1 – Eglise de deux millénaires continus.
Comment expliquer la longévité de l’Eglise au fil de deux millénaires sans approcher les fonctions auxquelles elle est appelée par vocation, ou charge accordée aux baptisés et à l’institution comme telle dans le monde.
Selon le Droit canonique l’institution a trois missions - dites “tria munera” en latin - auxquelles tout baptisé est appelé selon son charisme, ses délégations ou sa vocation.
Enseigner ou assurer la transmission de la foi, sanctifier sa qualité spirituelle ou partager dans l’intelligence des Ecritures sa mission, et gouverner suivant le Droit et les législations publiques en usage, l’Institution en constante évolution historique depuis son origine.
Enseigner en langage contemporain relève de l’éducation publique de tout état en responsabilité civique de ses sujets.
Il en est de l’église suivant le verset de l’évangile de Marc par “l’envoi des onze apôtres, par le monde entier prêcher l’évangile à toute création” Marc 16,15.
Le pape François le rappelle dans la Joie de l’Evangile en ces termes : “Le bien tend toujours à se communiquer. Chaque expérience authentique de vérité et de beauté cherche par elle même son expansion et chaque personne qui vit une profonde libération acquiert une plus grande sensibilité devant les besoins des autres.”
Paul de Tarse résumait par des formules saisissantes sa ferveur intime : “L’amour du Christ nous presse”, “Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile”
Corinthiens 2 et 1…
Tel fut le cas au fil du temps envers et contre toute espérance qui pour les premiers disciples devait se réaliser dans l’imminence du retour en gloire du Ressuscité, mais devint un horizon long, durable et continu de l’histoire de l’Eglise.
Parmi les trois fonctions du chrétien enseigner, instruire ou éduquer l’enseignement demeure une règle vitale de la foi comprise, rendue intelligible et compréhensible pour tout homme.
Le Concile Vatican II le dernier de la série rappelait que l’annonce est première dans toute mission ecclésiale quelles que fussent les circonstances et les contraintes auxquelles cette fonction est appelée.
C’est en annonçant que se constitue et grandit le Peuple de Dieu – Presbyterorum Ordinis N 4.
Sans cette base fondatrice de toute appartenance collégiale, la gouvernance et la sanctification personnelle seraient inaudibles.
De cette façon l’enseignement traverse les barrières des cultures et des nations du monde.
Jésuite de formation, le pape François le rappelle avec assurance dans Evangelli Gaudium, la joie de l’évangile “pour ceux qui le reçoivent et ne peuvent pas, ne pas la partager”.
Enseigner serait-ce acquérir un savoir scolaire, universitaire, mandaté et reconnu comme tel ? Par des sachants qui sont en mesure de développer une école de la foi bien assise et graduée par des diplômes ?
Telle fut parfois au cours du temps la difficulté admise des candidats à la foi universitaire et celle de l’exercice quotidien du partage par les oeuvres et les services.
On se plairait à comparer de la sorte les œuvres de mère Thérésa ou de sœur Emmanuelle en Egypte avec les études savantes des disciples de Thomas d’Aquin, des universités de la Sorbonne médiévale parisienne, relisant le propos reçu de Jésus : “Père - Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange, ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits” Mt 11, 25
2 - Le paradoxe peut être le paroxysme de la comparaison toujours possible.
Quoi de commun entre le missionnaire sillonnant la forêt amazonienne, au milieu des tribus indigènes, et le père Teilhard de Chardin dissertant sur l’Univers de l’alpha et de l’oméga du Cosmos ?
Il faut s’y résoudre par adhésion, si l’Eglise est appelée à enseigner, c’est à la suite du Christ et à sa manière qu’elle peut et doit le faire, rapportent les penseurs théologiens de la Foi, car Lui, et Lui seul, accomplit pleinement les dimensions de l’enseignant, du messager et du gouvernant de la parole divine, en son essence première.
On désigna dans l’histoire de l’église au fil du temps, cet horizon du terme de Royaume de Dieu, dans la réalité concrète de toute vie des hommes. Il faut avouer sans fausse modestie que de telles circonstances furent parfois périlleuses pour son destin, mais ne furent jamais définitives pour sa survie.
Pour ceux qui enseignèrent parfois l’athéisme comme doctrine et comme pensée positive du savoir de l’esprit et que les mêmes parfois, devinrent de nouveaux convertis renversant leurs certitudes philosophiques d’antan, il semble difficile d’y trouver son latin, et d’en saisir les raisons sinon dans les us d’un royaume subalterne d’intérêts immédiats, bien éloignés des fins dernières de la vie chrétienne.
On se plaît alors à accorder aux pauvres de coeur et parfois d’esprit le bénéfice des témoins de l’évangile, car leur pratique humaine est basique, expérimentale, et sans prétention au regard des pédants de la foi qui se perdent en leurs conformités.
Le quotidien de toute vie de croyant est une annonce approchée d’un royaume à venir et non advenu, somme toute l’aveu même que sa réalité est prochaine et non contenue pas même dans les meilleurs traités de la foi universitaire, universelle pour leurs auteurs, et par trop souvent contestés par leurs propres disciples au fil du temps à venir.
Telle semblerait la mission prophétique de la foi inachevée, incomplète laissant à l’esprit la légitimité d’y répondre, si pour le cas nous concédons à nous placer sous son impulsion et son rayonnement.
3 – Synodalité en cours.
Le travail de synodalité actuel demandé par le pape François est de toute évidence dans le profil papal de la réforme de la Curie en cours actuellement, et des méthodes d’évangélisation appliquées ou applicables à l’avenir, d’une foi chrétienne qui doit apprendre de la vie actuelle est tout à la fois, qu’enseignée par la doctrine chrétienne, le bénéfice au regard intangible ou inamovible des postures figées de l’inattendu de l’histoire.
Le Concile Vatican II invitait à réévaluer la place du baptisé quel que soit l’instruction de sa foi, et les fonctions acquises dans la vie sociale, idée reprise dans Evangélii Gaudium - N 120, renonçant de la sorte à départager ceux qui savent comme des acteurs compétents et ceux qui assurent comme des témoins engagés, le bénéfice de la foi en deux mondes séparés par leur statut ecclésial.
On ne remplacera jamais, de fait, la singularité de l’enseignant/enseigné dans l’institution ecclésiale, mais il sera bien légitime désormais de requalifier de l’intérieur de la vie communautaire les apôtres des périphéries sociales qui parfois au péril de leur vie, s’exposent à la critique, au défi de l’adversité et à l’incompréhension des plus ardents défenseurs d’une forteresse assiégée. De ceux qui priorisent de la sorte leur engagement chrétien par l’exclusif.
Les sages et doctes savants appellent cette attitude le discernement nécessaire aujourd’hui des qualités nécessaires pour témoigner de la foi sans l’imposer, instruire des raisons de croire sans les dicter comme des règlements autoritaires et sans discussion préalable.
En somme, rendant toute foi juste et son expression libre à toute vie humaine, selon les facultés de l’entendre, d’y adhérer ou d’y renoncer !
Le pouvoir religieux devient une école d’apprentissage et du service là même ou il pouvait sembler de droit divin, de peu de contestation ou de débat possible. Aucune institution ne pouvant s’y résigner, l’institution ecclésiale est soumise comme toute autre, à cette conduite éclairée des dialogues nécessaires pour parachever par la persuasion la foi des fidèles ; elle préfère cette posture intelligente à l’exercice autoritaire d’une doctrine qui ne pouvant parvenir à quelque fin, pourrait se muter en une allergie collective contre une pensée d’interdits et de peu de recommandations libres et réfléchies de la vie chrétienne.
Les moyens de la communication médiatique contemporaine rendant la chose plus universelle et plus commode, le risque le moins avoué serait de fait d’admettre cette confrontation directe ad extra de tels débats de l’exposé de la foi, soumise à des auditoires extérieurs nouveaux, là où jusqu’à une époque récente les échanges se déroulaient ad intra, entre gens de même origine, horizon ou de pensée approchée.
Enseigner pour l’Eglise ne pouvant faire l’économie de la méthode et des techniques de la communication directe avec tout consommateur de l’information religieuse, l’institution comme toute autre en situation, se voit confrontée à ce défi moderne qui n’existait guère il y a cinquante ans, ni pour elle, ni les Pères Conciliaires de Vatican II.