L’histoire commence par une belle journée ensoleillée place Henri de Navarre à Saubusse. Cette place a été dénommée ainsi, car en 1565, le futur Henri IV embarquait au port de Saubusse pour rejoindre Bayonne par le fleuve Adour. Il accompagnait le roi Charles IX et sa mère Catherine de Médicis, régente.
Le roi Charles IX voyageait alors dans tout son royaume pour apprendre à bien le connaître. Henri de Navarre, le cousin gascon, avait été invité à les rejoindre.
En cette fin de matinée du 2 juin 2018, les Sibusates recevaient les élus et dignitaires du territoire venus inaugurer le chemin de halage, l’un des chemins de Compostelle.
Après les discours et l’inauguration officiels, un petit groupe de Sibusates parlait avec animation de l'histoire locale. Tursan et autres breuvages aidant, la conversation s’orientait autour du fleuve Adour et de son pont construit en 1882 par Eugénie Desjobert afin de relier facilement les rives du fleuve.
Ils évoquaient aussi les embarcations qui jadis devaient être légion dans le port de Saubusse :
"Ici on les appelait des galupes... On devrait en reconstruire une... Quelle taille et comment la construire, y a-t-il des plans ?"
Les idées fusaient et l'on se prenait à rêver qu'une galupe passerait à nouveau sous le pont Eugénie Desjobert. D’autant plus qu’à Saubusse, un nouvel habitant, Gilles Lecrecq, venant d’une terre de marins, était un professionnel de la maintenance et construction marine...
Quelques jours plus tard, suite à des recherches sur les bateaux de l’Adour, apparaissait l’information qu’à quelques encablures de Saubusse, au village de Guiche, une galupe nommée "Bayoune" agonisait lentement sur une cale envasée au bord de la Bidouze, affluent du fleuve.
Une prise de contact du maire de Saubusse, Didier Sarciat avec Yves Bussiron, maire de Guiche, permettait de retrouver son propriétaire. Une rencontre était organisée au port de Guiche entre les Sibusates et les intéressés locaux. Bayoune ne demandait qu’une chose, reprendre du service et retrouver son fleuve !
Après quelques négociations avec Barthélémy Savary, président de l’association Val D'Adour Maritime propriétaire du navire, Saubusse rachète Bayoune pour l’euro symbolique, les ancres disparues et le gouvernail de Bayoune lesté de sa pierre de Bidache étaient retrouvés par un plongeur de l'équipe au fond de la Bidouze, et le 13 août 2018, jour de grande marée, "Bayoune" était tractée par des pêcheurs du fleuve pour rejoindre Saubusse, son nouveau port d'attache.
Le traditionnel ex-voto, identique réplique de la galupe Bayoune, était réalisé afin de la sous la protection de l’église Saint Jean-Baptiste de Saubusse et il ne manquait même pas l'aide d'une équipe de marins du chantier naval d’Albaola à Pasaia venus sur place avec leur directeur Xabier Agote !
Et la semaine dernière, la première phase du calfatage de Bayoune a été réalisée par une douzaine de spécialistes venus d’Albaola.
Et le plus heureux de cette progression est sans conteste l'adjoint à la culture bayonnais Yves Ugalde qui écrit sur son blog : "le 23 juillet. Notez ! Bayoune, par l'Adour bien sûr, retrouvera nos rives et le pied de l'hôtel de ville sous les vivats et les honneurs de tout ce qui est susceptible de flotter à la ronde, des bâtiments de guerre aux moindres gabarres. Trois jours avant les Fêtes de Bayonne, je ne vous dis pas le bonheur que ce sera de retrouver l'enfant prodigue !"
Galupiers et pane yambouns
Au temps où les arceaux des quais sur la Nive plongeaient directement dans l'eau de la rivière, une animation extraordinaire régnait parmi les métiers des chantiers navals et de la batellerie, charpentiers de navires, avironniers et tonneliers réunis en corporations. Depuis le Moyen-Âge, ils avaient coutume d'accompagner en armes la procession de la "fête du Sacre" ou Fête-Dieu avec leurs habits et leurs étendards.
Les galupiers (du nom de la galupe, cette embarcation à fond plat de la famille des gabarres) ont ainsi donné leur nom au Quai Galuperie.
En fait, le terme « Galupe » désignaient jusqu’au XVIIIème siècle, aussi bien un bateau de pêche que de transport sur les Gaves et sur l’Adour. C’était l'appellation gasconne des anciennes gabarres. Cette barque à fond plat était utilisée pour le transport fluvial des marchandises dans les Landes de Gascogne jusqu'au début du XXème siècle.
Construites en chêne, les galupes mesuraient de dix à vingt-cinq mètres de long sur quatre à cinq mètres de large, pesaient quinze à vingt tonnes et pouvaient emporter jusqu’à soixante-dix tonnes de marchandises. La poupe, de forme carrée et relevée, offrait un abri de fortune. La forme de la proue, pointue et relevée, facilitait l'accostage.
C’étaient des barques à fond plat, de faible tirant d'eau pour éviter le piège des hauts-fonds sablonneux des rivières. arrière carré et relevé portait un long aviron de queue en guise de gouvernail, et sous son pont, un abri habitable, l'escapuchote.
Elles descendaient la rivière en s’aidant du courant et la remontaient au halage. Les plus grands modèles étaient équipés de bancs fixes, utiles pour les manœuvres. Plus rarement, certains modèles étaient munis de voiles.
La descente en trois jours de la Midouze et de l’Adour depuis l'ancien port de Mont-de-Marsan, facile et peu onéreuse, s’effectuait via Tartas et Dax jusqu’au port de Bayonne. La remontée était plus compliquée : tirée « à cordelle » depuis le chemin de halage par des bœufs, le bateau exigeait parfois d’énormes avirons.
Les galupiers (c’est-à-dire les bateliers qui naviguaient sur des galupes) et qui ont donné leur nom au Quai Galuperie étaient groupés en confréries qui tenaient assemblée au cloître du couvent des Cordeliers sur l'emplacement duquel sera édifié l'Arsenal.
Préposés au transport fluvial des marchandises, galupiers et gabarriers avaient parfois mauvaise réputation car certains avaient l'habitude de prélever une petite dîme, une "pugnè" ou poignée sur les vivres qui leur étaient confiés. En particulier le jambon qui était transporté sur les Gaves et l’Adour jusqu'à Bayonne, son lieu de commercialisation et d’expédition. Cependant, devant la difficulté de soustraire un seul cuissot, aussi petit soit-il, dans la mesure où ces belles pièces étaient soigneusement comptées et pesées lors du chargement à Mugron, Hinx ou Dax et vérifiées à l'arrivée à Bayonne, les gabariers inventèrent donc de découper dans des jambons bien sélectionnés pour leur qualité (et ils s'y connaissaient, les ladres !) un beau talhuc (ou morceau) de plusieurs livres
Et ces voleurs maquillaient leur forfait en comblant aussitôt le vide par de la terre glaise soigneusement modelée. Ainsi le jambon reprenait-il sa forme et son poids primitif... Mais le subterfuge était inévitablement découvert par le malheureux destinataire qui ne manquait pas d'ester en justice, ce qui valut aux indélicats transporteurs le surnom peu honorable de pane yambouns (vole-jambon).