L'Ex-voto a disparu disent les nostalgiques du temps daté de ces objets symboliques, fétiches ou porte souvenir d'un événement majeur de la vie. Ce talisman porte nom et mémoire d'un instant marquant de la vie de l'auteur qui a imprimé dans son esprit et celui de son protecteur le bénéfice d'un retour en grace ou d'une évocation de voeu en attente. Cet objet n'appartient plus à son donateur. Il signe la gratitude en retour.
Remercier le saint protecteur ou la figure maternelle de dieu qui reçoit la requête d'un souhait a toujours existé dans le monde religieux à toutes époques mais selon des procédés usuels différents. Les Romains utilisaient des statuettes comme ex-voto, des plaques représentant des figures anatomiques du corps humain, (on les retrouve dans des sanctuaires dédiés aux divinités agissant contre les maux de santé) des inscriptions sur une plaque de bronze, indiquant le vœu requis et le nom du contractant. Car il s'agit toujours d'une promesse en retour chez celui qui s'engage de son côté. L'ex-voto n'est pas une relique sinon un geste gratuit de reconnaissance. La relique est une marque de protection sacrée, l'ex-voto une invite.
Les chrétiens auront leur paysage enrichi d'ex-voto, de crucifix de plaquettes estampillées, de tableaux, de madones, de visages figurés de saints, de plaques de marbres, sertis d'orfèvrerie recherchée et pillée lors des guerres religieuses ou nationales en France. Parfois de formules de prières de demande d'intercession ou de remerciement. Car le prix de toute gratitude est élevé parfois à la mesure du résultat escompté. Les métiers artisanaux n'en seront en reste. On y voit en miniature, voiture, outils, maquettes de bateaux ou de navires, shorts sportifs, vélos, volants de véhicules, médailles militaires... En somme des symboles vivants d'un événement du passé qui ait engendré l'inspiration d'un voeu d'une promesse accomplie. On ne saurait comparer ces messages "aux tweet modernes numériques ou aux tchat " utilisés pour d'autres fins mais certains s' apparentent parfois à ces incantations ou évocations de regret ou d'espoir d'un voeu inachevé de la vie.
Le terme d'ex-voto viendrait selon les historiens du latin emprunté à un poète saint Armant en 1643 de Poésies, d'un objet réalisé en vue de former un vœu ou remercier d'une grâce reçue de quelque divinité, tel d'une sainte Rita citée parmi les plus généreuses en ce sens dans le palmarès des bienfaisantes.
On trouverait divers types de voeux en cours. Les ex voto propitiatoire, comprenez en état de demande obtenue, ceux de remerciement de retour, gratulatoire, et ceux dits surérogatoire, se rappelant à nouveau pour obtenir une grâce non encore obtenue. Telle une promesse de mariage, de santé, de travail ? Un rapport fort et intime entre le sacré et le profane de chacune de nos vies en échange cordial ou plus intéressé.
Dans la sainte maison de Lorette on peut y voir les multiples ex voto conservés en ce musée vivant du passé comme autant de témoignages de dévotions populaires aux figures spirituelles en demande de gratification ou de remerciement. Dans un langage de grande spontanéité tels que ces membres guéris dans des sanctuaires, suspendus et montrés par des infirmes guéris comme preuves de cet état. La tentation de les retirer sous prétexte d'éviter des superstitions ou croyances profanes se pense au nom d'un puritanisme de la foi proche d'un académisme surfait, mais éloigné des croyances elles mêmes en quête de preuves visuelles des témoignages.
La diversité de objets représentés est innombrable. Membres du corps humains, images de la nature, de l'espace et de l'univers en son entier, des outils, des armes, des médailles, des contrats, des échanges, des dons de diverse valeur, des bijoux, de l'or ou des pierres précieuses, en faveur de la divinité et de la part du dédicant en attente de retour. Les confondre avec des talismans ou des reliques quelconques serait inapproprié. La distance surnaturelle entretenue avec l'auteur de la guérison demeure inchangée.
Les ex-voto occupaient jadis dans les églises une place de choix sur les murs placardés de ces mémoriels, portant l'identité des donateurs. Selon les époques ils furent soit pillés, déplacés ou détruits au cours des évolutions heureuses ou chahutées de l'historie passée. Ne demandez pas à un réformateur de placer de tels objets fétiches ou superstitieux dans un temple. Soit, mais on y placera le fanion sportif des Jeux divers dans un coin d'église ou de porche pour "porter bonheur" aux compétiteurs du village ? Rien de nouveau sous le soleil dès lors des ex-voto, sinon quelques rappels au passé qui se répète souvent dans les habitudes. La révolution française suivant les guerres religieuses ont éplumé ces vestiges religieux que des chercheurs réclament désormais pour en comprendre le sens, les affections de santé en présence, les conduites à risque existant les ayant provoqués.
En somme l'historique des causes et de leurs effets sur les individus.
L'ex-voto prend des formes nouvelles, multiples à l'heure de la communication moderne. Sous le signe des codes envoyés, d'un abord succinct mais suggestif. La communication avec l'éternel se limite aux messages de démonstrations sur les voies publiques. "Point de voto" dans les lieux de culte, mais dans des manifestations sociales ou sportives hors les murs et dans les stades des rencontres. Objets fétiches au roi de la cité qui donne sens et gout à toute rencontre. Un supplément d'âme à l'échange physique et compétiteur de ces matches qui comptent.
En toute tradition religieuse, l'ex-voto est présent. Dans les religions antiques polythéistes et situées à l'origine autour de la méditerranée On trouve comme à Chypre les premiers ex-voto 1000 ans avant JC, de visages de divinités dites païennes dans une filiation impressionnante chez les Etrusques, les Grecs puis les Romains, aux amulettes incalculables portées sur leur corps ou dans leurs sanctuaires aux dieux de l'Olympe qui en la matière sont d'une générosité débordante. Les académiques appellent cette prolifération "théurgicale" car le divin est partout. Il faudra beaucoup de temps pour le retenir dans les sanctuaires dans ces populations tentées de le conserver hors de ces espaces privés ou limités de dévotion populaire.
La mention VSLM traduite en, Il s'est acquitté de son vœu de bon gré comme il se doit, se dit en latin, votum solvit libens merito.
L'ex-voto ne semblait avoir dans le langage guerrier latin la même fonction que dans le parcours chrétien qui suivit. Dans la religion chrétienne la vie tout entière faisait l'objet d'un ex-voto, un vœu infini à Dieu. Au-delà de la demande formelle adressée aux dieux, de son horizon privé. Le christianisme élargit ce champ de rencontres de l'esprit à ses propres saintetés de la foi et de l'église. En christianisant des coutumes plus anciennes sans les dissoudre mais les contenir dans leurs excès on voulut les domestiquer d'usage mais le pouvait-on ?
Les figures guerrières du passé ne disparaissant totalement du tableau initial de ces ex-votos aux allures d'oriflammes étendards de la foi spartiate, on les retrouve dans la ferveur de certains courants religieux contemporains où leurs épures font leur retour. La foi de combat s'incarne dans leur message, Il se revigore et se revivifie et se répète encore. L'ex-voto y prend un visage suggestif et téméraire. On le découvre lors de pèlerinages comme celui de Chartres de cette année 2024. Au nom de la foi chrétienne il ne faut cesser d'armer son bras, son cœur et sa raison que le modèle du vœu personnel n'a rien perdu mais se partage avec les autres fidèles de la foi au prix des risques encourus pour le préserver !
Un tel paysage religieux draine ses antipathies ou sympathies. Ce qui semble superstition ou imagerie populaire est entravé par le refus des bien sachants mais de fait l'ex-voto reste le catalyseur d'une soif de vie spirituelle inassouvie par le jeu des utopies frelatées de publicistes de la religion qui prennent parfois le parti de le diffamer en caricaturant le sacré, des images pieuses simples mais inspirées pour leurs auteurs !
Le rappel par le pape François du Sacré-Cœur de Jésus d'origine bien française dans la tradition de François de Sales et de ses émules ne saurait être un ex-voto XXXL disent les plus jeunes d'entre nous aujourd'hui dans leur langage spontané. Mais ce corps humain portant un cœur de sang et de feu parle au monde des ténèbres et de la nuit, des guerres et des épidémies, de la violence et des emportements. L'Ex-voto ne semble avoir perdu de sa vertu d'évocation et de force intérieure. Le vertueux en quête de sens en trouve une réponse. La sienne !
En Pays Basque, la signature d'un nom de ferme accolé au patronyme fut l'empreinte indélébile du linteau de la maison des plus heureux dont on peut trouver au cimetière son pendant en basque. Une espèce d'ex-voto signant l'alliance ou la promesse entretenue "etxian eta hobian" chez soi et en sépulture de son vivant et pour sa vie prochaine. Les plus lotis disposant de vitraux dans l'église même offerts comme dons par excellence pour la postérité et le patrimoine spirituel de l'espace sacré. Sans méconnaitre sous le manteau de toute entrée de ferme ou de la cheminée décorative gravée dans la pierre de La Rhune ou noire du pays, la réplique du nom de la maison d'origine. Les vieilles demeures patrimoniales l'ont conservé dans leur architecture rénovée. Les plus récentes ont par trop de fois renoncé à doubler le nom en basque de celui des habitants en français ou en patronymie courante.
L'ex-voto prend des figures multiples, anciennes ou plus contemporaines. Le jardin attenant d'une villa peut s'enrichir d'objets symboliques ayant appartenu aux anciens de la famille. Références symboliques de métiers perdus, de souvenirs venus d'ailleurs, ou d'histoires personnelles ajoutées au fil du temps à cet espace habité et contemporain.