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Société
Confession auprès d’un ministre du culte : ce que dit la Loi en France
Confession auprès d’un ministre du culte : ce que dit la Loi en France

| Alexandre de La Cerda 1201 mots

Confession auprès d’un ministre du culte : ce que dit la Loi en France

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Mgr de Moulins-Beaufort et le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin ©
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Le secret de la confession a été fortement contesté dernièrement, tant par le rapport Sauvé que lors de la récente « convocation » (!) de Mgr de Moulins-Beaufort par le ministre de l'Intérieur et des Cultes Moussa (Gérald) Darmanin qui avait redit au président de la Conférence des évêques de France que « la loi primait le secret de la confession et qu’il n’y a aucune loi au-dessus de celles de la République »… 
Sauf, Votre Honneur, qu’une circulaire du 11 août 2004 (publiée au « Bulletin Officiel du Ministère de la Justice » n°95 du 1er juillet au 30 septembre 2004) et destinée « aux Procureurs généraux près les cours d'appel - Procureurs de la République près les TGI - Premiers Présidents des cours d'appel - Présidents des TGI » rappelait l'état de la jurisprudence en matière de secret religieux applicable aux ministres du culte d'une part, et d'autre part quant aux réquisitions auprès des ministres du culte, perquisitions et saisies dans les lieux de culte.
http://www.textes.justice.gouv.fr/bulletin-officiel-10085/bulletin-officiel-n-95-du-1er-juillet-au-30-septembre-2004-11062.html

I - Le respect du secret et l’obligation de dénoncer

A) L'étendue du secret professionnel pour les ministres des cultes

Historiquement, seul le secret de la confession semble avoir été consacré par le droit positif et l'ancien article 378 du code pénal relatif à la protection du secret professionnel, comme avait eu l'occasion de le rappeler la Cour de Cassation, dans un arrêt du 30 novembre 1810, soulignant que les magistrats devaient respecter et faire respecter le secret de la confession.
Puis, dans un arrêt du 4 décembre 1891, la Cour de cassation a eu l'occasion d'élargir la notion de secret professionnel, en reconnaissant aux prêtres catholiques qu'il n'y avait pas lieu de distinguer s'ils avaient eu connaissance des faits par la voie de la confession ou en dehors de ce sacrement.
Une décision du tribunal correctionnel de la Seine du 19 mai 1900 a confirmé que les ministres du culte étaient tenus de garder le secret des confidences qu'ils pouvaient recevoir à raison de leur qualité, et reprenant en cela la motivation de l'arrêt précité du 4 décembre 1891, a affirmé que la prohibition de toute violation du secret était absolue. Ces décisions sont toutes antérieures à la séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Cependant, des décisions plus récentes ont eu l'occasion de délimiter le domaine couvert par l'obligation de secret professionnel des ministres des cultes.
Ainsi, une décision du tribunal correctionnel de Bordeaux du 22 avril 1977 a rappelé, s'agissant d'un pasteur de l'Eglise réformée, que tout ce qu'il avait pu apprendre lors de l' entretien préalable au mariage religieux imposé à de futurs époux était couvert par le secret.
Les tribunaux ont cependant rejeté en dehors du ministère du culte et de l'article 378 de l'ancien code pénal les confidences faites à un prêtre en tant que parent (Cass crim 11 mai 1959), en raison "de sa dignité, et de sa profonde connaissance de la nature humaine " ( Cass 1er Civ 12 juin 1965), ou en tant que médiateur (CA Basse Terre 14 octobre 1985). 

B) Secret professionnel et révélation à l'autorité judiciaire

1) Obligation ou autorisation de révéler 
En principe, la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire est passible d'une condamnation pénale, en application de l'article 226-13 du code pénal.
Toutefois, certaines exceptions sont prévues à l'article 226-14 du code pénal, qui distingue les cas où la loi impose la révélation du secret des cas où la loi autorise cette révélation, ainsi que les cas particuliers des atteintes ou sévices graves infligés à un mineur de 15 ans ou à une personne particulièrement vulnérable, et la situation des médecins qui constatent l'existence de tels sévices ou agressions à l'égard de quiconque.
Au vu de l'article 226-14 précité, il semble qu'un ecclésiastique, comme toute autre personne, qui révélerait des infractions de sévices graves ou d'atteintes sexuelles sur un mineur de quinze ans ou une personne vulnérable hors d'état de se protéger, n'encourrait aucune poursuite pour violation du secret professionnel, puisque la loi lui autorise cette révélation.

2) Obligation de dénoncer et secret professionnel
L'article 434-1 du code pénal sanctionne la non dénonciation de crime. Il prévoit cependant expressément que cette obligation ne s'applique pas aux personnes astreintes au secret professionnel dans les conditions prévues par l'article 226-13 du code pénal.
Dès lors, l'absence de dénonciation par une personne tenue au secret professionnel d'un crime dont elle aurait eu connaissance ne saurait être sanctionné pénalement et la possibilité de signalement à l'autorité judiciaire de certains faits, prévue par l'article 226-14 du code pénal, ne peut être analysée que comme simple faculté, laissée à la discrétion du débiteur du secret, et non comme une obligation.
L'article 434-3 du code pénal impose quant à lui à quiconque, ayant eu connaissance de mauvais traitements ou de privations infligés à des mineurs de 15 ans ou à une personne vulnérable, d'en informer les autorités judiciaires ou administratives. Là encore, il prévoit en son second alinéa, que cette obligation ne s'applique pas aux personnes astreintes au secret professionnel, tout en ajoutant "sauf lorsque la loi en dispose autrement". Mais cette dernière incise semble concerner essentiellement les personnes participant aux missions du service de l'aide sociale à l'enfance et les assistants de service social (code de l'action sociale et des familles article L 221-6).
Sous cette réserve, il apparaît donc que l'absence de dénonciation par une personne tenue au secret professionnel de mauvais traitements ou de privation infligés à des mineurs de 15 ans ou à une personne vulnérable ne puisse être sanctionné pénalement, et que, là encore, le signalement de tels faits aux autorités soit une simple faculté, ouverte par l'article 226-14 du code pénal.
Il importe donc de savoir si les ministres du culte appartiennent à la catégorie des personnes tenues au secret professionnel et dans quelle mesure l'existence d'un tel secret peut être, concrètement, invoquée par eux.
Sur le premier point, une jurisprudence traditionnelle, rendue sous l'empire de l'ancien code pénal et de son article 378, mais reprise dans le cadre de la rédaction nouvelle de l'actuel article 226-13 (tribunal correctionnel de Caen 4 septembre 2001), n'avait fait aucune difficulté pour considérer que les ministres des divers cultes étaient astreints au secret professionnel, aussi bien pour les faits appris dans le cadre étroit de la confession, que pour ceux venus à leur connaissance en raison même de leur qualité de ministre du culte (à l'exclusion de toute autre qualité comme par exemple celle d'ami, de parent, ou de médiateur (cour d'appel de Montpellier 19 octobre 1999).

Mgr de Moulins-Beaufort a donc pu réaffirmer à bon droit après son entrevue ministérielle qu’« il ne fallait pas opposer le secret de la confession aux lois de la République puisque celles-ci n'imposaient pas sa levée. Le droit canonique qui impose aux prêtres le secret de confession comme absolu et inviolable (...) n'est donc pas contraire au droit pénal français » ! (*)

CQFD…

(*) voyez également l’article de M. l'abbé Philippe Beitia « Notre Eglise » n° 106 de septembre 2019, qui rappelle l'importance et le caractère absolu du secret de la confession au sein de l'Eglise catholique : https://diocese64.org/actualites/item/2236-le-secret-de-la-confession-en-question

Notre photo : Mgr de Moulins-Beaufort (à gauche) en compagnie du ministre Gérald Darmanin à Reims (26 juillet 2020, AFP)

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