La moitié du Pignada consumée (100 hectares détruits, 65 sous surveillance), des habitations ravagées (5 maisons détruites, 11 maisons inhabitables ou détruites, heureusement aucune victime mais 12 personnes intoxiquées par les fumées), et le parc écologique Izadia anéanti : ce parc de 14 hectares, aussi beau que discret, accueillait les promeneurs sur un sentier de découverte d'1,7 km permettant de comprendre l'équilibre et les relations entre écosystèmes, faune et flore, avec à l'entrée, une Maison qui proposait une scénographie ludique et pédagogique présentant le fonctionnement écologique du littoral.
Témoignages : Claude Olive, maire d'Anglet : « Nous sommes triste ce soir, notre joyau brûle. Voici quelques photos que nous aurions aimé ne jamais voir. Toutes nos pensées vont aux personnes évacuées et aux pompiers qui luttent pour éteindre l'incendie ».
- L'adjoint au maire Jean-Paul Ospital, en première ligne ce jeudi, lors de l’incendie de Chiberta :
- Cela fait 70 ans que j’habite à Anglet et je n’ai jamais vu ça. Il n’y a jamais eu le moindre incendie et Dieu sait qu’il y a eu des moments de sécheresse, des moments de capacité inflammatoire et même des moments où la forêt était moins bien entretenue.
- Accidentel ou pas, je pense qu’il y aura des enquêtes. Il semblerait qu’il y ait deux foyers distincts entre Orok Bat et Olatu Leku. Ce sont quand même deux lieux distants (près d’un kilomètre).
- Une habitante : « Un énorme bravo aux soldats du feux et à M. Le Maire pour avoir pris en charge aussi vite ce terrible incendie ainsi que toutes les personnes évacuées. Notre belle forêt renaîtra ».
Les témoignages de solidarités affluent à Anglet : voyez le communiqué de l'évêque de Bayonne en fin d'article ; par ailleurs, en signe de solidarité, tous les postes MNS d’Anglet ont marqué une pause symbolique à midi ce vendredi 31 juillet en fermant la baignade pendant cinq minutes.
Il restera maintenant à déterminer les causes du sinistres, et à s'armer de courage pour replanter, rebâtir, comme du temps de Napoléon III...
Quelques éléments du passé...
Ce nom de Chiberta est peut-être venu du souvenir que les marins avaient conservé du détroit de « Gibraltar » qu’il leur arrivait souvent de passer.
Au XVIIIème siècle, notre fleuve capricieux de l’Adour y détourna son cours pendant quelques années. Anglet était resté pendant très longtemps un petit village rural labourdin, mentionné dès 1188, dont les grandes étendues incultes servirent de pâturage jusqu’aux premiers semis de graines de pins maritimes effectués à partir de 1630 afin d’arrêter la progression des sables vers l’intérieur. La forêt angloye fut même l'objet des convoitises bayonnaises en 1725 : l'affaire ira au Parlement de Bordeaux mais elle n'était toujours pas résolue lors de la Révolution. Finalement, la fixation définitive du chenal de l’Adour dégagea les sables de « Gibraltar » - devenus « Chiberta » On y planta des vignes (le « vin des sables ») avant la réalisation de nouveaux semis de pins par Napoléon III au moment de la vogue des bains de mer.
Au milieu du XIXème siècle, lors du terrible hiver de 1858 qui fit de nombreux orphelins, un prêtre bayonnais et sa sœur recueillirent dans une ferme - au milieu d’une mer de sable à l’orée du pignada de Chiberta - des jeunes filles « que la misère avait jetées dans le vice ». Ce fut la fondation du Monastère de Notre-Dame-du-Refuge et l’installation des Pénitentes de Marie et de la congrégation des Servantes de Marie, destinées à l’enseignement et à cultiver la terre. Ce couvent, de type rural, cultive encore des produits agricoles vendus sur place au grand public : après l'incomparable asperge cultivée par les Bernardines selon les souvenirs des plus anciens à Anglet, c‘est précisément dans la sélection de plants effectuée par les sœurs maraîchères du Couvent des Bernardines au Domaine du Refuge qu’on trouve les origines de ce piment vert au goût si particulier, à la robe brillante et allongée avec un bout légèrement recourbé.
Un paradis naturel qu'il conviendra de faire revivre
Au début du XXème siècle, on vantait déjà cette « oasis de luxe environnée de dunes brûlées par le soleil et protégée par une pinède odorante où les amoureux viennent, chaque dimanche, cueillir l’œillet sauvage qui embaume et faire des projets d’avenir ». Au sein de ce paradis naturel, forêt de 200 ha bordée par quatre kilomètres et demi de côte, il y a encore un golf : c’est à partir de 1925 qu’on entreprit le lotissement de ce « pignadar » et que fut créé le golf de Chiberta. Son roman débuta en 1927 avec son fondateur, le financier international Alfred Löwenstein qui avait, selon une légende tenace, quitté le Golf du Phare à Biarritz pour n’avoir pas réussi à y faire admettre son chien préféré. Ses plus belles pages ont été écrites avec le Prince de Galles (futur duc de Windsor) et de nombreuses célébrités, tel l’acteur Douglas Fairbanks qui y introduisit les premiers clubs métalliques. Haut-lieu de l’élégance au cours des Années Folles, entre les compétitions passionnées avec les champions espagnols de la Puerta de Hierro, il servit encore de cadre à des fêtes somptueuses, en particulier celles du Marquis de Cuevas au milieu des années cinquante.
NDLR.: nous venons de recevoir un communiqué de l'évêque de Bayonne, Mgr Aillet :
Actuellement absent du diocèse, c'est avec une vive émotion et beaucoup d'inquiétude que j'ai pu suivre, hier soir, l'évolution de la situation à Anglet, dans le quartier de Chiberta ravagé par les flammes.
Je salue avec beaucoup de respect et d'admiration le courage et l'abnégation des sapeurs-pompiers des Pyrénées-Atlantiques et de la région, ainsi que des forces de l'ordre et des agents de la sécurité civile, qui ont combattu l'incendie dans la soirée et dans la nuit de jeudi à vendredi.
Conscient de la perte de ce qui constitue "une richesse environnementale et patrimoniale inestimable", je renouvelle à M. Claude Olive, maire d'Anglet, l'expression de mon soutien et de ma sympathie.
Les habitants qui ont dû être évacués et plus particulièrement, les quelques familles dont les maisons ont été détruites par les flammes, peuvent compter sur la compassion et les prières des fidèles du pays basque et du diocèse.
+ Marc Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, le 31 juillet 2020
La Ville d’Anglet a installé un accueil avancé à la salle des fêtes de l’Hôtel de ville pour renseigner et accompagner les personnes. Il est opérationnel les 31 juillet et 1er août de 8 h 30 à 19 h, en continu. Permanence téléphonique : 05 59 58 35 35
Photos : K.Pierret-Delage / Ville d'Anglet