La jeune et déjà réputée pianiste donostiar Judith Jauregui qui avait débuté ses études au Conservatoire de Saint-Sébastien, n’avait pas hésité à réaffirmer : « En ces temps de tragédie et de guerre, la musique est plus nécessaire que jamais »...
Il semble bien que son message de paix n’ait été réellement entendu, du moins en Europe, si l’on en juge par des attitudes et des actions littéralement « délirantes » :
C’est ainsi que la Scala de Milan a intimé l’ordre au célébrissime chef d’orchestre Valéry Guerguiev de prendre position dans le conflit russo-ukrainien, faute de quoi il ne pourrait pas diriger les représentations en mars de l’opéra « La Dame de pique ».
Et pour sa part, le Carnegie Hall de New York a décommandé Guerguiev pour les trois concerts qu’il devait donner à la tête du Philharmonique de Vienne !
Quant à la Philharmonie de l’Elbe, elle a carrément lancé un ultimatum à Guerguiev afin qu’il « se prononce contre Poutine s’il voulait diriger l’orchestre ».
Puis la Philharmonie de Rotterdam.
Puis la Philharmonie de Munich
Et le concert de l’orchestre philharmonique de Zagreb qui avait programmé trois œuvres de Tchaïkovsky… Et bien en raison de la guerre en Ukraine, il avait remplacé deux des trois œuvres prévues, l’une par une pièce de Beethoven, mais pas le concerto pour violon de Tchaïkovsky qu’il a conservé car le soliste invité aurait pu faire payer cher cette rupture de contrat…
Pour sa part, le Royal Opera House de Londres qui avait déjà annoncé fin février avoir annulé les représentations du Ballet du Bolchoï prévues cet été, vient d’annoncer à présent que « compte tenu de la situation actuelle en Ukraine, il n'était pas possible pour le moment pour Pavel Sorokin, chef de l'Orchestre du Bolchoï, de diriger en tant qu'invité le Royal Ballet ».
On ne lui a même pas demandé son opinion, on ne lui a pas signifié d’ultimatum. Il est viré pour la seule raison qu’il est russe… Pavel Sorokin était régulièrement invité par le Royal Ballet depuis 2007.
Dans une université italienne on a annulé un cours sur Dostoïevski !
Quant à Tugan Sokhiev (notre photo), chef du Bolchoï à Moscou et directeur musical du Capitole de Toulouse, et bien le maire de Toulouse l’a sommé de choisir entre ses deux postes, et dans la foulée a supprimé le festival franco-russe que Tugan Sokhiev avait créé dans la ville rose où il avait pris la succession de Michel Plasson en maintenant la renommée mondiale de l’Orchestre avec des centaines de concerts à la Halle aux grains et ailleurs.
D’ailleurs, le concert que Tugan Sokhiev devait donner avec Baiba Skride à Toulouse le 18 mars est annulé ; celui prévu le 25 mars, avec notre chœur basque Orféon Donostiarra est maintenu, mais avec un chef remplaçant dont le nom sera annoncé prochainement.
On croyait pourtant (sans doute à tort) que la musique adoucissait les mœurs...
Avec sa démission, Tugan Sokhiev n’a pas manqué, dans sa réponse, de dénoncer la dictature qui se répandait insidueusement contre les artistes russes. Car, dans le même temps, la talentueuse soprano Anna Netrebko a été congédiée du Metropolitan Opera de New York pour « n’avoir pas condamné Poutine ». Elle avait dit clairement « qu’elle était contre la guerre, mais ce n’était pas suffisant »…
Avec beaucoup de dignité, Tugan Sokhiev a indiqué qu’il n’avait « jamais soutenu aucun type de conflit. Je ne les accepte sous aucune forme ou manifestation. Le fait que quelqu’un puisse douter de mon désir de paix et penser que moi, en tant que musicien, je puisse un jour plaider pour autre chose que la paix dans notre monde est choquant et insultant.
Au cours des différents événements géopolitiques catastrophiques auxquels l’humanité a été confrontée ces vingt dernières années, au fur et à mesure de l’évolution de ma carrière professionnelle, je suis toujours resté aux côtés de mes collègues musiciens, et nous avons toujours apporté et exprimé ensemble notre soutien et notre sympathie à toutes les victimes de ces conflits.
C’est ce que nous, les musiciens, faisons : nous exprimons nos pensées par la musique, nous disons des choses émouvantes par la musique, nous réconfortons ceux qui en ont besoin par la musique. Nous, musiciens, avons la chance de pouvoir parler cette langue internationale qui peut parfois exprimer plus que tous les mots connus de la civilisation.
Je suis toujours très fier d’être un chef d’orchestre d’un pays à la culture aussi riche que la Russie, et je suis également très fier de faire partie de la vie musicale française depuis 2003. C’est ce que fait la musique. Elle relie des personnes et des artistes de différents continents et de cultures opposées, guérit l’âme des gens et donne l’espoir d’une existence pacifique sur cette planète.
La musique peut être dramatique, lyrique, drôle, triste, mais jamais offensante ! Je l’ai constaté à travers une collaboration fructueuse avec le grand orchestre de Toulouse. Mon formidable ensemble du Théâtre Bolchoï me le prouve chaque fois que je dirige des représentations en Russie ou lorsque nous sommes en tournée en Europe.
Tant à Toulouse qu’au Théâtre Bolchoï, j’ai régulièrement invité des chanteurs et des chefs d’orchestre ukrainiens. Nous n’avons même pas pensé à notre nationalité. Nous aimions faire de la musique ensemble et faire partie du monde musical. Et aujourd’hui, notre position est la même.
C’est pourquoi j’ai lancé le festival franco-russe de Toulouse : pour montrer à tous que les peuples de France et de Russie sont liés historiquement, culturellement, spirituellement et musicalement et que je suis fier de ce lien entre nos deux grands pays que j’aime.
Aujourd’hui, ce festival est combattu par les autorités de la ville de Toulouse. Quel dommage ! Je pense que ce festival peut davantage contribuer à établir des relations amicales que des déclarations politiques.
Ces derniers jours, j’ai été témoin de ce que je pensais ne jamais voir de ma vie. Aujourd’hui, en Europe, on me force à faire un choix et à préférer un membre de ma famille musicale à un autre.
Je suis obligé de choisir entre deux traditions culturelles.
On me force à choisir un artiste plutôt qu’un autre.
Je suis obligé de choisir un chanteur plutôt qu’un autre.
Bientôt, on me demandera de choisir entre Tchaïkovski, Stravinski, Chostakovitch et Beethoven, Brahms, Debussy. C’est déjà le cas en Pologne, un pays européen où la musique russe est interdite.
Je ne peux supporter de voir mes collègues – chefs d’orchestre, acteurs, chanteurs, danseurs, réalisateurs – menacés, méprisés et victimes de la « cancel culture ». Nous, les musiciens, avons une chance exceptionnelle, en jouant et en interprétant ces grands compositeurs, de contribuer à préserver l’humanité, à la maintenir dans la bonté et le respect de l’autre. Nous, musiciens, sommes appelés à utiliser la musique de Chostakovitch pour rappeler les horreurs qui ont frappé l’humanité pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous, les musiciens, sommes des ambassadeurs de la paix. Au lieu de nous utiliser, nous et notre musique, pour rassembler les nations et les gens, ils essaient de nous diviser et de nous ostraciser en Europe ».
Et le ridicule atteint son comble en Espagne où le parti socialiste de Galice exige du maire (Partido Popular) de Vilanova de Arousa, Gonzalo Durán, de retirer une cloche offerte par la Russie, par l'intermédiaire de son ambassade... (sur notre photo ci-contre, l'ambassadeur de Russie Yuri Korchagin, à gauche, fait sonner la cloche avec le maire de Vilanova, Gonzalo Durán).
Tant qu’on y est, et pour parfaire le tout, pourquoi ne pas en appeler au boycott des entremets « franco-russes », si tant est qu’ils existent encore... Si le ridicule tuait, il n'y aurait plus assez de bois pour fabriquer les cercueils.