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Spiritualité
Paul de Tarse et les femmes dans la primitive Église
Paul de Tarse et les femmes dans la primitive Église

| François-Xavier Esponde 1224 mots

Paul de Tarse et les femmes dans la primitive Église

Photo de couverture : Paul remettant à Phébée la Lettre aux Romains, sublime mémorial de la foi des origines, gravure sur bois de 1877 d'après un dessin  de Julius Schnorr von Carolsfeld

Elles existent nominalement dans les Epitres de Paul et occupent des fonctions dans l'église des premiers temps apostoliques. Leur nom et leur fonction apparaît avec le recul de quasi deux millénaires désormais. Paul envoie des lettres de sa main aux communautés naissantes et cite une quarantaine de noms dont la moitié sont des femmes. Elles avaient donc connaissance de la lecture parfois avant même les hommes et la réception de ces lettres se faisant par elles. 
Par des statuts différents celui de disciple, de missionnaire et de femme de soutien, elles se nomment ainsi Phébée, Prisca, Junia et Lydie.  Paul donnera à la première le prénom de "prostatis" comprenez en latin la patronne, car elle ouvre sa maison aux chrétiens et reçoit les visiteurs venus et messagers de Paul ; elles sont  ainsi diaconnesses, car prêtant leur concours à la diffusion de la bonne parole des évangiles encore méconnue. 

C'est bien à ces proches que Paul confie sa Lettre aux Romains que ces personnes désignées auront mission de lire et de commenter dans les premières communautés. Prisca et son mari Aquilas hébergent Paul et l'engagent dans leur programme de "fabrication de tentes" ? C'est bien à eux deux, "compagnons de travail en Jésus Christ", que Paul demandera de parfaire la formation d'Apollos qui saura prêcher avec compétence sur le chemin du Seigneur. Junia reçoit de Paul la qualité d'apôtre et connaîtra avec lui la prison. Quant à Lydia elle est commerçante en étoffes de pourpre, comme de tradition en Orient : elle reçoit chez elle Paul à Philippes. De toute évidence, influente dans les affaires du monde et de l'Église ? 

Le caractère de ces femmes citées dans les épitres demeure dans leur personne et les fonctions qu'elles occupent. Leur maison est la primitive église, faute d'autres espaces encore inexistants, jusqu'au IIIème siècle. Ces "églises de maisonnée" sont le premier espace de la christianisation, dit l'historienne Marie Françoise Baslez : travaillant ensemble, hommes, femmes, esclaves et visiteurs chez l'habitante, à sa table et sous ses toits !

Le propre de Paul est celui de Jésus auprès des femmes, tel que rapporté par les Actes des Apôtres. Il les met sur le même pied d'égalité que les hommes. Elles ont donc la légitimité d'assumer toute mission dans l'assemblée, la présidence des communautés, et sans doute la prière à l'époque où n'existe point de clergé mais des fidèles de la foi reçue par les missives apostoliques. Une attitude révolutionnaire, semble dire la bibliste Roselyne Dupont Roc. Citant le nom d'une femme parfois avant celui d'un homme, contrairement aux usages civils en cours en ce temps là. Destinant aux femmes le pouvoir de prier et de prophétiser, Paul place cette disposition en seconde place dans la hiérarchie des charismes. "Il n'y a plus ni juif, ni grec, il n'y a plus ni esclave ni homme libre, il n'y a plus l'homme et la femme car tous vous ne faites plus qu'un dans le Christ Jésus". De quoi cependant déranger les usages d'hier et d'aujourd'hui encore dans nos vénérables institutions !

Paul ne renonce pas à exercer une autorité face à des débordements possibles. Il demande aux Corinthiens et Corinthiennes dès lors de contenir leurs conversations, de savoir tenir leur langue et observer le silence, 1 Co 14, 34-35. On se croirait à Corinthe. Quand les disciples dépassent les bornes, Paul perd patience, et tranche en argumentant ainsi, que la femme doit faire profil bas. De quoi distinguer dès lors le sentiment que tout se résout sans débordement, et sans concession ?

Alors pour les exégètes se pose la question : toutes les lettres attribuées à Paul sont-elles de lui ? La réponse des experts est celle ci, sept des 14 sont signées de Paul, rédigées entre 49 et 59 de ce temps béni de Jésus Christ. Les autres Lettres ayant été rédigées entre 62 et 67 après sa mort, sous son patronage comme d'usage sous l'inspiration du prophète lui même, on eut tort de manquer d'entregent pour se valoir de la ferveur de la pensée d'un génie comme celui de Paul de Tarse au parcours spirituel exceptionnel !

Les Epitres aux Colossiens, aux Ephésiens et la seconde Lettre aux Thessaloniciens sont les écrits des disciples de Paul autour de 90. Et comme le génie est prolifique encore le premier siècle a produit Les Lettres à Tite, à Timothée et aux Hébreux sans citer ces Apocryphes que l'on aime parcourir comme par enchantement, sachant que leur témoignage aux périphéries est rapporté et si utile. Ceux qui furent conservés et sans doute les disparus.

Le monde de Paul a changé par rapport à celui des évangélistes, avec la croissance des églises qui s'émancipent des communautés juives et leur institutionnalisation progressive autour du pouvoir de décision et de gestion propre de ces "confréries chrétiennes".

Mais avec en conclusion l'accroissement des communautés premières en nombre de ses fidèles dit Roselyne Dupont Roc, les hommes reprennent la gouvernance de l'institution. Car d'une définition sommaire, l'autonomie des femmes, leur liberté acquise et celle des esclaves reconnus irritent les pouvoirs en place qui en pressentent le risque de contestation de l'autorité et de la révolte sociale.

La vie du monde en donne chaque jour des exemples récurrents. Le pouvoir ne se partage plus quand la menace de le voir écorné prend le pas sur les meilleures intentions.

Utilisant les arguments de Paul à la fois pour préserver le droit des femmes de disposer de leur liberté de croire, ou de l'instruire d'interdits anciens, permet encore de faire dire à l'apôtre, "je ne permets pas encore à une femme d'enseigner ni de dominer son mari, mais qu'elle reste dans le calme", versus 1 Ti2, 12.

Différents procédés auraient été utilisés selon la théologienne Sylvaine Landrivon comme "la mauvaise traduction" dans la première Lettre aux Corinthiens 1 Co 11, 10 rapportant "voilà pourquoi la femme doit avoir sur la tête un signe de sujétion", en faisant dire au mot grec utilisé le sens de sujétion qui n'est pas originellement celui de l'autorité !

Mais encore en restaurant le voile chez les femmes, Paul ne veut d'une quelconque confusion avec des rites païens, Mais encore la masculinisation de Julia en Julias devenu homme, de nouveau genre, est flagrante chez ces révisionnistes de ce temps ancien.

Une tentation de toutes les époques !

Autre exemple cité, dans la Lettre aux Ephésiens 5, 22, Paul explique que les femmes doivent être soumises à leur mari, comme l'Eglise l'est au Christ - bien précisé par la théologienne -. Autrement dit, femmes, n'acceptez pas d'être traitées autrement que le Christ traite l'Eglise. Avec amour et respect absolu. "On est donc loin des prés carrés de l'injonction et de la sujétion autoritaire à laquelle Paul ne donne aucun crédit et rapporte ce lien spirituel à celui du Maître et Seigneur Jésus Christ et au service de l'Eglise sa servante, bien loin des intentions mesquines des ayant droits supposés tels par les évangiles remaniés !

Lors du débat sur la Synodalité, la place des femmes et l'accès au diaconat pour elles, ces thèmes ont retenu le travail des assemblées romaines : la femme et sa place dans l'institution ecclésiale demeurent encore une question en cours de réflexion inachevée.

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