Japon, fin de l’Époque d’Edo (1603/1868). En cette fin du XVIII ème siècle, à Edo (ancien nom de Tokyo) après d’interminables conflits entre seigneurs de la guerre, le pouvoir impérial des Tokugawa, impose un fort autoritarisme sur la société nippone. La culture comme toujours, dans un régime despotique, est ciblée en priorité : destruction de librairies, autodafé de livres, de tableaux, de dessins, d’estampes, mises à sac tous azimut, etc. L’art en général, le calligraphié en particulier (dessins, estampes, etc.) qui agrémente les livres lestes, par ses illustrations, est soumis à un contrôle tatillon.
Le jeune Hokusai Katsushika (Yuya Yagira), né à Edo en 1860, jeune apprenti illustrateur assiste, impuissant, aux « descentes de police » musclées. Toutefois, dans ce climat délétère, il est rapidement repéré comme étant un peintre d’avenir à forte potentialité, mais son caractère entier, frondeur, intransigeant, le dessert : il est renvoyé de plusieurs écoles.
Il se fâchera avec le grand maître Kitagawa Utamaro (Hiroshi Tamaki) plus connu dans nos latitudes sous le nom d’Outamaro (1753/1806), graveur et peintre de nombreuses scènes de nature et d’animaux, ainsi que d’albums érotiques célèbres.
Hokusai âgé (Min Tanaka) travaille sans relâche sous divers patronymes (120 ! pour berner la censure), entouré de quelques disciples, dont l’énergie inépuisable est toute dévouée à son art : il exécute sans cesse des dessins qui, pour nombre d’entre eux, deviendront des estampes grâce au procédé xylographique : technique complexe de gravure sur bois qui permet de reproduire un dessin par encrage en une seule teinte (noir), ou plus difficilement deux, voire trois couleurs.
Hokusai est mort à Edo, à 89 ans, en 1849, laissant derrière lui plus de 30.000 dessins, travaillant jusqu'à son dernier souffle. En 1830, à l’âge de 70 ans, il publie son chef-d’œuvre les « trente-six vues du Mont Fuji » dans lequel l’on retrouve sa plus célèbre œuvre : La Grande Vague de Kanagawa.
Hokusai a voué sa vie à la représentation de la société nippone de son temps sous toutes ses formes. Sur son lit de mort, presque nonagénaire, il prononce ces dernières paroles : « Si le ciel m’avait accordé encore dix ans de ma vie, ou même cinq, j’aurais pu devenir un véritable peintre ».
Hokusai suit le long parcours tumultueux de cet homme inflexible, surnommé le « vieillard fou de dessin » dans une société fermée, autoritaire, répressive, isolée volontairement du reste du monde.
Le long métrage de Hajime Hashimoto (55 ans), son septième, est du genre biopic : on arpente la vie du célèbre peintre, de ses apprentissages jusqu'aux ultimes chefs d’œuvres crées au rythme soutenu du parcours chaotique du maître : il a changé 93 fois de domicile !
Nous passons de la vitalité du printemps et de l’été (le jeune Hokusai, Yuya Yagira) à l’automne et l’hiver (le vieil Hokusai, Min Tanaka). Nous assistons, de visu, a son exceptionnelle puissance créatrice qui n’est sans rappeler celle de Pablo Picasso (1881/1973) lui aussi créateur infatigable d’œuvres en tous genres (décors, peintures, sculptures, céramiques, etc.).
La production d’Hokusai découverte en Occident, avec celle d’Outamaro, à la fin du XIX ème siècles ont inspirés de nombreux artistes européens : en France, les peintres Paul Gauguin (1848/1903), Vincent van Gogh (1853/1890), Claude Monet (1840/1926), Edgard Degas (1834/1917), le compositeur Claude Debussy (1862/1918), etc. La découverte d’œuvres graphiques japonaises a été un choc culturel pour l’occident lançant ainsi un mouvement artistique : le japonisme.
Notons que le visionnage du long métrage Hokusai, par ailleurs fort bien photographié, souffre en France, d’un montage qui déroute le spectateur : au Japon, où le film a été distribué en 2020, sa durée est de 129 minutes. En France (en Europe ?), sa durée est ramenée à 90 minutes, soit 39 minutes retranchées de la copie originale.
Ce montage « sauvage » appauvrit par moment, la compréhension de l’histoire, sa fluidité, essentielle au cinéma. Aussi, certains protagonistes du film ont une existence fantomatique sur l’écran. Le récit est heurté, non sans « trous d’air ». Quel dommage !
Ces coupes, malheureusement sont courantes dans le cinéma international : certains chefs-d’œuvre ont subi ce genre de mutilation comme Les Sept Samouraïs (1954) du japonais Akira Kurosawa, dont ne circulent pas moins de quatre versions (version intégrale japonaise 207’, diffusé en France en 2002 ! ; versions dites d’exportation : 130’, 148’, 155’).
Malgré ces réserves, Hokusai mérite le détour par sa description d’une société particulière.
- à voir à l’Atalante à Bayonne : vendredi 16h30, dimanche 21h, mardi 14h
- au Royal à Biarritz : (vo) jeu 19h25, sam 17h, dim 15h30, mar 13h45
- au Sélect à St-Jean-de-Luz : (vo) dim 11h, lun 14h30, 18h30