Le Pays basque est connu pour son cidre ou sagarno, littéralement « vin de pomme », produit dès avant la conquête romaine. Il l’est en revanche un peu moins pour son vin, ses vignobles, ses cépages. Des coteaux de l’Alava aux terrasses navarraises, des flancs de l’Arradoy aux collines encadrant le port de Getaria, petit tour d’horizon de l’incroyable diversité des vignobles et terroirs de notre pays.
Commençons par la Basse-Navarre et la dépression géologique du pays de Cize où nous rencontrons de petites parcelles de vigne, éparses.
Si l’on sait que les Celtes (les Bituriges Vivisques, implantés à l’emplacement de la future agglomération bordelaise furent les premiers à cultiver la vigne à partir des vignes sauvages importées du piémont pyrénéen, en particulier du Pays Basque où elles ont donné les variétés hondarribi xuri ou beltza, ndlr) ont précédé les Romains dans notre région, c’est au XIIème siècle, avec le développement du pèlerinage pour Saint-Jacques-de-Compostelle, qu’apparut le vignoble d’Irouléguy. Les moines de l’abbaye de Roncevaux en sont à l’initiative, eux qui souhaitent proposer aux milliers de courageux cheminant sur le Camino francès de quoi leur redonner foi et courage. Le vignoble se concentre autour des prieurés d’Irouléguy et d’Anhaux, à une altitude comprise entre 200 et 450 m. A la fin du XVIIème siècle les habitants du territoire prennent la suite des religieux et développent le vignoble qui s’étend en 1850 sur près de 1700ha. La centaine d’année qui suit est marquée par le déclin : le phylloxéra, le déficit de main d’œuvre suite à l’exode rural conduisent à une réduction de la zone de production. Le renouveau viendra après la Seconde Guerre Mondiale grâce aux efforts de passionnés qui créent le Syndicat de défense des vins d’Irouléguy, la Cave Coopérative (1952) et l’AOC dix-huit ans plus tard. Les contours de cette dernière se voient élargis en 1995 pour atteindre 1200 ha. Les cépages de l’Irouléguy sont composés de Cabernet Franc, de Cabernet Sauvignon et de Tannat (dit « le Bordelais noir ») pour les rouges, et de Gros Manseng, Petit Manseng et Courbu (dit « blanc serré ») pour les vins blancs.
Outre-Bidassoa
Continuons notre périple en direction du Pays Basque Sud et longeons la côte du golfe de Biscaye. A partir de Fontarabie, Donostia / San Sebastian et Zarautz apparaissent les premiers ceps de vigne.
Le Txakoli est produit sur trois provinces d’Hegoalde : le Guipuzcoa, la Biscaye et l’Alava. C’est un vin majoritairement blanc, dont l’origine remonte au Moyen-Âge et longtemps produit de façon tout à fait confidentielle. C’est toujours le vin de l’année que l’on boit, servi avec la bouteille haute pour bien l’oxygéner. Au XVIème siècle, on charge des tonneaux de txakoli sur les bateaux en partance pour les campagnes de pêches car il protège, dit-on, du scorbut. Le XXème siècle voit venir une période de déclin avant la reprise de l’expansion du vignoble dans les années 1980, résultante de la recherche de qualité qui permet au txakoli d’obtenir la certification Denominación de Origen (D.O.). Ses notes fruitées, son pétillant font de lui le compagnon idéal des pintxos, des poissons grillés ou, plus étonnamment, des sushis ! Les vins de txakoli sont pour leur majeure partie issus d’une variété de raisins blancs originaires du Pays Basque, Hondarrabi Zuri, parfois complétée, comme l’autorise la loi, par du Gros Manseng, du Petit Manseng et du Petit Courbu.
Direction le Sud, maintenant, et la province de l’Alava où l’on trouve la plus petite des trois régions viticoles de la Rioja.
Avec les vins de la Rioja Álavesa, on effectue là-encore un saut de deux mille ans dans le passé. Des vestiges de bodegas datant de l’époque romaine ont en effet été mis à jour dans cette partie méridionale du Pays Basque. Le vignoble se développe sur 13 000 ha dans un espace au microclimat singulier, à la rencontre des influences océaniques et méditerranéennes. Cela donne des vins de grande qualité, les rouges sont parmi les plus corsés et les plus aromatiques de toute l’Espagne. Les méthodes d’élevage du vin, empruntées à la région de Bordeaux et importées au XVIIIème siècle par le religieux Don Manuel Esteban Quintano y Quintano y ont été perfectionnées au XIXème siècle. En 1926 c’est la reconnaissance avec l’officialisation de l’appellation Rioja. Les cépages sont composés à 80% de Tempranillo (de temprano en espagnol qui signifie tôt), considéré comme le cépage autochtone de la Rioja.
Plus à l’Est, nous voici en Navarre, vestige de l’ancien royaume du même nom.
Des traces de vignes sauvages datant de la préhistoire ont été exhumées dans la province, c’est dire si la tradition viticole ne date pas d’hier. Les romains développent l’activité puis les monastères reprennent la gestion des vignes au Moyen-Âge. Jusqu’au XIXème siècle, la croissance de l’espace travaillé est exponentielle (jusqu’à 50 000ha) mais à l’aube du XXème siècle, des maladies comme la rouille ou le phylloxéra font des ravages. Les premières années du XXème siècle voient la reconstitution du vignoble. De nos jours, ce sont 17 500 ha répartis sur 125 municipalités, et une cinquantaine de coopératives qui assurent la plus grande partie de la production. La province donne également des vins en D.O. Ca Rioja et des vins effervescents sous le label Cava. Les cépages sont composés en majorité de cépages locaux : Tempranillo, Garnacha, Viura pour les blancs. Le Moscatel complète parfois cette gamme, pour donner un vin plus alcoolisé, au goût particulier.
A noter encore le domaine Egiategia, seul vignoble du Labourd, planté sur la corniche basque entre Saint-Jean-de-Luz et Hendaye. L’œnologue et ingénieur agronome Emmanuel Poirmeur intrigue par le choix du territoire sur lequel il plante ses ceps, mais surtout par la méthode de vinification retenue : les cuves, placées sous haute surveillance, sont immergées à 15 mètres de profondeur dans la baie de Saint-Jean-de-Luz pour donner un vin plus gazeux que ceux produits à terre.
Bixente
Informations tirées de l’ouvrage « Vins et vignobles du Pays Basque », ed. Arteaz, Guillaume Dufau, 112p.