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Patrimoine
Biarritz : un jardin royal dans la ville
Biarritz : un jardin royal dans la ville

| Roland Machenaud 1642 mots

Biarritz : un jardin royal dans la ville

C’est une histoire anglaise qui finit bien ! Au début, était la Compagnie Nottingham qui, en 1887, avait aménagé quelques links sur un terrain lui appartenant sur la Côte Basque pour que ses invités britanniques puissent pratiquer leur sport favori. Les Béarnais de Pau avait lancé la mode en 1856, les basques de Biarritz allaient suivre, toujours dans le sillon de visiteurs anglais à la recherche du trou perdu.

British, il fallait l’être pour jouer au golf : les statuts du club stipulaient d’ailleurs en 1889 « qu’il était nécessaire pour pouvoir jouer d’appartenir au British Club ». Le plateau du Phare allait servir de décor à leurs exploits sportifs : il convient de noter que la première compétition organisée pour l’inauguration du parcours, le 13 mars 1888, opposa des dames uniquement ! Les meilleurs joueurs européens en firent leur lieu de défi préféré et rencontrèrent, au cours des réceptions mondaines qui suivaient, des têtes couronnées comme les rois Edouard VII et Alphonse XIII, et la fine fleur de l’aristocratie internationale.

Les frère Dunn et Harry Colt

Deux frères architectes, Tom et Willie Dunn, dessinèrent le parcours, modernisé après la première guerre mondiale par Harry Colt, concepteur des golfs du Touquet, de Grandville, de St Germain, de St Cloud ou de Chantaco.

Aujourd’hui, niché au cœur de la ville, le golf résiste à la pression immobilière qui grignote inexorablement ce poumon vert, objet de toutes les convoitises. Jardin des rois devenu terrain sportif, villégiature élégante transformée en défilés bronzés, club fermé laissant place aux touristes de passage et aux souriants membres retraités dotés d’accents variés.

Ne pas oublier que le parcours, aujourd’hui ramassé, s’étendait jusqu’à la mer : il fallait sauter « the chasm » océane (la fissure, le gouffre), monstre de beauté que des gravures anciennes projettent dans nos esprits imaginatifs. Cinq trous, entre falaise et mer, couvraient une partie de la Chambre d’Amour : pas de place pour la bagatelle malgré les mots. Pour revenir, un fameux trou à l’aveugle obligeait à taper haut pour franchir la falaise. Le sol était souvent abîmé par l’érosion et l’attaque marine. Le repli sur le plateau du Phare se fit rapidement.

The chasm

La revue Golf Course Architecture rappelle, dans un numéro paru fin 2010, que Charles Blair Macdonald choisit de s’inspirer de trous « idéaux » quand il s’agit pour lui de se lancer dans la conception et la réalisation du National Golf Links of America, au début des années 1900. Et « the chasm » biarrot fit partie du lot. La marque Biarritz green était née.

De grands champions vinrent animer le développement du golf à Biarritz : Arnaud Massy, le grand champion natif du quartier, revendiqué par beaucoup et qui mourut dans l’oubli et la pauvreté, Jean Gassiat, Eugène Lafitte, Pierre Hirigoyen, le pro au béret/cigarette et plus récemment, Marie-Laure de Lorenzi retirée aujourd’hui à Barcelone… De grandes figures fréquentaient le club : des étrangers tels la brésilienne Sylvie Ramos, le noble espagnol Minghietta, le belge Wolfromm.

Certains spécialistes ont attribué la victoire d’Arnaud Massy au British Open de 1907 au fait qu’il jouait au golf de Biarritz qui ne comportait alors pas d’arbres : au regard du vent, les conditions de jeu étaient parfaitement écossaises. 

En été, on jouait alors l’après-midi, après la plage. En hiver, la grande saison, le chic était de promener son teckel, toujours tenu en laisse.

La relève par une clientèle locale prit un peu de temps : en 1974, il n’y avait que 80 membres au Golf de Biarritz Le Phare. Aujourd’hui, la liste d’attente s’allonge chaque année.

Il faut souligner que ce parcours-jardin est en bon état de janvier à décembre, bénéficiant d’un sol et d’un climat favorables ainsi que d’une attention permanente d’un green-keeper hors-norme, Patrice Bernard, dont le désordre du bureau enfumé est aussi spectaculaire que la clarté de ses pensées en la matière. Si vous travaillez dans la gestion de golf, l’arrêt est obligatoire ; quand on sort de ce bureau, on comprend mieux le rapport à la terre que tout golf établit et développe.

Olazabal et Quiros

Mais il est temps de partir sur le parcours et de découvrir cette perle atlantique dans un écrin urbain habité de belles demeures de style néo-basque. L’Histoire laisse place au jeu qui réunit beaucoup d’amateurs parmi les meilleurs chaque année en juillet lors de la Biarritz Cup que gagnèrent des champions comme Olazabal ou Quiros.

Et d’abord, une constatation qui souligne la volonté de Colt d’imposer au moins cinq pars 3 dans chaque parcours : Biarritz en offre même six dont deux, le 12 et le 14 restent dans l’esprit, le 14 pouvant être classé dans les trous signatures de Biarritz au même titre que le 4, le 11 et le 18. Harry Colt dont on trouvera le fantôme dans ces bunkers-ficelles des 13 et 18.

Deuxième point fort du golf de Biarritz : presque tous les hors limites sont à gauche (trous 2, 3, 4, 8, 9, 11 et 12). Attention, hookers et épaulards, le danger est là !

Autre difficulté : on joue en famille ce parcours ramassé, pratiquement sous le regard permanent des autres et jamais dans le silence, ce qui oblige à une application continue. La campagne est loin, très loin.

Attention aux terrasses !

Le trou numéro 1 est un par 5, étroit où le drive est important : évitez les regards provenant du putting green où des terrasses. D’autant que le bon alignement est trompé par une zone de départ orientée à droite. La difficulté viendra du long green en descente. Green également profond au trou suivant, un long par 3 bien défendu par des bunkers à droite et à gauche. Tout le côté du 3 est hors-limite : seule barrière psychologique d’un cinq facile.

Le trou 4 est peut-être le trou signature du Phare : après un blind hole au départ sans difficulté, on marche lentement vers la découverte de paysages urbains et montagneux, la ville, La Rhune et les Trois Couronnes. Sortir l’appareil photo avant le deuxième coup qui vous invite à atteindre un green bien défendu par trois bunkers et aux pentes multiples.

Le joli par 3 du 5, type links, cache bien ses bunkers d’arrivée, très accueillants pour la majorité des balles. Selon le vent qui est plein ouest, on joue aussi bien un fer 8 qu’un fer 4.
Un peu de repos aux trous 6 et 7, deux pars 4 sans réel danger où la concentration sera néanmoins nécessaire sur le green aux plateaux trompeurs.
long par 3 de 203 mètres, ancien par 4, doté d’un bunker ficelle comme les aimait Harry Colt.
Au 9, il conviendra de faire attention au hors-limite à gauche ainsi qu’à la pente descendante du green, un des plus grands du parcours.

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Le golf de Biarritz le phare, club house ©
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Joueur gentleman
Et nous voilà revenu devant le club-house, toujours aussi animé et bruyant. Un bon départ au 10 dépendra de votre capacité de concentration d’autant que l’orientation du départ vous porterait sur la gauche alors qu’il est préférable de lâcher légèrement à droite. L’épreuve psychologique continue au second coup : le passage d’une carrière ne pose pas de problème particulier … si l’on exclut le doute engendré par une vision trompeuse.
Le trou n°11 est assurément l’un des plus beaux et des plus commentés (lire l’encadré). Sa principale difficulté consistera à ne pas se tromper dans le choix du club au second coup, le double plateau du green incite à ne pas chercher à attaquer le drapeau s’il est sur la partie supérieure.
Le par 3 du 12 impose d’être ni long ni à gauche : la pénalité est moins lourde quand on est dans le bunker de devant que dans celui de gauche, ou même derrière.

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Marie-Laure de Lorenzi ©
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Au 13, s’appuyer sur la gauche d’abord puis se placer volontairement à droite du drapeau : le putt sera cent fois plus facile.
Ne pas prendre peur en apercevant une tête de mort au départ du 14 : on serait pourtant tenté d’aller chercher des ossements dans les bunkers qui ornent le green tellement la vision est ressemblante. Ce court par 3 de 110 mètres exige aussi une lecture attentive d’un green tricky.
Dans l’esprit de Biarritz, au départ du 15, on croise le 14 et le 17 : précaution et salutation sont au programme du joueur gentleman. Le second coup décidera de la carte sur ce long par 4 de 400 mètres : préférer le bunker d’entrée de green à une approche difficile.
Long par 5 au trou suivant où l’on évitera le bois à droite au deuxième coup. Puis un joli par 3 au 17 avec un trou à passer, la tombée de la balle étant à 140 mètres environ.
Au dernier trou, on retiendra qu’il comporte le seul hors-limite à droite du parcours … où il faudra rester sur le fairway si l’on veut avoir une bonne position pour le deuxième coup. Rester court du bunker est une bonne décision, la balle pouvant se coller dans une butte d’où il sera difficile de sortir. Ce qui risque d’accentuer les sourires des nombreux amis qui alors vous regardent terminer votre parcours !

Ah, les bambous !
Et l’amour dans tout ça ? Eh bien, il est bien là ! Et les preuves existent : Biarritz est bien une destination pour golfeurs amoureux. Plusieurs témoignages concordent : les bambous du 11 ont servi de décor à des ébats où sport et passion ont au pire retardé des parties au mieux envoyé au septième ciel des couples en mal de performances. Tout ça à mettre à l’index évidemment, selon un président dont le 11 est le trou préféré : allez savoir pourquoi !

Marie-Laure, la basquaise catalane
Elle fut l’une des plus grandes golfeuses françaises : Marie-Laure de Lorenzi est née à Biarritz au début des années 60. Son palmarès est impressionnant : elle a participé à 221 tournois professionnels et remporté 19 titres. Elle quitte rarement Barcelone où elle vit aujourd’hui en famille. La Solheim Cup où elle représentât l’Europe à trois reprises l’a pourtant rappelée pour assurer le poste de vice-capitaine lors de l’édition 2007 en Suède.

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