Nous approchons de la fête de la Toussaint. Le moment favorable pour faire réfléchir tout un chacun sur la mémoire et le respect porté aux disparus.
Etxola peut être par sa gravure, ses couleurs, son profil approprié une réponse à un espace mémoriel, un mausolée des cendres humaines (*) conservées dans un lieu approprié, fidèle à la transmission patrimoniale de notre pays jaloux de son identité et de ses traditions en ce sujet.
Pour éviter de toute évidence la dispersion sauvage, la disparité possible du destin réservé aux disparus, par défaut de sépulture ou par négligence..
Le thème fut récurrent dans le droit napoléonien lors de la création des cimetières pour tous, en ce temps jadis où les fosses communes et la pratique primitive de ce souvenir disséminé, faisait école dans nos régions et dans le reste du pays.
Proposer de créer une Etxola dans cette région patrimoniale attachée à la mémoire des disparus après leur crémation (*), peut prendre corps sous la forme d’une maisonnée aux figures de bergerie de montagne.
Par les apparences du fronton minéral qui rappelle l’espace public de la terre commune et villageoise, la façade striée des arkamasak de couleurs rouges du feu, de pans de murs blancs de chaux qui sont le lot habité de la maison basque traditionnelle, de panneaux de couleurs bleues de l’eau des sources à l’origine de la vie, et du vert de toute végétation naturelle de nos campagnes alentour, l’espace mémoriel de l’après crémation prend la symbolique native des éléments universels de la terre, de l’eau, du feu et de l’éther considérés comme fondateurs.
Si la tradition séculaire a perduré autour du caveau et de la sépulture classique des cimetières pour les corps ensevelis, la crémation et les codes du feu envisagent la création originale des monuments appropriés à cet usage innovant du souvenir et de la mémoire de la mort.
La référence consciente de la transhumance du berger de la terre qui change d’altitude au fil de la saison de sa vie, figure les traits d’un automne du passage vers l’ailleurs par cet etxola qui s’isole, et se découvre dans cet ermitage mémoriel contre l’oubli et l’abandon.
Harmonisant les couleurs de lumière du patrimoine architectural retenu dans ce pays des Pyrénées le monument gagnerait à imprimer dans ces teintes traditionnelles les référentiels du travail, de l’environnement, du repos et de la vie par trop absents des sculptures funéraires conventionnelles de nos lieux de mémoire.
A l’image des sépulcres de l’Antiquité habitées de couleurs, de figurants, et d’espèces naturelles qui rendaient habitée ce lieu par la postérité des disparus.
Un changement de mode d’expression de l’après mort, éloigné des codes convenus de concessions uniformes séculaires, peu ou prou personnalisés aux vies antérieures de ces aieux, que le mausolée cinéraire rend légitime et possible au prix d’une créativité artistique adaptée.
Les monuments produits à ce jour pouvant répondre à une urgence momentanée et provisoire, (colombariums aux étages d’immeubles uniformes, de puits du souvenir utilitaire, des modèles de cavurnes spartiates, de jardins du souvenir sommaires), le profil de mausolée des cendres humaines rendrait cet espace reconnaissable, respectable et légitime.
Si pour une partie non négligeable désormais d’une population plus jeune en majorité, la crémation devient un choix personnel de l’après mort, on ne pourra éviter d’en prendre la dimension publique, et générer des projets originaux de monuments qui épousent le paysage patrimonial existant, et lui donnent une force d’âme noble et honorable !
(*) NDLR.: dans cet article qui suit, notre collaborateur F.-X. Esponde aborde un sujet très actuel et qui concerne non seulement les particuliers mais qui « interroge » également les collectivités locales dont on attend qu’elle prennent position sur cette délicate question des « nouvelles mœurs » funéraires qui tendent à se répandre, même dans une contrée de tradition chrétienne affirmée comme l’est le Pays Basque.
En tant que chrétien orthodoxe et croyant, je me contenterai de me référer à l’homélie prononcée après la lecture de l’Evangile par l’archevêque en charge des « paroisses orthodoxes de tradition russe » à l’église du cimetière de Sainte-Geneviève-des-bois il y a une douzaine d’années, lors de la Fête de la Dormition de la Mère de Dieu / à propos de cette fête, voyez mon article dans « La Lettre » du 27 août :
https://baskulture.com/article/dormition-chez-les-orthodoxes-assomption-chez-les-catholiques-4203
Rappelant toute l’humilité et le respect qu’eurent les apôtres pour le corps de la vierge Marie après sa mort, Mgr Gabriel insista sur le fait « qu’en aucune manière un chrétien orthodoxe (remarque également valable pour les catholiques, me semble-t-il, ndlr.) ne doit se faire incinérer après son décès, car tout homme sera amené à être ressuscité dans sa chair pour se présenter devant son Créateur lors du jugement dernier. L’âme quitte le corps après la mort et la tradition chrétienne veut que ce corps soit accompagné par ses proches durant les offices des obsèques, qu’il soit préparé et qu’il soit rendu à la terre d’où il est sorti, car Dieu créa l’homme à partir d’une poignée de terre ». Alexandre de La Cerda