissance de Jésus.
Concluant ce narratif, ces mêmes jours du 18 au 23 décembre étaient marqués dans l’ancienne liturgie par des antiennes pour le magnificat des vêpres, commençant toutes par O ...suivi d’un titre ancien donné au Messie : sagesse - Adonai, terme juif, racine de Jessé, clé de David, Orient, roi des Nations, Emmanuel..
En lisant en sens inverse la première lettre de chacun de ces titres, on obtient en acrostiche la phrase latine, Ero Cras, comprenez “demain je serai là” !
Les judéo-chrétiens et sans doute leurs héritiers mozarabes aimaient ces jeux de lettres, morphèmes ou phonèmes ajoutés, décortiqués, dont on obtenait des nouveaux termes, pleins de signification pour eux. Comme en interprétation de la langue hébraïque où chaque consonne et voyelle peut signifier plusieurs sens...?
Imaginez que dans notre parler basque on se livre à ces jeux spirituels, OI – Eguberri - Gaua, en GEO, Guziek elgar Otoitz dans un narratif illustré comme dans ces bertsus conventionnels, nous serions en cela des héritiers prosaïques de traditions orales antiques dont nous avons perdu l’horizon aujourd’hui mais qui entretinrent la littérature orale de nos ancêtres !
La versification donnerait du champ à l’esprit et de la poésie à la liturgie elle même !
Rien n’existe sous le soleil qui ne fut déjà conté dans une autre vie, qui pourrait eut sans cesse revoir le jour dans l’imaginaire et la prière !