Lors de ma conférence l’Alliance Franco-Russe en marche en prélude à la Guerre de 14
https://www.baskulture.com/article/edmond-rostand-acteur-de-lalliance-franco-russe-il-y-a-120-ans-4336
j’avais rappelé à propos de Clemenceau - qui avait marqué ses réticences vis-à-vis de cette alliance franco-russe - que le futur « Père la Victoire » qui s’était opposé à l’Alliance Franco-russe, était loin de présumer le sacrifice de l’armée de Nicolas II en Prusse-Orientale pour y fixer les troupes allemandes et les empêcher de prendre Paris en 1914, permettant le « miracle » des Taxis de la Marne. Et la Russie jouera un rôle encore plus considérable dans le sort de la bataille de Verdun grâce à "la percée du général Broussilov" sur le front sud-ouest en 1916, obligeant les Allemands de nouveau à transférer du front de l’ouest, y compris de la région de Verdun, 30 divisions d’infanterie et trois et demie de cavalerie, soit une brillante illustration de « l’entente cordiale » entre la France et la Russie qui s'était formée à la fin du XIXe siècle !
Mais il convient également d’évoquer ceux des Russes qui, résidant en France pendant la guerre, ne combattaient pas sur le Front .
Ainsi, « La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz » reproduisait dans son édition du 8 juin 1919 le rapport « Biarritz pendant la guerre » lu par le sénateur-maire de Biarritz Pierre Forsans lors du conseil municipal du 6 juin 1919 :
« Au Grand-Hôtel de Biarritz, le Docteur Jacques de Poliakoff fondait de ses propres deniers un hôpital qui devait devenir par la suite le centre d’un secteur chirurgical de quatre formations pouvant recevoir et traiter 700 blessés. Aidé par le Docteur Bandaline, son collaborateur immédiat, nommé co-directeur de l’Hôpital par le Ministre de la Guerre, le Docteur de Poliakoff a installé là une service médical et chirurgical de premier ordre comportant toutes les conquêtes de la science moderne. En une seule année 600 opérations y ont été pratiquées sans qu’un seul cas d’infection post-opératoire s'y soit révélé. C’est en ces termes que, parlant de l’aide apportée à la France par nos alliés, quelqu’un bien placé pour en connaître, appréciait naguère dans une grande publication les services rendus par l’Hôpital du Grand-Hôtel.
Nous devons ajouter que le Docteur de Poliakoff, qui depuis longtemps a conquis droit de cité parmi nous, n’a pas borné son effort à la création de cet hôpital. Il en a depuis le début constamment assuré la Direction, avec son ami et collaborateur le Docteur Bandaline ne cessant d'apporter chaque jour ses soins personnels aux blessés, les entourant de prévenances et d’attention : collations, distractions variées, séances musicales auxquelles participaient des artistes en renom, etc... Et quand les heures pénibles sont venues contenant sa douleur et maîtrisant ses préoccupations, il a continué, avec la même sérénité, la même bonne grâce, la noble mission à laquelle il s’était donné.
Le Gouvernement de la France a, il y a quelque temps, promu le Docteur de Poliakoff à la dignité d'Officier de la Légion d'Honneur et a décerné la Croix de Chevalier au Docteur Bandaline. Témoin de leur dévouement et des services qu’ils ont rendus, la population entière a applaudi à ces distinctions méritées ».
A l’œuvre des docteurs Poliakoff et Bandaline, il convient encore d’ajouter l’« Ambulance russe », autre hôpital bénévole (numéroté 103 bis), d’une capacité de 25 lits dirigé par la Princesse Narischkine.
Et les Anglais n’étant pas de reste, le roi Georges V avait mis à disposition des blessés du front la clinique anglaise créée par son père Edouard VII à l’hôtel qui portera son nom (rue des Chantiers, actuelle rue Abbé Moussempés) afin de soigner les nombreux résidents anglais à Biarritz.
La première transfusion sanguine directe de la guerre eut lieu à Biarritz
L’investigation médicale marqua des progrès décisifs à Biarritz.
En 1911, Emile Roux, directeur de l'Institut Pasteur, avait décidé d'ouvrir un service de chimiothérapie et d’en confier la direction à Ernest Fourneau. Ce chimiste issu d’une famille d’hôteliers biarrots (primitivement établie à Ossès au XVIIIe siècle) et qui résidera jusqu’à la fin de sa vie à Ascain, regroupera autour de lui une pléiade de chercheurs. Les multiples travaux de Fourneau concernèrent entre autres les antipaludiques et, surtout les sulfamides, ancêtres des actuels antibiotiques, qui sauveront tant de gens pendant la 2e Guerre mondiale.
Or, à cette même époque, n’est-ce pas déjà dans un des multiples hôpitaux installés à Biarritz dès le début du conflit qu’eut lieu la première transfusion sanguine directe de la Première Guerre mondiale ?
C’était le 16 octobre 1914 : le professeur Emile Jeanbrau, de la Faculté de médecine de Montpellier, affecté à cet hôpital de Biarritz, avait demandé à Isidore Colas, breton en convalescence à la suite d'une blessure à la jambe, un don de sang pour le caporal Henri Legrain, arrivé en état de choc et agonisant du front. Emile Jeanbrau avait ainsi réalisé la première transfusion sanguine de la première guerre mondiale. Le résultat fut été spectaculaire : « Je le vis peu à peu se recolorer et renaître à la vie », expliqua un des médecins.
On ne sait pas exactement dans quel hôpital cette extraordinaire avancée médicale avait eu lieu, Biarritz comptant de très nombreux établissements destinés aux blessés du front ; quant à notre « miraculé » de la transfusion sanguine à Biarritz, Henri Louis Legrain, ce caporal au 45e RI (de la classe 1909) qui avait été blessé le 28 septembre 1914 dans les tranchées pendant un violent bombardement près de Maricourt dans la Somme... vivra jusqu’à l’âge de 98 ans ! Le sang l’avait sauvé à Biarritz…