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Littérature
Félix Buffière, disciple des sages grecs de la pensée antique
Félix Buffière, disciple des sages grecs de la pensée antique

| François-Xavier Esponde 937 mots

Félix Buffière, disciple des sages grecs de la pensée antique

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Félix Buffière, parmi les Lozériens ©
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Félix Buffière, helléniste passionné ©
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Félix Buffière ©
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Dans les années 1970 et suivantes, Toulouse, « la Ville rose », bruissait d’activités par ses dizaines de milliers d’étudiants venus de France, d’Europe, d’Afrique du Nord et d’Afrique centrale. 
La ville avait connu l’année 1968 agitée de contestations de rue, de bagarres et de slogans. « Volem vivre al pais » disaient les Occitanistes ; et le nombre de manifestations étudiantes n’avait pas encore disparu du paysage de la cité, habituée à cette activité d’une seconde nature attachée au quotidien de ce Midi chaleureux. 

Toulouse, par le développement des pôles industriels, universitaires, hospitaliers, d’écoles d’ingénieurs tournés vers l’aéronautique, Airbus, Dassault et avionneurs dérivés, ajoutait le nombre ininterrompu des centres de formation à la demande croissante de la fabrication de leurs avions. 
La vieille ville médiévale comptait aussi ses pôles universitaires classiques. Institut catholique - rue de la fonderie, couvent dominicain, jésuite, franciscain, capucin : chacun était doté de ses centres d’études et de spécialistes à la faveur de professeurs accrédités et reconnus bien au-delà de la ville dans leurs compétences. 
A Toulouse, ville thomiste séculaire, on trouvait des professeurs émérites pour certains, reconnus internationalement et professant encore auprès d’étudiants chanceux de disposer de ces cours de haute tenue, de spécialistes. 

On pourrait citer Frédéric Bergougnoux, franciscain géologue et archéologue, Mgr Martimort, liturge, spécialiste de l’histoire de la liturgie, conservateur de la grande bibliothèque de l’Institut catholique, Simon Légasse, capucin hébraïsant, fin connaisseur de la Bible et de l’histoire d’Israël. Des auteurs acquis à la protection culturelle d’un trésor acquis et menacé des rapines et des indélicatesses de la guerre. 
Il y eut aussi Mgr de Solage, ancien recteur de l’Institut catholique, le père Etcheverry, jésuite expert de la pensée allemande de Hegel originaire de Biarritz, Georges Hahn, directeur des éditions Privat après guerre, psychothérapeute, juif autrichien caché dans la région occitane et demeuré dans le pays, le dominicain, Ceslas Courtes, directeur de la revue thomiste, professeur de philosophie scolastique à l’institut catholique, les frères Nicolas, dominicains originaires de la Côte basque, et certains autres, âgés et disparus depuis quelques années. 

Parmi ces illustres déjà oubliés, on ne saurait ne pas citer Félix Buffière. 

Helléniste au parcours original 

Natif de Mende en Lozère, en 1914, il a fait ses premières études universitaires à Toulouse, en lettres classiques et grecques, et a poursuivi par un doctorat ès-lettres à Lille. Le jeune professeur a rejoint à nouveau Toulouse en 1941 pour devenir professeur de grec auprès de quelques étudiants qui pouvaient encore suivre son enseignement en pleine guerre. 
Il deviendra doyen de cette faculté et l’on retrouve son nom en 1974 dans les salles universitaires de l’Institut catholique. 

L’homme est doué d’une culture classique exceptionnelle. Les étudiants le savent et ne se méprennent pas. L’histoire, la mythologie, la philosophie, l’art, les coutumes et les rites religieux, les écoles de la sagesse et l’éducation des jeunes étudiants n’avaient pu échapper à son analyse documentée, de premier regard, objet de ses recherches in situ et de traductions d’auteurs grecs inconnus, qu’il faisait découvrir par l’intelligentsia mondiale. 
Ses livres étaient connus dans le monde, sous ce cartonnage de couleur des Belles-Lettres avec le texte grec et sa traduction en vis-à-vis. 
Félix Buffière, selon ses étudiants, ne manquait de charme. Il apportait, à son savoir académique, un narratif imagé vivant et séduisant de la vie « à la grecque » d’une société méditerranéenne colorée, ensoleillée et éduquée. Les étudiants se pressaient à ses cours, du moins les hellénisants, parmi lesquels des jeunes professeurs en quête de spécialité dans leur propre discipline, agrégatifs déjà professeurs et bien inspirés d’en savoir davantage auprès de ce savant exceptionnel. 

Cependant, son statut d’ecclésiastique ne lui permettait de disposer d’une totale liberté d’exposition. Il adopta un patronyme et un pseudonyme, respectivement Jean-Philippe Amiel et Gévaudan, mais ses lecteurs ne doutaient pas de l’identité de leur auteur. 
Les titres de ses œuvres peuvent être cités bien que non exhaustifs : « Les Mythes d’Homère et la pensée grecque », « Le Gévaudan » sous plusieurs titres dérivés, « La vida de santa Enimia », « Allégories d’Homère », « La bête du Gévaudan », une grande énigme de l’histoire, « L’Odyssée d’Homère », une anthologie grecque en deux tomes, 11 et 12, « Eros adolescent », « Le fil d’Ariane », etc. 
On racontait qu’en ces années 1970 et suivantes, il voulut faire publier tel ou tel de ses manuscrits auprès de la société Privat de Toulouse, sur la vie de la société grecque, faite de libertinages, de spontanéités et d’irrévérences méditerranéennes. Le manuscrit ne fut pas retenu. 

Sagesse personnelle nonagénaire 

Le professeur dut se résoudre à une solution de repli. Il alla rejoindre « Les Belles-Lettres », une collection d’auteurs de l’Antiquité sans doute moins retenue par les vertus morales ou individuelles de leurs lecteurs. 
Bien que sortis du Trotskisme, de l’anarchisme, du gauchisme de ces années de contestations libertines, les éditeurs patentés n’osaient encore franchir la ligne rouge de la morale et des bonnes mœurs ambiantes, et conseillèrent à leur auteur de proposer le texte à Paris à quelque autre éditeur plus disposé à le faire. 

Félix Buffière entretint son auditoire étudiant nourri. Il fut un professeur culte, d’un savoir encyclopédique, passionné par la Grèce antique, sa terre d’adoption intellectuelle. 
Il disparut le 23 juin 2004 atteint d’une sagesse personnelle nonagénaire. Comme tout chercheur attentionné, le goût des papyrus, des poteries de l’archéologie ancienne, et de ces argiles enterrés par l’histoire qui donnaient sens à ses travaux, Félix Buffière était une figure marquante de l’Occitanie de ses origines, dans ce parterre d’étudiants qu’il fréquentait comme un maître demeuré toujours un disciple des sages grecs de la pensée antique ! 

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